Sécurité : ce pillage auquel les campagnes françaises sont de plus en plus soumises <!-- --> | Atlantico.fr
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L'insécurité en zone rurale prend de plus en plus d'ampleur.
L'insécurité en zone rurale prend de plus en plus d'ampleur.
©Jacques DEMARTHON / AFP

Terrain de chasse

L'insécurité en zone rurale s’aggrave en France. Le chef de l’Etat avait annoncé en janvier la création et le déploiement de 200 nouvelles brigades de gendarmerie sur l’ensemble du territoire.

Xavier Raufer

Xavier Raufer

Xavier Raufer est un criminologue français, directeur des études au Département de recherches sur les menaces criminelles contemporaines à l'Université Paris II, et auteur de nombreux ouvrages sur le sujet. Dernier en date:  La criminalité organisée dans le chaos mondial : mafias, triades, cartels, clans. Il est directeur d'études, pôle sécurité-défense-criminologie du Conservatoire National des Arts et Métiers. 

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Comme tout centriste, M. Macron se souvient de la sécurité à la veille de l’élec­tion - pour tout oublier ensuite. Puisqu’en ce jour, le président se soucie par ex­ception de la sécurité des Français, qu’il veuille considérer la situation de ceux des campagnes - grave, voire pour certains, désespérante.

« Intensification des vols de récoltes... Vols de fruits et légumes dans les hangars ou en plein champ... Alerte aux pilleurs de serres... Les éleveurs face au fléau des vols à la ferme... Les voleurs sont dans le pré... Ras-le-bol des agriculteurs... »

Le pillage des campagnes s’aggrave, mal décompté par le ministère de l’Intérieur dont le rigide outil statistique est inadapté à ces razzias opportunistes. Dixit ré­cemment un procureur du midi : « Je n’ai pas de chiffres car les vols ne sont pas recensés par objet dérobé ». Vol d’une rivière de diamants... vol d’un potiron - un vol, point final ! Oui, nos ministères de l’Intérieur et de la justice vivent en 1950... Porter plainte ? « Ça ne sert à rien de saisir la justice, vu que les voleurs ne risquent pas grand-chose » (un syndicaliste paysan).

Cependant, chiffres réalistes ou pas, les élus locaux, syndicats agricoles, assu­reurs le clament, les agriculteurs le crient : la campagne française sert de terrain de chasse à des voleurs toujours plus actifs et professionnels. Un paysan : « on vient se servir dans les champs comme dans un libre-service ».

D’une simple maraude alimentaire sans risques - comment faire ses récoltes ou élever des animaux de l’intérieur d’un coffre-fort ? - les fermes souvent isolées et aisément accessibles en voiture - donc presque sans défense - subissent dé­sormais des prédations organisées et planifiées. Les fruits, légumes, œufs, ani­maux de basse-cour, etc., qu’on y vole, étant ensuite bradés sur des marchés ou au long des routes, par des proches ou complices des pillards eux-mêmes.

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De longue date, les campagnes sont pillées ; longtemps, on y a volé l’outillage, le carburant, le matériel d’irrigation, les batteries, les dispositifs GPS - les tracteurs et engins agricoles, parfois. Mais là, les récoltes elles-mêmes disparaissent : fraises, asperges, melons, olives, courgettes, tomates : la liste des vols s’allonge sans cesse. Du travail nocturne, de pro : « Ils arrivent avec des lampes frontales ; l’un guette et téléphone aux autres si l’on vient », dit un agriculteur.

Le pire fléau affecte l’élevage des agneaux, chevreaux, brebis, etc. ; certaines bergeries étant pillées à répétition. Là encore, du crime organisé : voleurs cagou­lés, parfois armés, effractions et razzias nocturnes opérées après repérages soi­gneux. Naguère, ces vols touchaient plutôt la Loire-Atlantique, mais depuis 2020, ils affectent toujours plus massivement la façade maritime, la Manche notam­ment ; même, l’intérieur du pays : à la mi-mai, un élevage de Parthenay (Deux-Sèvres) se fait voler 172 moutons et agneaux ; plus de 50 à Poiseux (Nièvre) ; ani­maux volés, parfois mutilés, voire abattus et dépecés sur place pour la viande, l'éleveur trouvant ensuite dans son pré leurs viscères sanglantes.

« Mais qui sont ces voleurs » interrogent, en mode naïf, des médias bien­séants ; « Mystérieux vols de moutons » titrent d’autres, décidés à regar­der ail­leurs. Or l’affaire est sans mystère : premier touché, le « Collectif des éle­veurs pillés de Loire-Atlantique », désigne les nomades des camps voisins ; que, pour ces vols, les gendarmes arrêtent souvent (« délinquance itinérante » en no­vlangue). Un collectif aidant ces nomades décrie bien sûr cette « stigmatisa­tion » mais excuse évasivement certains de ses protégés « dans une situation dif­ficile ».

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Puisque le ministère de l’Intérieur ignore l’affaire, extrapolons à sa place l’am­pleur de ces rapines à l’échelle nationale.

En moyenne récente, 600 à 700 moutons volés par an dans les ± 170 élevages de Loire-Atlantique ; base minimale, 2 par exploitation. La France compte ± 40 000 élevages ovins de toutes tailles ; cheptel global, ± 7 millions de bêtes. Estimons prudemment que 50% de ces élevages sont épargnés. Et calculons : 2 moutons volés chaque année dans 50% de nos élevages, donne l’affolant total de 40 000 bêtes pillées par an. Au prix moyen d’une carcasse vendue par l’éleveur, le préju­dice total annuel dépasse les dix millions d’euros.

Pour tout Français, le mouton évoque forcément le conte du Petit Prince. À pré­sent, le président Macron devrait ne pas se borner à dessiner les moutons, mais bien plutôt agir pour les protéger.

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