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Simone Veil sur l’impossible pardon après l’enfer d’Auschwitz
©AFP

Bonnes feuilles

22 décembre 2004. Pour la première fois, Simone Veil retourne à Auschwitz avec les siens. Le reportage publié dans « Paris Match » avait bouleversé les lecteurs par l’intensité de l’émotion qui s’en dégageait. A l’origine de ce « voyage », Alain Genestar, alors directeur de la rédaction du magazine. Il avait réussi à convaincre Simone Veil de revenir sur les lieux où 1 million de Juifs et 120 000 autres déportés ont été assassiné par les nazis. Extrait de "Pour mémoire" d'Alain Genestar, aux éditions Grasset (2/2).

Alain Genestar

Alain Genestar

Alain Genestar, journaliste et romancier, a dirigé la rédaction du Journal du Dimanche puis celle de Paris Match, avant de diriger Polka Magazine. Il est l'auteur, chez Grasset, de Les Péchés du Prince (1992), Français, si vous rêviez (1995), Le Baraquement américain (1998) et Expulsion (2008). 

 

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Alain Genestar : Lors de ma première visite, il y a un mois [en novembre 2004], notre guide nous a raconté qu’un jour elle avait accompagné un groupe d’Allemands. Ils ont passé la journée ensemble et au moment de remonter dans le bus, l’un d’eux lui a confié qu’il était un ancien gardien SS du camp. Si vous l’aviez rencontré, que lui auriez-vous dit ?

Simone Veil :  Je crois que je l’aurais ignoré. Les mots n’ont aucune valeur. Quand j’étais au Parlement européen, je considérais l’âge des Allemands, et je me posais la question de savoir ce qu’ils faisaient pendant la guerre.

Mais à partir du moment où on a décidé de faire l’Europe ensemble, ce n’est plus le lieu pour s’interroger. Je savais que certains avaient été très bien, ou étaient trop jeunes. Pour les autres, c’était une question que je préférais mettre de côté.

Alain Genestar : Avez-vous pardonné ?

Simone Veil : Non, jamais. Pour moi, la question ne se pose pas en termes de pardon. Moi, je suis vivante, je suis là. Ce n’est pas à moi de pardonner lorsqu’il s’agit de 6 millions de Juifs exterminés. Si on parle de pardon, ce doit être de façon globale. Et on ne peut pas pardonner globalement ce qui a été fait. On ne peut pas pardonner d’avoir décidé de tuer un enfant avant même qu’il naisse. On ne peut pas pardonner d’avoir décidé d’emmener tous les Juifs à Auschwitz pour les exterminer.

Quand je pense à Auschwitz [Silence], le pire c’est de penser à tous les enfants, certains très jeunes, qui ont été parfois tout seuls jusqu’à la chambre à gaz. C’est insupportable. Lorsque je vais à Yad Vashem, en Israël, ou en France à l’exposition de photos que Serge Klarsfeld avait présentée, je ne peux m’empêcher de pleurer. Et je pense à ce que seraient devenus tous ces enfants si beaux, si vifs, s’ils n’avaient pas été massacrés.

Pardonner, ce n’est pas possible. Il faut essayer de tout faire pour que ça ne se reproduise pas. Il ne suffit pas de dire qu’on se réconcilie et qu’on fonde l’Europe. Il faut qu’elle soit basée sur des engagements les uns vis-à-vis des autres. Tous les pays européens ont maintenant adhéré à la Convention européenne des droits de l’homme, et la Cour européenne sanctionne les atteintes qui y sont portées. Mais surtout, très peu de temps après la guerre, la République fédérale d’Allemagne s’est engagée à faire la lumière sur ce qui s’est passé. Beaucoup d’historiens allemands sont allés loin dans la recherche historique pour savoir la vérité. Chaque année, le président du Bundestag invite, le 27 janvier, à l’occasion de la commémoration de la libération d’Auschwitz, une personnalité généralement étrangère pour parler de la Shoah. J’ai moi-même prononcé un discours devant les parlementaires allemands.

Extrait de "Pour mémoire" d'Alain Genestar, aux éditions Grasset

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