Singe ou chien : les racistes de tous bords aiment décidément les noms d'animaux <!-- --> | Atlantico.fr
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Affiche du film "La marche".
Affiche du film "La marche".
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Éditorial

Un morceau de rap réalisé en marge du film "La Marche" qui sort demain en salle réclame dans un couplet "un autodafé contre ces chiens" de l'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo.

Pierre Guyot

Pierre Guyot

Pierre Guyot est journaliste, producteur et réalisateur de documentaires. Il est l’un des fondateurs et actionnaires d’Atlantico.

 

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Les mots ont une valeur, particulièrement importante en cette période actuelle de tensions sociales, en ces moments d’inquiétude et de colère dont certains profitent pour tenter de faire oublier que le racisme n’est en rien une opinion, mais tout simplement un délit.

Demain sort en salle La Marche du réalisateur Nabil ben Yadir. Le film retrace la marche contre le racisme organisée en 1983 à l’issue d’affrontements entre policiers et jeunes du quartier des Minguettes dans la banlieue de Lyon et après le meurtre à caractère raciste d’un adolescent de treize ans à Marseille. Mais avant même que le public puisse y découvrir le jeu des comédiens Jamel Debbouze, Olivier Gourmet ou Lubna Azabal, c’est la chanson La marche produite en marge de ce film par un collectif de rappeurs qui provoque la polémique. 

Les paroles de la chanson, interprétées par des artistes reconnus de la scène rap française comme Akhenaton, Disiz ou Kool Shen, s’attaquent en effet à l’hebdomadaire Charlie Hebdo qui a publié les caricatures de Mahomet, en appelant à l’autodafé du magazine.

"De toute façon y’a pas plus ringard que le raciste. Ces « théoristes » veulent faire taire l'islam. Quel est le vrai danger : le terrorisme ou le taylorisme ? Les miens se lèvent tôt, j'ai vu mes potos taffer. Je réclame un autodafé pour ces chiens de Charlie Hebdo", y chante le rappeur Nekfeu.

Il est important de préciser que ces mots ne constituent qu’un bref passage de la chanson (voir la vidéo ci-dessous) dans laquelle les interprètes affirment aussi "Ma France je t’aime, toi tu ne m’aimes pas. Quand je viens vers toi, parle-moi, ne me repousse pas."

Ils n’en restent pas moins graves quand il s’agit de demander, au nom de la religion ("autodafé" est le nom portugais, étendu aujourd’hui à la langue française, des "actus fidei", les actes de foi de l’Inquisition qui brûlaient vif les hérétiques), la destruction par les flammes d’un journal qui a déjà été victime d’un incendie criminel et dont le directeur de la publication, Charb, a été "condamné à mort" par la revue numérique Inspire, éditée par Al-Qaïda.

Le magazine Charlie Hebdo se dit "effaré" par "la violence des paroles  (…). Ainsi, la chanson « Marche » (...) reprend les propos que tient habituellement l’extrême-droite musulmane". Le caractère religieux des revendications exprimées dans cette chanson ne fait aucun doute puisque dans autre couplet, un interprète explique que "Ma meilleure amie porte le foulard. Plus jolie que ces filles peinturlurées. Laissez les gens vivre leur religion". De même, il est difficile de ne pas entendre dans l’injure "les chiens de Charlie Hebdo", la traditionnelle expression "chiens d’infidèles".

Le producteur du film La Marche, abondamment financé par l’argent public (via France Télévision ou le Centre National de la Cinématographie par exemple), précise que la chanson ne fait pas partie de la bande originale du long métrage, mais qu’il abien donné son feu vert à l’exploitation d’éléments sonores du film qui ont été intégrés à la chanson et que la pochette et l’affiche du film partagent la même typographie : le mot "marche" écrit en grandes lettres jaunes.

L’artiste Kore, à l’initiative de la chanson défend, lui, "la liberté d'expression" des rappeurs. Et puis des chansons outrancières, il y en a déjà eu et des pas piquées des vers !

Le seul problème, c’est qu’invoquer la liberté d’expression et de création artistique pour justifier l’emploi du terme "chien" pour désigner "l’autre" n’est pas très éloigné de la position des racistes du journal Minute quand ils revendiquent la liberté de la presse pour employer le mot "singe" pour désigner Christiane Taubira.

La garde des Sceaux avait expliqué que pareille injure niait son appartenance à l’espèce humaine et combien ce déni était violent et odieux. Elle avait mille fois raison.

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