Salon du livre : ces auteurs qui assurent à eux tout seul la santé du livre français<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Salon du livre : ces auteurs qui assurent à eux tout seul la santé du livre français
©Reuters

A la page

Alors que s'ouvre le Salon du livre à Paris, se pose la question du marché français. Constamment en déclin depuis 10 ans, il est aujourd'hui la chasse presque gardée de quelques ouvrages à succès.

Nicolas Gary

Nicolas Gary

Nicolas Gary est directeur de la publication du magazine ActuaLitté. Après un cursus universitaire dans le bordelais et les langues anciennes, il entre dans le webjournalisme, avant de fonder ActuaLitté en février 2008.

Il est Intéressé par le monde de l’Open source et des licences Creative Commons, et tout ce qui permet la démocratisation des savoirs.

 

Voir la bio »

Atlantico : En 2014, le chiffre d'affaires du secteur du livre a reculé de 1,3% pour atteindre 3,9 milliards d'euros et les achats de livres ont reculé de 1,4% avec 351 millions d'exemplaires écoulés, selon une récente étude du cabinet GfK. Quel sont les livres qui se vendent le mieux en France ? Et ceux qui ne séduisent pas ?

Nicolas Gary : Les meilleures ventes sont circonstancielles. En ce qui concerne Eric Zemmour, avec Le suicide français (Albin Michel, octobre 2014), comme Valérie Trierweiler, avec Merci pour ce moment (Les Arènes, septembre 2014), ils font écho à des événements sociétaux. Pour le reste, il faut savoir qu'un quart des ouvrages vendus sont destinés à la jeunesse et qu'un livre acheté sur cinq est un thriller. Il faut aussi noter que l’année 2014 est symptomatique : on s’oriente vers une best-sellerisation du marché du livre. C'est-à-dire que seules les meilleures ventes trouvent de la place en librairie. Les libraires aiment ce qu’ils vendent mais n’ont plus le temps de vendre ce qu’ils aiment.

Par ailleurs, les top des meilleures ventes ne manquent pas : dans les auteurs bankables, on retrouve systématiquement un quatuor de Levy, Musso, Pancol, Gavalda avec quelques variations. Mais ce n’est pas ce qui est intéressant. Ces écrivains vendent très bien, gagnent très bien leur vie, et finalement, représentent les trains qui arrivent à l’heure.

Aujourd’hui, un auteur gagne en moyenne mal, voire très mal sa vie, et s’ils sont 70% à travailler à côté de leur pratique de l’écriture, c’est qu’il y a un réel problème. Selon des chiffres du ministère de la Culture, 10 000 livres réalisent 44% du chiffre d’affaires de l’édition française – qui commercialise 68 000 nouveautés. Parler des 10 plus gros vendeurs, c’est voir le doigt, quand le sage pointe la Lune.

Qui sont les Français qui lisent ? Comment cela a-t-il évolué dans le temps ?

Nicolas Gary : Il semble que les statistiques s’accordent à dire que les femmes lisent plus que les hommes, et qu’elles préfèrent des ouvrages de fiction. Une étude d’IPSOS indique également que les jeunes ont du mal à trouver des ouvrages qui leur conviennent, ou tout du moins, leur plaisent.

C’est intrigant : comment est-il possible qu’avec les outils de prescription, qu’ils soient des algorithmes ou des humains, les jeunes constatent que les bons livres pour eux, manquent ? 

Ce qui est remarquable, c’est que le temps de lecture est de moins en moins pris. On peut le qualifier d’incompressible, et affirmer que les écrans polluent notre existence : il n’en reste pas moins qu’un bon livre sait captiver, et faire revenir le lecteur. La question est : le lecteur a-t-il évolué, ou la production s’est-elle modifiée ? 

Quels sont les secteurs les plus porteurs pour l'avenir ?

Nicolas Gary : Personne n’aime jouer à la boule de cristal : soit les projections se réalisent, et c’est  rare, soit elles tombent à côté, et… bref. Rien ne sera jamais aussi porteur que ce qui est universel. Les histoires les plus simples enchantent : Harry Potter, Twilight, La liste de mes envies… Tous ces titres ont en commun de pouvoir parler à chacun. Il n’y a aucune honte à aimer la littérature populaire, ni grand public. Marc Levy écrit des histoires d’amour, classons-le dans la Romance, qu’importe.

L’audace éditoriale sera porteuse. Aujourd’hui, elle se conjugue avec une appréhension/compréhension du public. C’était certainement moins le cas, voilà une dizaine d’années. D’ailleurs, à cette époque, on ne faisait pas des études d’impact avant de sortir un livre. Et on publiait moins.

Comment s'en sortent les éditeurs ? Lesquels tirent leur épingle du jeu ?

Nicolas Gary : Il faudrait revenir aux meilleurs vendeurs du moment, pour le voir. Et dans ce cas, on se demanderait si les revenus des 10 meilleurs auteurs sont liés à leurs maisons respectives : l’éditeur fait-il la littérature, ou la commercialisation ? On raconte que chez Grasset, les avances sur droit sont très importantes, par rapport à d’autres maisons. Pourtant, les auteurs ne figurent pas régulièrement sur les listes des Best-Sellers – sauf erreur de ma part.

Globalement, l’édition perd 1% de chiffre d’affaires depuis plusieurs années. C’est un recul épatant, si l’on considère que l’on produit de plus en plus : certes l’industrie du livre se préserve, et la loi sur le prix unique y contribue largement, mais elle creuse également un fossé dont on se demande s’il ne s’agit pas d’une forme de tombe, avec le temps.

Que représente le numérique ? Est-ce une lueur d'espoir pour les éditeurs ?

Nicolas Gary : Le numérique ne représente rien, en soi : c’est un format. De même qu’un journal imprimé ou on-line. Les éditeurs qui ont choisi pour des raisons économiques, pratiques, logistiques, morales, d’opter pour ce médium de diffusion rencontrent les mêmes problèmes que les maisons d’édition traditionnelles. Il faut se faire connaître, déployer un catalogue qui puisse retenir l’attention, et attirer l’attention des lecteurs, depuis les réseaux sociaux, par des opérations insolites.

Le livre numérique, pour les maisons traditionnelles, c’est une source d’interrogation, permanente. Mais revenons-en toujours aux auteurs : le numérique peut représenter entre 10 et 15% des ventes de nouveautés chez un éditeur. Souvent les fichiers sont trop chèrement vendus, souvent les auteurs ne perçoivent pas même une rémunération juste. Le numérique, c’est un fameux panier de crabes, alors que tout devrait être simple : qu’un lecteur choisisse son format, pour lire. Parce que, ce qui importe le plus, c’est de lire.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !