Retrait des troupes russes en Syrie : quel impact pour Bachar El Assad ? Et pour le Proche-Orient ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Des troupes russes dans le district syrien de Daraa al-Balad, dans le sud de la Syrie, le 1er septembre 2021.
Des troupes russes dans le district syrien de Daraa al-Balad,  dans le sud de la Syrie, le 1er septembre 2021.
©SAM HARIRI / AFP

Tensions à venir ?

Vladimir Poutine a annoncé vouloir retirer 4000 à 5000 soldats russes de Syrie afin de combler ses effectifs en Ukraine, laissant craindre une déstabilisation en Syrie et au Proche-Orient

Pierre Berthelot

Pierre Berthelot

Pierre Berthelot est chercheur associé à l' IPSE et directeur de la revue Orients Stratégiques. 

 

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Atlantico : Alors que le conflit ukrainien s’enlise, Vladimir Poutine se verrait contraint de retirer 4000 à 5000 soldats russes de Syrie afin de les envoyer en Ukraine. Quelles pourraient être les conséquences de ce retrait pour la stabilité de la Syrie ? De la région ?

Pierre Berthelot : De nos jours, il n’y a que quelques milliers de soldats Russes en Syrie, ce qui est très peu comparé à la taille du territoire. Ce qui compte pour la Syrie, c’est surtout le maintien du dispositif russe de maîtrise du ciel, afin de la protéger de ses ennemis turcs ou israéliens. Le retrait de ces militaires russes ne changera donc pas grand chose pour l’équilibre de la région puisque ce dispositif aérien sera maintenu en place. Pour cela, quelques centaines d’hommes suffisent, principalement des spécialistes. Les fantassins, c’est à dire les soldats qui combattent à pied, n’ont pas une grande importance pour le régime syrien. Les Russes laisseront donc uniquement quelques forces aériennes et navales.

Je pense que le plus dur a été fait pour Al-Assad, c’est à dire éradiquer les groupes jihadistes les plus importants, comme Daesh. Il reste bien une poche de résistance à proximité d’Idlib, près de la frontière turque, mais elle n’a plus rien à voir avec ce qui pouvait exister il y a quelques années. On constate également un timide rapprochement entre la Syrie et les autres pays arabes de la région, ce qui prouve que l’offensive du bloc anti Al-Assad touche à sa fin.

Les paramètres essentiels ne changeront donc pas. La Russie pourra toujours compter sur ses deux bases sur le sol syrien, maintenir son dispositif aérien et offrir une certaine couverture diplomatique à la Syrie, au Conseil de Sécurité de l’ONU notamment.

Ce dimanche, Bachar Al-Assad s’est rendu en Iran pour demander un soutien à Khamenei. Le leader iranien peut-il se permettre d’envoyer des hommes en Syrie ?

Au plus fort des difficultés pour Al-Assad, entre 2012 et 2015, il y avait des forces considérables en Syrie, dont de nombreux Iraniens mais aussi des Afghans, des Pakistanais, des Irakiens … Le régime syrien a toujours réussi à recruter de nombreux combattants et je ne pense pas que cela puisse être profondément différent aujourd’hui. En revanche, en Iran, la difficulté pourrait être politique. Ce soutien à la Syrie a été assez mal vécu par les Iraniens pour des raisons économiques, à un moment où l'Iran était en proie à des sanctions financières. La population est donc assez hostile face à ce conflit et le pouvoir cherchera certainement à masquer ce rapprochement avec le régime Syrien. En revanche, l’Iran peut toujours envoyer des hommes « en cachette ». Le réservoir de soldats se trouve soit parmi les Hazaras, des populations afghanes chiites, soit parmi les millions de réfugiés afghans qui se trouvent en Iran. Je pense donc que l’Iran à tout à fait les moyens de remplacer les quelques milliers de soldats russes, mais il ne s’agirait certainement pas de son armée régulière. La question de la formation et de l’aguerrissement de ces renforts pourra d’ailleurs se poser. 

Comment cette annonce a-t-elle été accueillie au sein de la Ligue Arabe ? La Syrie peut-elle s’allier avec d’autres pays pour combler le manque russe ? 

La question iranienne est essentielle pour de nombreux pays Arabes. L’Iran, qui possède des réserves gigantesque de gaz et de pétrole, avec une capacité théorique de 5 à 6 millions de barils par jour, a tout à gagner d’un affaiblissement de la Russie. Le projet de gazoduc Nabucco, censé débuter en Iran pour passer par la Turquie, pourrait permettre à l’Iran de retrouver sa puissance d’antan. De nombreux pays Arabes veulent éviter cette situation mais s’ils constatent que la Russie est en difficulté en Ukraine, ils auront tendance à prendre leurs distances à l’égard de Moscou, forçant un rapprochement avec l’Iran. En revanche, si Poutine obtient ce qu’il veut, c’est à dire le Donbass ou le sud de l’Ukraine, les pays Arabes déduiront que la Russie peut fournir une certaine alternative vis-à-vis des États-Unis, qui font face à une crise de confiance dans la région. 

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