Salon du livre : dis-moi ce que tu lis, je te dirai quel Français tu es<!-- --> | Atlantico.fr
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La trente-quatrième édition du Salon du livre vient d'ouvrir ses portes.
La trente-quatrième édition du Salon du livre vient d'ouvrir ses portes.
©Reuters

Tendances

La trente-quatrième édition du Salon du livre vient d'ouvrir ses portes. Au moins 200 000 visiteurs sont attendus pour venir rencontrer les 3500 auteurs qui seront présents. La lecture reste encore une activité bien présente en France et un marqueur sociologique fort.

Christophe Evans

Christophe Evans

Christophe Evans est sociologue, responsable du service Etudes et recherche de la Bibliothèque publique d'information du Centre Pompidou. Il a coordonné l'ouvrage Lectures et lecteurs à l'heure d'Internet, paru Aux Editions du Cercle de la Librairie en 2011. 

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Atlantico : Quelles sont les principales tendances qui animent actuellement le marché du livre ? Quels sont les genres, les types d'ouvrage, les plus appréciés des Français ?

Christophe Evans : Au cours des 10 dernière années environ, on a vu assez nettement les romans policiers prendre la tête du classement des livres les plus achetés et les plus appréciés par les lecteurs français adultes (au détriment notamment de la catégorie romans non policiers ou non SF). Les livres pratiques arrivent en seconde place de ce classement (cuisine, bricolage, jardinage, arts de vivre, etc.), ce qui confirme, avec les lectures contraintes pour des raisons scolaires ou professionnelles, le développement de ce que l'on appelle le "lire utile". On voit par ailleurs une catégorie hybride se développer ces derniers temps en librairie : celle des romans "jeunes adultes", qui fédère un lectorat jeunesse et jeunes adultes attiré par la fantasy ou certains best sellers du type Twillight, Hunger games, etc.  

Quel est le profil type du lecteur français ? Existe-t-il des tendances sociologiques lourdes sur le type de population qui s'adonne à un loisir en principe courant et accessible ?

Quand on parle de lecture de livres, et en particulier de lecture de romans, le profil type du lecteur français est celui d'une femme active, urbaine, plutôt diplômée, d'âge moyen. La moyenne d'âge du lecteur tend d'ailleurs à augmenter, elle est passée à 46 ans en moyenne pour les lecteurs de livres imprimés d'après la dernière enquête Ipsos-Livres Hebdo de février 2014. Au plan sociologique, le niveau de diplôme en premier, puis l'origine sociale et ce que l'on appelle "l'ambiance livresque" de la famille sont encore des influences fortes de l'investissement dans la pratique de lecture de livres. Il y a par conséquent encore des barrières sociales et culturelles qui freinent l'accès au livre malgré le coût relativement modique de cet objet, sans parler de l'illettrisme qui touche tout de même 7% des personnes âgées de 18 à 65 ans ayant été scolarisées en France d'après la dernière enquête Insee.

Assiste-t-on ces dernières années à des mutations ou des évolutions notables dans le comportement des lecteurs ? Quels ont été les derniers changements les plus marquants ?

Les changements notables concernent essentiellement en France le recul de la population des "grands lecteurs" : les personnes qui déclarent lire 20 ou 25 livres et plus au cours de l'année. Le nombre moyen de livres lus par lecteurs est en baisse régulière, si la pratique de lecture de livres ne disparaît pas dans la société française, on peut dire qu'elle tend à devenir plus occasionnelle du fait notamment du développement de la culture des écrans et des nouveaux écrans (jeux vidéo, ordinateurs). Entre 1973 et 2008, par exemple, le taux de Français âgés de 15 ans et plus déclarant lire 25 livres et plus au cours des 12 derniers mois est passé de près de 23% de la population à 11% : il a diminué de moitié alors que cette population de grands lecteurs est traditionnellement très active dans les librairies et les bibliothèques. On voit également se développer des pratiques de lecture segmentées, fragmentées, à l'occasion des pratiques de lecture numériques, en particulier des pratiques de lecture "en diagonale" sur Internet : pour s'informer, se distraire, communiquer, etc. La féminisation des pratiques de lecture de livre est enfin assez notable depuis le milieu des années 1980.

Selon vous, que peut nous apprendre de la situation sociologique française la situation du marché du livre en France ?

Par rapport à d'autres secteurs (la musique enregistrée commercialisée de façon traditionnelle), le marché du livre résiste relativement bien même si les librairies indépendantes sont aujourd'hui à la peine du fait notamment des marges économiques limitées du produit livre et de l'augmentation du coût des loyers. Comme j'ai tenté de le dire, c'est un marché en mutation qui se recompose à la faveur des évolutions sociales et culturelles contemporaines : plus de lecteurs occasionnels, des changements dans la hiérarchie des genres appréciés, le développement de pratiques de lecture numériques ou d'autres activités de loisirs domestiques. Le marché du livre est au diapason de l'essor de l'éclectisme culturel et du phénomène de relâchement culturel qui caractérisent la soci été française.

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