Se mettre au marathon après 45 ans, bonne ou mauvaise idée ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Santé
Selon une étude dévoilée dans le journal américain de cardiologie, le fait de courir un marathon permettrait de gagner en longévité.
Selon une étude dévoilée dans le journal américain de cardiologie, le fait de courir un marathon permettrait de gagner en longévité.
©KENZO TRIBOUILLARD / AFP

Sport et santé

Selon une étude dévoilée dans le journal américain de cardiologie, le fait de courir un marathon permettrait de gagner en longévité. Quels sont les principaux avantages et existe-t-il des restrictions d'âge ?

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

Voir la bio »
Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

Voir la bio »

Atlantico.fr : D'après une étude publiée par le journal américain de cardiologie, courir un marathon permettrait de gagner en longévité et ce peu importe l'âge. Est-ce vrai peu importe l'âge auquel on commence cette pratique du sport ? Quels sont les autres avantages ? 

Stéphane Gayet : C'est un sujet très en vogue aujourd'hui, autant médicalement que médiatiquement. Cet engouement a plusieurs raisons. La première est que l'espérance de vie à la naissance augmente en France de façon continuelle, ce qui permet à certaines maladies dégénératives favorisées par l'âge de se développer et de s'exprimer. La deuxième est que l'exercice physique qui est donc considéré comme une thérapeutique est une thérapeutique non coûteuse, non médicalisée et non suspecte d'être toxique. La troisième est liée à l'augmentation générale du temps libre d'une majorité de Françaises et de Français.

La pratique sportive régulière et non excessive (mesurée) a des effets bénéfiques sur la thymie ou humeur, les fonctions dites cognitives ou intellectuelles, le sommeil, l'appétit, la digestion et le transit intestinal, la fréquence cardiaque et la pression artérielle, la circulation artérielle comme la circulation veineuse, les capacités et les débits pulmonaires, et la puissance musculaire des muscles sollicités, sans parler du système immunitaire semble-t-il.
Cette pratique sportive est préventive et curative de beaucoup de maladies dites dégénératives. Son intérêt a été montré de façon plus particulière dans les maladies chroniques métaboliques et cardiovasculaires : surcharge pondérale et a fortiori obésité, diabète de type 2, hypertension artérielle et artériopathie chronique oblitérante des membres inférieurs (artérite), angine de poitrine et infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral (AVC) et maladie thrombo-phlébitique (phlébite) des membres inférieurs.

Chez l'enfant et chez l'adolescent, l'exercice physique favorise le développement, déjà en raison du fait qu'il améliore d'une façon générale le sommeil et de cette façon la production d'hormone de croissance.

Oui, les études se succèdent et toutes confirment les grands bénéfices d'un exercice physique régulier, à la fois pour une prévention mais aussi une amélioration de beaucoup de maladies chroniques. Il a également un intérêt préventif et curatif des maladies cardiovasculaires. Il augmente la puissance contractile du myocarde (muscle du cœur), améliore le débit sanguin artériel dans tout le corps et surtout dans les masses musculaires et le cerveau, tout en abaissant la pression artérielle. Les personnes qui pratiquent régulièrement un exercice physique ont une fréquence cardiaque abaissée (pouls plus lent) et une pression artérielle diminuée (les deux chiffres : la pression maximale ou systolique et la pression minimale ou diastolique). C'est par cette action favorable, tant sur la fréquence cardiaque que sur la pression artérielle, que s'explique la prévention du durcissement des artères. Car ce que l'on appelle communément le durcissement artériel n'est autre que la maladie athéromateuse.

Le développement de l'athérome artériel consiste en la formation, dans la paroi des artères de calibre moyen et gros, de plaques dites plaques d'athérome : elles durcissent les parois des artères et en rétrécissent le calibre. Les facteurs de risque de l'athérome sont le tabagisme, l'hypertension artérielle et l'hypercholestérolémie athérogène (LDL-cholestérol).
L'athéromatose artérielle est le mode de vieillissement des artères ; c'est un processus très progressif, mais considéré à ce jour comme peu ou pas réversible. Une plaque d'athérome ne se contente pas de durcir et rétrécir le calibre d'une artère : elle peut être libérée de la paroi artérielle et aller migrer en aval pour obstruer une petite ou parfois une moyenne artère (ischémie ou arrêt de la circulation dans un territoire artériel d'aval ; dans le cerveau, c'est un accident vasculaire cérébral ischémique).

Guy-André Pelouze : Depuis des décennies le nombre de preuves accumulées sur les bénéfices de l’exercice physique sur la santé en général est impressionnant. Pourtant l’activité physique est négligée par les français. Elle est aussi négligée par les soignants au premier rang desquels les médecins. D’une manière générale la médecine en France est orientée sur les traitements et en premier lieu le médicament. C’est une tendance qui s’aggrave et qui a des causes multiples, formation, remboursement des médicaments et autres traitements interventionnels, augmentation de l’obésité. 

L’activité physique des populations en Europe

L’activité physique agit sur tous les organes et freine le vieillissement

L’activité physique a un rôle positif et pléiotrope. Elle agit tout autant sur le cerveau que sur le capital musculaire et osseux, elle active des métabolismes multiples et au final améliore les capacités cognitives, de déplacement, réduit le risque de chute, procure du plaisir à travers le contact avec la nature. Ainsi, au delà de l’espérance de vie, l’exercice physique est un puissant moyen de maintenir la qualité de vie. 

Courir, une activité naturelle parmi les plus faciles à pratiquer

Parmi les activités physiques, courir est probablement la plus facile à pratiquer pour des raisons de temps, de coût des équipements, de disponibilité des installations et de météo. Par rapport à la marche, la course permet d'atteindre un niveau d’effort suffisant pour obtenir des effets positifs. C’est aussi un excellent moyen d’échauffement pour toute activité spécifique.

Marathon et santé

L’étude publiée dans le Journal of the American College of Cardiology est prospective sans randomisation (observationnelle) et surtout uniquement centrée sur la course à pied de longue distance. Les participants ont été particulièrement encadrés et c’est bien sur important à souligner. Il s’agissait de leur premier marathon. Un total de 237 participants ont été recrutés; 71 n'ont pas couru le marathon (52 en raison d'une blessure) et 139 finissants ont été suivis. Un participant a commencé un médicament antihypertenseur après l'évaluation de base et a été exclu de l'analyse ultérieure. Les participants qui ont abandonné avaient des mesures anthropomorphiques, de pression artérielle et de rigidité artérielle de base similaires. Les résultats sur la pression artérielle sont très significatifs: la pression artérielle de base baisse. La course à pied est un antihypertenseur naturel. Et ce quel que soit l’âge du coureur avec un plus grand effet chez ceux et celles qui ont plus de 40 ans en moyenne. Tous les médecins le savent, mais ce n’est toujours pas la première ligne de la prescription en cas de découverte d’une hypertension. Les résultats sur la rigidité aortique sont très impressionnants car il ne s’agit plus d’une modification de la pression mais d’une amélioration de l'élasticité du plus gros vaisseau de l’organisme. Là il est clair que le sport améliore cette élasticité (autrement dit la rigidité artérielle du sédentaire est partiellement réversible) alors que l'idée qui prédomine dans le public et chez les soignants est plutôt que le sport freine le vieillissement. Ce qu’il faut retenir c’est qu’en poussant l’expérience dans un effort très important (42,195 km de course à pied) les auteurs ont démontré que sur un laps de temps assez court des effets favorables majeurs sur l’appareil cardiovasculaire se produisaient chez les coureurs.

Certaines études ont également mis l'accent sur les dangers d'une pratique sportive trop soutenue passé un certain âge. Etant donné que la course devient rapidement addictif, passé 45 ans, par exemple, n'y a-t-il des risques à se mettre à courir (pour les articulations par exemple) ?  

Stéphane Gayet : Le sport d'endurance est d'une façon générale bénéfique à la santé si l’on ne va pas jusqu'à courir sur plus de 42 kilomètres, ce qui est gigantesque et très dangereux si l'on n'est pas entraîné. Cependant il faut respecter certains critères : 
- relativement intense (il faut un minimum s'essouffler, transpirer et souffrir musculairement) ;
- suffisamment prolongé (au strict minimum 15 à 20 minutes de façon continue et si possible 30 minutes) ;
- proportionné à ses capacités et à son entraînement (commencer très progressivement) ;
- pratiqué régulièrement (au strict minimum une fois par semaine et si possible deux) ;
- encadré médicalement (tenir compte de l'âge et d'éventuelles contre-indications médicales à tel ou tel sport).

Si l'on respecte ces cinq critères, l'exercice physique est incontestablement bénéfique à la santé, au point que certains le considèrent comme une thérapeutique polyvalente.

On n'insistera jamais assez sur le fait qu'il doit être proportionné aux capacités, progressif et régulier. Mais il faut de toute façon souffrir un minimum, se donner de la peine, de façon à contraindre le corps à sortir de sa zone de confort.

La zone de confort est constituée des habitudes quotidiennes d'un organisme qui évite tous les efforts. Or, il faut se donner du mal pour être mieux. C'est sans doute là un principe général.

Guy-André Pelouze : La pratique du sport dépend plus des habitudes antérieures que de l’âge. D’où le rôle fondamental de l’école. Les personnes âgées ont d’abord leur âge physiologique avant d’avoir leur âge chronologique. Un exemple: les cyclistes. Il y a aujourd’hui des cyclistes de loisir ayant une activité régulière que l’on croise dans des cols à plus de 80 ans. Les humains sont très différents les uns des autres et pas uniquement sur le plan génétique, leur histoire de pratique sportive compte beaucoup dans leur activité physique sur toute la vie. La question que vous posez est en fait limitée à deux catégories de personnes:

- ceux et celles qui décident (et c’est une décision très favorable) de commencer l’activité sportive. Il convient d’éviter l’erreur grossière de passer de zéro activité à plusieurs heures par semaine d’un coup. Il est essentiel de garder à l’esprit ses antécédents en particulier cardiovasculaires et de consulter pour mesurer ses capacités et la performance cardiaque. 

- Ceux et celles qui font de la compétition ou des sports endurants comme le marathon, le triathlon, le ski de randonnée en haute montagne et d’autres. Pour eux il est prudent de rappeler que les sorties ne doivent pas se faire seul et que l’épreuve d’effort cardiologique est recommandée.

Quelques remarques:

- la course à pied (plus de deux heures) comme toute activité endurante procure un sentiment de bien être liée à l’environnement, l’hyperoxygénation et la production d’endorphines et d'endo cannabinoïdes qui en particulier diminuent la douleur musculosquelettique. Ce “high” n’est pas addictif car il est adapté. Nous reviendrons sur ce sujet qui demande un développement plus important.

- il n’est pas possible de fixer un âge seuil pour déterminer des dangers. Cette étude démontre au contraire le bénéfice chez les séniors comme d’autres d’ailleurs. Tout dépend des antécédents. Mais pour des activités longues comme le marathon un avis d’un médecin du sport ou d’un cardiologue du sport est souhaitable. À ce sujet il faut souligner l'importance non pas des blessures musculosquelettiques qui se réparent très bien mais le danger des troubles du rythme cardiaque, y compris chez le jeune sportif et le risque d'ischémie silencieuse (atteinte silencieuse des artères coronaires par l’artériosclérose) chez le fumeur qui se met au sport ou bien chez celui qui a de lourds antécédents cardiovasculaires familiaux.

- Le jogging ou la course ne provoque pas l'arthrose. Si vous souffrez déjà d'arthrose évoluée, que vous avez un contact osseux et qu'il n'y a plus de cartilage dans le genou, la course aggravera la situation. En fait, la course à pied aide les patients ayant une arthrose modérée à être plus actifs et améliore leur qualité de vie. Le mouvement de compression de la course augmente le fluide synovial dans les genoux et les maintient en mouvement.

Quelle pratique adopter pour que les avantages d'une pratique régulière de la course en dépasse les inconvénients ? 

Stéphane Gayet : La course à pied n'est pas le seul sport d'endurance possible. Mais elle a l'avantage de présenter les rapport bénéfices sur coût et bénéfices sur risques les plus favorables. Les risques d'accidents liés à la course à pied sont très réduits, eu égard à ceux du cyclisme et de la natation.

S'agissant de l'âge, il n'y a pas de limite théorique pour pratiquer de l'exercice physique. On cite souvent les sujets de plus de 70 ans, mais ce n'est qu'un repère commode. À ce sujet, on voit que l'espérance de vie en bonne santé a réellement cru, car on citer il y a quelques années les sujets de plus de 65 ans ou, si l'on remonte dans le temps, de 60 ans.

Ce n'est pas le nombre d'années qui doit être pris en compte, mais l'état physique. Le sujet est-il ou non capable de courir ? S'il ne l'est manifestement pas, il faut se tourner vers la marche -si possible rapide-, ou vers la natation, ou bien vers une pratique domestique utilisant un cycle, rameur ou autre agrès.

Faire bouger son corps en forçant un minimum et le faire de façon régulière, voilà l'idée à retenir. La sédentarité, l'oisiveté et au pire la clinophilie sont des comportements délétères, c'est-à-dire néfastes à la santé, et c'est une affaire très sérieuse.

Guy-André Pelouze : Vu l’activité physique moyenne en France une augmentation de celle ci serait bénéfique pour tous dans les conditions que j’ai précisées. On peut résumer les conseils dans trois directions:

1/ il faut se faire plaisir en faisant du sport. Donc choisissez ce qui vous plaît. Mais attention un sport spécifique demande une bonne mise en forme, donc courir, nager, faire du vélo, faire de la gymnastique avec le poids du corps dans votre appartement sont des préalables pour ne pas vous blesser et profiter pleinement. Les coureurs doivent donc ménager une séance d’activité différente de la course à pied dans leur agenda et ceux qui font un autre sport que la course à pied doivent faire une séance de jogging régulièrement.

2/ être très vigilant sur les augmentations brusques d’activité qui dépassent 20% du temps d’une semaine à l’autre (vacances, préparation à une course ou tout simplement parce qu’on se sent “bien”...) car le risque de blessure est très significativement augmenté.

3/ la course à pied augmente l’écoute du corps comme tous les sports d’endurance. Si vous ressentez quelque chose d’anormal qui survient à l’effort et qui n’est pas d’origine musculosquelettique (palpitation, irrégularités du rythme cardiaque, douleurs dans la poitrine, défaillance...)  il ne faut pas attendre des mois avant de consulter, dans la plupart des cas ce n’est pas le sport qui vous a rendu malade mais il révèle une anomalie parfaitement curable car elle est prise à temps.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !