Retraites : non cette réforme n’est pas “responsable” et voilà pourquoi<!-- --> | Atlantico.fr
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Un texte mal ficelé, incertain quant à son destin juridictionnel et dénaturé à force de pseudo-arrangements de la part d'une attentive Première ministre qui veut éviter le lourd poids symbolique du recours au 49-3 qui ne saurait calmer la rue.
Un texte mal ficelé, incertain quant à son destin juridictionnel et dénaturé à force de pseudo-arrangements de la part d'une attentive Première ministre qui veut éviter le lourd poids symbolique du recours au 49-3 qui ne saurait calmer la rue.
©Bertrand GUAY / POOL / AFP

Un texte mal ficelé

La France est dotée d'une Administration qui entend mal le corps social et plonge dans les délices de la macroéconomie au détriment de solutions cohérentes et justes.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Les débats parlementaires ne reflètent pas une atmosphère constructive et la question des retraites est maltraitée textuellement autant que mal traitée quant au fond. 

Des personnalités, aussi opposées et complémentaires que l'estimé Alain Peyrefitte ou Charles Pasqua considéraient que la résolution de dossiers publics compliqués exige un vrai travail et une vraie quête d'une bonne dose de conseil.

Sur ces deux prérequis, l'équipe du président Macron a échoué. Pire, elle est en train de sombrer sous nos yeux et ne devra son salut législatif qu'au moyen d'outils constitutionnels baroques. Baroque car la sédimentation des dispositions de l'article 47-1 et très vraisemblablement du fameux 49-3 pousse à l'extrême ce que les juristes nomment le parlementarisme rationalisé.

A cet égard, et en l'état actuel de mes travaux, je considère qu'une censure partielle du texte par le Conseil constitutionnel au motif de la présence réitérée de cavaliers totalement étrangers au cœur même d'un PLFSS, fût-il rectificatif, n'est pas à exclure du champ des possibles. Pour certains, c'est l'hypothèque issue d'un éventuel gouvernement des juges. Pour d'autres, c'est une hypothèse découlant du travail respectable des Sages.

Un texte mal ficelé, incertain quant à son destin juridictionnel et dénaturé à force de pseudo-arrangements de la part d'une attentive Première ministre qui veut éviter le lourd poids symbolique du recours au 49-3 qui ne saurait calmer la rue. Il arrive que la partie semble gagnée au Parlement tandis que son destin ne se scelle négativement dans la rue. Gardons ici en mémoire vive le sort du tristement célèbre CPE cher à Dominique de Villepin.

Les tensions économiques que génèrent l'inflation et autres sujets rugueux peuvent induire une coagulation même postérieurement à la promulgation de la loi sur les retraites. Loi en devenir qui interpelle l'économiste tant le gouvernement la justifie par des hypothèses fragiles. En effet, il ressort des calculs – de diverses parties – que le solde net d'économies risque fort d'être inférieur à 12 milliards d'€uros à horizon 2030. Comme je l'ai déjà écrit il y a plus d'un mois, une économie de 10 à 15 Mds ne représente que moins de dix pour cent de notre déficit budgétaire annuel. Oui, nos dépenses publiques annuelles sont de plus de 500 Mds et le déficit voté (PLF 2023) est de 165Mds avant les 40 Mds additionnels du bouclier tarifaire post PLF.

Clairement le choc démographique et l'allongement de la durée de la vie (donc l'essor du temps des pensions à servir) sont des défis pour la France.

Tout aussi clairement, des sociologues attestent que la situation est anxiogène. Chaque génération en veut à celle d'avant ou celle d'après. Les retraités coûteraient trop chers, les actifs ne paieraient pas assez de cotisations et les jeunes seraient foudroyés par le droit à la paresse si cher à la députée imprévisible autant que fort visible en la personne de Sandrine Rousseau.

A mi-chemin de cette tribune, nous sommes donc collectivement face à un texte mal bâti, au devenir incertain et largement repoussé par l'opinion publique.

La France a besoin d'une réforme de son système de retraites qui soit enfin crédible. Donc qui évite de remettre l'ouvrage sur le métier, n'en déplaise aux députés qui militent pour une clause de revoyure en 2027.

Premier point d'ancrage, il est judicieux d'introduire une once de capitalisation dans le système. Cela existe dans le secteur public (via la RAFPT Retraite additionnelle de la Fonction publique ou la Préfon) et nul ne s'en plaint ou sort des banderoles anti fonds de pension. Nul sauf le dogmatique Lionel Jospin lorsqu'il était à Matignon. Si notre pays avait adopté les propositions du député Jean-Pierre Thomas du temps des années Balladur, l'équation présente serait moins complexe.

Toutefois, il faut ajouter une précision essentielle. Je considère que la dose de capitalisation doit être fiancée avec l'adoption d'un système de retraites par points. Rappelons, hic et nunc, que moins de français s'opposaient à cette solution (réforme abandonnée du premier quinquennat Macron) qu'à l'actuel projet de réforme. En bref, le président Macron a été réélu mais en matière de retraite l'élève le plus puissant de France redouble et l'Histoire risque de juger sévèrement cette situation incroyable.

Si le deuxième point d'ancrage est bien l'adoption d'un système par points, il faut – transition requise vers le troisième point – du temps et de la méthode pour élaborer une migration, une mue devrais-je écrire, pour glisser de plus de 42 caisses à moins de 5 caisses regroupant les salariés, les indépendants, les régimes publics.

Si le raisonnement se déroulait en stocks, les choses seraient gérables. Or tout ce qui touche aux retraites doit être compris en flux car, ce jour Blandine, Jean-Marc et Rafik ou Erwann prennent la décision micro-économique de demander la liquidation de leurs droits. Une réforme des retraites est assimilable à la construction d'une unité hydroélectrique qui suppose de dérouter le fleuve le temps de la construction de l'ouvrage. C'est un vrai point de complexité qui fait, par exemple, aboutir la notion fantasque de clause du grand-père. On gesticule faute de trouver un compromis social que Bernard Vivier (Institut Supérieur du Travail) appelle de ses vœux avec soin et persévérance.

Dernier point d'ancrage, un chemin simple mériterait d'être conçu. Retraite à 60 ans pour les travailleurs manuels (nomenclature professionnelle) sauf celles et ceux ayant subi des maladies professionnelles. Et retraite à 65 ans à titre principal pour les autres métiers.

La France est dotée d'une Administration qui entend mal le corps social et plonge dans les délices de la macroéconomie au détriment de solutions cohérentes et justes. Et pendant le barnum, la dette publique ne cesse de croître.

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