Serez-vous bientôt atteint de la maladie d'Alzheimer ? Comment identifier les signes avant-coureurs de la maladie (et ne pas tomber dans le piège des tests trop simplistes)<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Science
Au congrès international de "l'Alzheimer's Associations" tenu à Toronto en juillet dernier, un test étonnant a été présenté : composé de 35 questions, il est censé participer à l'identification des premiers signes de la maladie d’Alzheimer.
Au congrès international de "l'Alzheimer's Associations" tenu à Toronto en juillet dernier, un test étonnant a été présenté : composé de 35 questions, il est censé participer à l'identification des premiers signes de la maladie d’Alzheimer.
©Pixabay

Pense-bête

Au congrès international de "l'Alzheimer's Associations" tenu à Toronto en juillet dernier, un test étonnant a été présenté : composé de 35 questions, il est censé participer à l'identification des premiers signes de la maladie d’Alzheimer. On le passe ou on l'oublie ? Réponse.

Francis Eustache

Francis Eustache

Francis Eustache est neuropsychologue. Il est directeur d'Etudes à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) et dirige l’équipe U1077 de l’INSERM de Caen, unique unité de recherche en France totalement dédiée à l’étude de la mémoire humaine. Président du Conseil Scientifique de l'Observatoire B2V des Mémoires, il vient de faire paraître "Mémoire et oubli" aux éditions Le Pommier.

 

Voir la bio »

Atlantico : Quel intérêt présente ce questionnaire pour le domaine médical ? S’agit-il d’une avancée conséquente ?

Francis Eustache : On considère depuis longtemps que la meilleure stratégie pour faire un diagnostic précoce de la maladie d’Alzheimer consiste à détecter les troubles de mémoire, ce qui n’est pas faux. Ce questionnaire est innovant dans la mesure où il propose de prendre également en compte des modifications comportementales : humeur, anxiété, expériences sensorielles… on trouve parmi les sujets abordés des questions de type “La personne a-t-elle perdu en spontanéité ou en dynamisme ?“ ou encore “La personne est-t-elle devenue plus anxieuse qu’auparavant à l’égard des tâches quotidiennes ?” La nature de ces questions s’inscrit dans ce qu’on appelle le “tournant social”, en neuropsychologie et en neurosciences, c’est-à-dire la capacité à interagir avec son environnement. Si cette propension paraît naturelle au premier abord, elle s’avère être en réalité complexe. Son étude est précisément un moyen de découvrir des signes avant-coureurs de différentes maladies neurodégénératives, telle que la maladie d’Alzheimer. En effet, les comportements sociaux (tels que ceux mentionnés dans le test) sont perturbés particulièrement tôt dans ce type de maladie. Cela étant dit, ce questionnaire ne peut être considéré comme une approche exclusive pour faire le diagnostic de la maladie d’Alzheimer. Pour porter ce diagnostic, il est nécessaire de prendre en compte la singularité du patient. Pour ce faire, mieux vaut combiner les approches cognitives (tests de mémoire et autres épreuves neuropsychologiques, entretiens avec les proches des patients) et les approches non-cognitives relevant du domaine des biomarqueurs. Ces derniers identifient notamment les lésions cérébrales in vivo du patient à l’aide de l’IRM (imagerie par résonance magnétique), ou de la TEP (tomographie par émission de position ). Prenant en compte ces deux aspects, je dirais qu’il faut surtout considérer ce test comme un complément judicieux plutôt que comme un outil imparable pour identifier les premiers signes de la maladie.

Puisque le test repose sur des critères d’observations comportementales, peut-on imaginer que n’importe qui pourrait faire le diagnostic d’un proche potentiellement atteint par la maladie ?

Absolument pas. Comme je vous le disais à l’instant, ce type de test ne saurait être une approche exclusive de la maladie : c’est un outil qui en complète d’autres, et qui ne peut-être bien utilisé que par des professionnels. C’est en croisant les approches (cognitives, non cognitives) que l’on peut établir un diagnostic individuel et précis. Malgré un aspect novateur, il faut absolument éviter les raccourcis en pensant que ce test est un outil magique. D’autant plus qu’il repose sur un champ d’observation large : les troubles du comportement. Ceux-ci ne sont évidemment pas circonscrits à la maladie d’Alzheimer. D’autres pathologies voisines et notamment les démences fronto-temporales (qui entraînent des modifications des lobes frontaux et temporaux), provoquent de tels troubles comportementaux. Étudier l’évolution du comportement d’un individu est un bon moyen pour mettre sur la voie d’une maladie dégénérative mais ne permet pas, selon nos connaissances actuelles, d’identifier une pathologie spécifiquement Alzheimer.

Quels sont les meilleurs moyens pour identifier les premiers signes de la maladie ?

Les diagnostics les plus complets consistent en une consultation pluridisciplinaire ("consultation mémoire") qui associe médecin, neuropsychologue et accès à des biomarqueurs, notamment en imagerie cérébrale. Il convient bien sûr d’identifier les perturbations cognitives et émotionnelles ; il est également essentiel de réaliser l’anamnèse, soit de retracer l’historique médical du patient. Enfin, essayer de détecter, grâce à l’imagerie cérébrale, une potentielle atrophie de l'hippocampe, c’est à dire une réduction de la structure clé dans le bon fonctionnement de la mémoire, est une stratégie complémentaire qui se révèle aussi très importante.

A partir de quel âge est-il recommandé de faire ce diagnostic multidisciplinaire ?

Il n’y a pas d’âge où ce diagnostic est recommandé. Ce diagnostic est en revanche proposé au patient s’il existe une plainte de sa part ou de sa famille, mais cela peut concerner des personnes de 60 ans, voire moins. En l’absence de plainte, il n’est pas recommandé d’orienter les personnes âgées vers une "consultation mémoire".

Propos recueillis par Victoire Barbin Perron

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !