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Sécheresse : 2015 bien parti pour rattraper les records de 2003 et 1976
©Reuters

Perspective dramatique

La canicule fait rage en France depuis le début du mois de juillet, probablement l'un des plus secs depuis 1959. De nombreux départements sont concernés par des restrictions d'eau, en particulier dans le Centre-Ouest et le Sud-Ouest, touchés par plusieurs départs de feu.

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : L'été 2015 en France est marqué par une sécheresse qui touche pratiquement un département sur deux. Quelle est l'ampleur du phénomène cette année (par rapport aux années précédentes) ?

Frédéric Decker : Nous n'avons pas connu de sécheresse estivale marquée depuis 2005. Entre 2006 et 2014, nous avons connu quelques sécheresses en dehors de l'été, notamment la sécheresse record du printemps 2011 (moins de 20 mm en trois mois en Picardie !). Celle-ci fut toutefois suivie d'un été arrosé, permettant de stopper net la sécheresse.

Dans le cas de 2005, il s'agissait à la fois d'une sécheresse de surface comme cette année, mais aussi d'une sécheresse en profondeur, c'est-à-dire au niveau des nappes phréatiques. Et pour cause : 2005 était la troisième année consécutive sèche après 2003 et 2004. La situation avait alors fini par s'améliorer en fin d'année et surtout entre 2006 et 2007 avec le retour de la pluie.

Cette année, après un hiver normalement arrosé, le printemps a déjà été assez sec, notamment le mois de mai dans le sud. En juin, ce fut au tour de la moitié nord de basculer dans la sécheresse de surface avec la quasi-absence de précipitations. La canicule de fin juin et juillet n'a fait qu'accélérer le processus d'assèchement des sols en surface.

Cette sécheresse pourrait-elle encore s'aggraver d'ici la fin de l'été ? Connaîtra-t-on les niveaux atteints en 2003 ou, encore auparavant, en 1976 ?

Oui, l'été est la pire saison pour permettre une amélioration en terme de sécheresse, même si cela s'est déjà vu, en 2011 par exemple. Pourquoi ? Parce qu'en été, l'ETP (évapotranspiration potentielle, ou pour simplifier transpiration des végétaux) dépasse les précipitations. De ce fait, les couches d'eau superficielles du sol sont susceptibles de se retrouver à zéro. C'est le cas cette année, souvent depuis début juin, y compris au nord de la Loire. Les nappes phréatiques vont encore plutôt bien actuellement, mais ne nous voilons pas la face : si la pluie continue à faire défaut, ce qui risque d'arriver, la sécheresse va s'étendre en profondeur, du fait non seulement de la végétation qui ira chercher plus loin, mais aussi des pompages agricoles inévitables dans ces cas-là. Les tendances pour août et même septembre indiquent encore une anomalie négative en terme de précipitations en France. La fiabilité n'est toutefois que de 60%, il faut espérer que cette tendance soit fausse !

Nous restons pour le moment assez loin des sécheresses de 1976 ou 2003 en profondeur. En revanche, en surface, nous nous en approchons.

Petite particularité : si la sécheresse n'est pas rare dans le sud de la France, elle semble cette année aussi bien affecter l'Ouest que la Savoie, le Massif central ou certains départements franciliens. Pourquoi ?

Parce que nous connaissons depuis plusieurs mois des conditions anticycloniques récurrentes à la fois durables et étendues sur la France et une partie de l'Europe occidentale. De ce fait, le déficit depuis le début de l'année et même depuis l'automne dernier est national. Les régions de l'ouest sont particulièrement exposées avec un déficit remarquable depuis plus de neuf mois. Finalement, c'est sur les bords de la Méditerranée que les quantités de précipitations sont les plus conformes aux moyennes saisonnières, à l'exception de la Corse qui a reçu assez peu d'eau.

Comment la sécheresse affecte-t-elle le paysage français, les terres agricoles et son sous-sol ? Quel impact peut-elle avoir, en termes économiques et écologiques ?

Les réserves superficielles en eau sont à zéro partout. La végétation est en stress hydrique. Certains arbres jaunissent et perdent leurs feuilles en réaction à la sécheresse (et pas en prévision d'un automne et d'un hiver précoce contrairement à ce que l'on peut lire ou entendre). Quant il fait trop sec, la végétation s'économise en s'amputant de ses feuilles. Le sol se craquèle et subit des mouvements du fait de sa rétractation en raison du manque d'eau. Des fissures peuvent apparaître sur les murs. Bien sûr, cette sécheresse oblige les agriculteurs à arroser beaucoup plus qu'habituellement, puisant ainsi dans les nappes phréatiques par exemple. Ce qui risque encore d'aggraver le phénomène. Comme souvent les années sèches, on peut craindre une flambée des prix des fruits, légumes et céréales. Un point positif tout de même : les étés secs et chauds donnent d'excellents vins !

Au total, 41 départements sont soumis à des restrictions totales ou partielles d'eau. Ces mesures sont-elles efficaces ? Que faudrait-il faire ?

Déjà, il faut être sérieux et suivre ces restrictions à la lettre. A chacun donc de prendre ses responsabilités en ne remplissant pas la piscine, en ne lavant pas sa voiture, ne pas arroser sa pelouse qui reverdira à l'automne... Des gestes simples permettent aussi d'économiser l'eau : ne pas laisser l'eau couler quand on se brosse les dents, utiliser l'eau de rinçage des légumes pour arroser ses plantes ou son potager... Dans le domaine agricole, il serait bénéfique surtout d'arroser le soir et la nuit pour que les cultures profitent pleinement de l'eau. En effet, un arrosage en plein soleil sous la chaleur entre le milieu de matinée et le début de soirée s'évapore en grande partie, c'est du gaspillage ! Et il faut du coup doublement arroser (au moins !) par rapport à un arrosage vespéral...

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