Sarkozy, l’héritage à double tranchant<!-- --> | Atlantico.fr
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Nicolas Sarkozy, à la fois force et faiblesse des Républicains.
Nicolas Sarkozy, à la fois force et faiblesse des Républicains.
©STEPHANE DE SAKUTIN / AFP

Auréolé

Dernière figure à avoir vraiment redéfini idéologiquement la droite et mené son parti au pouvoir, ce qui lui permet de jouir toujours d'une grande popularité, Nicolas Sarkozy fut aussi un président du "en même temps" aux nombreux reniements... et aux multiples affaires judiciaires.

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti

Arnaud Benedetti est Professeur associé à Sorbonne-université et à l’HEIP et rédacteur en chef de la Revue politique et parlementaire. Son dernier ouvrage, "Comment sont morts les politiques ? Le grand malaise du pouvoir", est publié aux éditions du Cerf (4 Novembre 2021).   

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Atlantico : Pour la prochaines élection présidentielle, Les Républicains sont tiraillés de toutes parts, sur leur centre par LREM et sur leur droite par la candidature surprise d’Éric Zemmour. Ce dernier fait d’ailleurs vaciller leur socle idéologique et remet en question les valeurs traditionnelles de ce parti créé il y a peu d’années. En 2007 Nicolas Sarkozy avait su imposer une ligne et rassembler sa famille. Si on analyse le parti à sa fondation, quelle base idéologique Nicolas Sarkozy lui a-t-il laissé ? Qu’est ce qui en fait la singularité et l’importance dans l’histoire récente de la droite ?

Arnaud Benedetti : Ce parti est d’abord l’héritier de l’UMP créé par Jacques Chirac. Le chiraquisme à créé après 2002 un parti regroupant l’ensemble des composantes de la droite et du centre, à l’exception du Modem de François Bayrou. Cette organisation unitaire est le fruit d’une transaction : les ex-RPR détiennent les clefs mais les libéraux-centristes de l’ex-UDF imposent leur doctrine. Les Républicains s’inscrivent dans cette continuité, d’autant plus que le quinquennat sarkozyste entre temps à certifié autant que confirmé ce logiciel : le traité de Lisbonne, sorte de traité de Troyes digne de la guerre de cent ans, ainsi que la réintégration dans l’OTAN signent la liquidation du gaullisme.

La force de l’ancien président aura été surtout d’incarner une idée du volontarisme dans un ensemble qui néanmoins se rallie et s’aligne à tous les pré-requis de la mondialisation. Le sarkozysme de ce point de vue est un balladurisme qui aurait réussi électoralement en y greffant la vélocité à la hussarde du chiraquisme. Cette hybridation est ce qui reste du sarkozysme, à savoir surtout une nostalgie ou une mélancolie, au sens que Gide donne à cet état : « de la ferveur retombée ».

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En promettant un kärcher durant la campagne électorale de 2007 puis en nommant Bernard Kouchner après l’élection, Nicolas Sarkozy a-t-il lancé le parti sur une ligne de crête difficile à tenir ?

Sarkozy, élu, a cédé à la chimère du « en même temps »... avant l’heure, à la différence d’Emmanuel  Macron qui lui a eu la franchise d’annoncer la couleur et d’en faire son fond de commerce électoral, sa marque de fabrique dés le début de son aventure. D’où le propos qu’on prête à l’ancien Président concernant l’actuel locataire de l’Elysée : « C’est moi en mieux ». La triangulation sarkozyste n’est pas parvenue à créer sa cohérence, contrairement à celle du macronisme qui a le mérite de s’assumer comme telle. L’ouverture à gauche relevait d’abord d’un cabotage qui permettait de ramener quelques « prises de guerre » et non d’un systèmisme, à l’instar de ce qu’a fait Emmanuel Macron. Nicolas Sarkozy néanmoins a suscité sans doute un immense malentendu idéologique mais il aura réussi cependant à incarner la figure qu’une partie du « peuple de droite » aime par dessus-tout : celle du chef qui transcende, qui entraîne, qui fédère. Ses reniements, ses échecs n’ont in fine peu entamé son capital politique dans une partie de l’électorat de droite. Pour une raison d’évidence aussi : il est le dernier Président qui a permis à sa famille politique de conquérir le pouvoir et de diriger le pays.

Les imbroglios judiciaires qui suivent l’ancien Président, dont la récente condamnation dans le procès Bygmalion, ne font-ils pas du tort au parti ? Quels risques prennent les membres des Républicains à le soutenir coûte que coûte ?

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Le fantôme sarkozyste a continué jusqu’à maintenant à hanter les coursives de la droite républicaine, nonobstant l’encalminage judiciaire de celui-ci. Je n’en veux que pour preuve le fait que juste après le prononcé du jugement le condamnant en première instance ce jeudi, les principales figures des Républicains, candidats à la présidentielle ou non, se sont empressées de lui manifester dans un élan mimétique et immédiat leur soutien. Même s’il demeure un acteur très clivant pour la gauche, Nicolas Sarkozy, en dépit de ces condamnations dont il a fait appel et qui en font encore à ce stade un présumé innocent, bénéficie en creux de l’image controversée de l’institution judiciaire dans une grande partie de l’opinion publique, laquelle est considérée par certains segments de la population comme partiale et parfois laxiste lorsqu’il s’agit de réprimer l’insécurité quotidienne. Cette perception, ancrée, d’une justice politisée et par conséquent politique joue encore en faveur du capital réputationnel de l’ancien chef de l’Etat. D’où cette concurrence larvée qui opère jusqu’à maintenant à droite mais aussi au sein de la macronie pour s’investir en quelque sorte de la bienveillance, voire du soutien de Nicolas Sarkozy dans la perspective de l’élection à venir. Au demeurant, la visite chez ce dernier, dans les rangs des Républicains, est devenu un rite en soi, photos à l’appui. Reste à savoir si les stigmates judiciaires ne vont pas fragiliser la pythie sarkozyste...

Après tant d’années, Nicolas Sarkozy reste la référence pour bon nombre de Républicains, à quel point ce statut pèse-t-il pour le parti ?

Il est surtout le symbole d’une absence. Il personnifie par sa seule évocation toutes les difficultés ainsi que les échecs des Républicains à se reconstruire depuis 2012, encore plus depuis 2017. Il a même réussi à gommer dans la mémoire immédiate sa défaite à la primaire de 2016 qui exprime pourtant les limites de l’aura quasi magique dont l’imaginaire de sa famille politique continue à le créditer. Il est le lieu de toutes les ambivalences de son camp qui a épousé comme tout parti de gouvernement les impuissances de la globalisation et pourtant par son charisme propre il continue à exercer une attractivité, voire une fascination comme un astre mort dont la lumière continue à scintiller par-delà l’espace-temps.

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