Ressources minérales et minéraux industriels : qu’est-ce que c’est ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
France
La France ne compte aujourd'hui qu'un seul gisement de talc, Trimouns, sur la commune de Luzenac (Ariège) à 130 km au Sud-Est de Toulouse.
La France ne compte aujourd'hui qu'un seul gisement de talc, Trimouns, sur la commune de Luzenac (Ariège) à 130 km au Sud-Est de Toulouse.
©ERIC CABANIS / AFP

Besoins de l'Humanité

Les ressources minérales sont des roches et des minéraux extraits et valorisés, brut ou transformées, pour les besoins de l’Humanité.

Éric Marcoux

Éric Marcoux

Éric Marcoux est professeur émérite de l’université d’Orléans. Il est spécialiste international en ressources minérales.

Voir la bio »

Extraits condensés de "Le Minéral dans notre quotidien", mémoire de la Société Géologique de France publié en 2023

Les ressources minérales sont des roches et des minéraux extraits et valorisés, brut ou transformées, pour les besoins de l’Humanité. On les scinde habituellement en quatre catégories : les ressources énergétiques comme le charbon ou le pétrole, les minerais qui fournissent notamment nos métaux, les matériaux de construction pour la voirie et l'habitat, et enfin les roches et minéraux industriels qui possèdent une ou plusieurs propriétés remarquables à la base de leur utilisation dans notre quotidien. Il peut s’agir d’une forte dureté mise à profit dans les industries de coupe et d’abrasion (diamant), d’une densité élevée pour l'élaboration de boues lourdes de l'industrie pétrolière (barytine), d’une texture et d’une blancheur adaptées à un rôle de charges minérales pour améliorer les performances des papiers, des peintures ou des caoutchoucs, des plastiques (kaolinite, talc, calcite…), d’une résistance électrique ou thermique etc. Ces propriétés leur permettent d’alimenter de très nombreuses filières : papier, réfractaire, céramique, verre, chimie, peinture, plastique, pharmacie, transports etc. où ils sont la plupart du temps irremplaçables.

On exploite actuellement environ 50 roches et minéraux industriels. Bien qu'il s'agisse souvent de matériaux très communs comme les argiles, la calcite ou la silice, nombre d’utilisations exigent des qualités strictes de pureté, de couleur ou de texture, ce qui a pour conséquence de réduire fortement le nombre d’exploitations potentielles. Sans compter les problèmes d'accès à la ressource générés par les contraintes environnementales et urbanistiques de plus en plus complexes dans certains pays dont la France et l'Europe. La production mondiale de ces ressources minérales est globalement à la hausse avec une croissance presque continue pour feldspath, potasse, kaolin, halite, silice, calcite, bentonite et d'autres.

Les emplois des roches et minéraux industriels peuvent se classer par grands marchés : charges minérales, peut-être le plus important, abrasifs (silice, grenat, corindon, diamant…), filtration (diatomite), réfractaires et céramiques (andalousite, argiles kaoliniques), métallurgie (fluorine comme fondant) et même construction pour certains minéraux industriels élaborés. Trois minéraux se partagent plus de 90 % du marché des charges minérales : la kaolinite, le talc et le carbonate de calcium (la calcite). Toutefois, beaucoup d'autres minéraux ont aussi un usage accessoire comme charge, résultat d’une propriété unique, d’une innovation technologique ou d’une opportunité géologique. Les avancées technologiques conjuguées aux fluctuations des prix des charges minérales, font de ce marché un domaine concurrentiel d’évolution rapide. Dans l’industrie du papier par exemple, la place des charges carbonatées s’accroît au détriment de celle du kaolin et du talc, plus chers pour des performances proches. Un papier se compose d'une trame végétale à fibres de cellulose renforcée de charges minérales : 1 à 5 % pour le papier journal et jusqu’à 50 % pour les papiers glacés, avec entre 12 et 35 % pour les papiers ordinaires. Dans les peintures, les charges carbonatées permettent de réduire la proportion du très coûteux oxyde de titane : elles constituent de 10 à 35 % (exceptionnellement 50 %) des peintures à solvant, mais les rendent plus sensibles à l’acidité de l’air. La fabrication d'un produit aussi banal que le verre, par exemple, requiert de la silice (70 % environ), du carbonate de calcium (calcite, environ 20 %) et divers additifs (carbonate de sodium et de magnésium, alumine…).

Les minéraux industriels occupent aussi une place de choix dans l'industrie pharmaceutique et médicale. Ils sont fréquemment utilisés comme excipients et choisis selon la fonction demandée (adsorbant, diluant, enrobage…), support de charge active, principe actif : l'argile smectite pour les traitements anti-diarrhéique (Smecta®), le carbonate de calcium pour traiter l'ostéoporose et l'hyperacidité gastrique, ou comme additif (carbonate de calcium et fluorophosphate de calcium dans les dentifrices). Ils interviennent aussi dans le processus de fabrication, la confection et l'emballage du matériel médical. La diatomite tient un rôle pharmaceutique et biomédical majeur grâce à ses performances incomparables en filtration du plasma sanguin, extraction d'ADN ou de protéines et fabrication d'antibiotiques dues à sa structure unique, remarquablement microporeuse. Et si les bouchons en caoutchouc pour sécuriser les médicaments dans les flacons font aussi appel au talc et à l'argile, le kaolin entre dans la composition des blouses et masques chirurgicaux.

Il existe en outre toute une gamme de minéraux manufacturés pour l'industrie cosmétique, l’hygiène, les soins capillaires et bucco-dentaires avec notamment le talc mais aussi les carbonates de calcium naturels, incorporés dans une variété d'émulsions de produits de soins de la peau, et les micas qui confèrent un effet transparent et lumineux aux poudres compactes utilisées pour le visage, les ombres à paupières et les fards à joues.

Globalement, les marchés des roches et minéraux industriels sont très diversifiés et en constante évolution. Le graphite voit par exemple son champ d’applications (et la demande) exploser avec l’apparition de produits nouveaux comme les batteries lithium-ion ou le graphène. La découverte d’une propriété peut créer une demande et entraîner ou accroître l’exploitation d’un minéral délaissé jusqu’alors comme les silicates de lithium, qui sont aujourd'hui amenés à jouer un rôle majeur dans l’approvisionnement en ce métal, y compris en France avec le site de Beauvoir (Allier). La recherche de nouvelles applications est une branche majeure de la R&D des grands groupes.

Minéraux industriels en France

En France aujourd'hui, la production annuelle globale de minéraux industriels (hors granulats, ciment, argiles de construction) peut être estimée vers 44 millions de tonnes dont de carbonates de calcium (sous forme de calcite), 8,1 millions de tonnes de sables siliceux (du quartz), 5 millions de tonnes de sel etc., ce qui est considérable. L'extraction et généralement la transformation sont le plus souvent l'affaire de grands groupes, français et internationaux, ou de PME. Le leader mondial des minéraux industriels est une société française, Imerys, forte d'environ 16 000 personnes (dont plus de 2 000 en France), présente dans 40 pays et qui compte plus de 120 sites extrayant 30 minéraux industriels pour un chiffre d'affaires dépassant 4 milliards d'euros (2021). En métropole, Imerys est un groupe polysubstances avec trente-trois sites de production de kaolin et argiles kaoliniques, quartz, feldspath, craie (calcite), diatomite, talc, mica et andalousite. Et Saint-Gobain extrait silice, anhydrite et phonolite par le biais de ses filiales SAMIN, Anhydrite Minérale France et Eurocoustic pour fabriquer verres, ciments et laine de roche. La plupart des grands groupes sont cependant plutôt "monosubstances" : on peut citer le groupe suisse Omya (présent sur 180 sites industriels dans 50 pays) et sa filiale MEAC qui se positionnent sur les carbonates, employés essentiellement comme charges (calciques et magnésiennes), le groupe belge Sibelco, présent dans 32 pays avec plus de 5 000 employés et 118 sites de production qui exploite la silice sur 17 sites en France, ou les groupes qui extraient le sel comme Solvay et Salins. Mais l'extraction est aussi le fait de plusieurs dizaines d'autres entreprises dont beaucoup occupent des "niches" industrielles. Ces sites d'extraction permettent à ces entreprises de disposer sur le sol national des ressources nécessaires aux filière aval de transformation et de production à destination du consommateur, et d'éviter au moins pro parte, l'importation de l'étranger avec ses conséquences en termes de coût et de bilan carbone.

Talc : production et utilisations

Le talc est le minéral le plus tendre au monde, le premier barreau de l’échelle de dureté de Mohs, à l’opposé du diamant, le plus dur des minéraux, le 10ème et dernier barreau de l'échelle. Pour le chimiste et le minéralogiste le talc est prosaïquement un silicate de magnésium hydraté. Il est ultradoux mais aussi lamellaire, blanc, hydrophobe, insoluble dans l'eau, dans les acides et les bases faibles, ininflammable, organophile et oléophile : un panel remarquable de propriétés qui lui vaut d'être présent dans une large gamme de produits de notre quotidien, ses emplois ayant évolué fortement ces trente dernières années.

Il entre ainsi dans la composition des polymères renforcés, très employés dans l’industrie automobile (tableaux de bord, garnitures, pare-chocs etc.), où ils contribuent à réduire le poids des véhicules tout en conservant la rigidité. Une voiture contient en moyenne 8 kg de talc. En papeterie, le talc reste une charge fonctionnelle très employée en complément de kaolinite et calcite, notamment pour le couchage : on lui doit l’aspect glacé de nos magazines. En peinture, sa texture lamellaire lui donne un fort pouvoir couvrant et son inertie chimique une bonne résistance à la corrosion. Le talc accroît l’imperméabilité des pneumatiques et la résistance thermique et mécanique des plastiques. Sa douceur soyeuse au toucher, ses propriétés absorbantes et sa parfaite inoffensivité lui valent une place prépondérante en cosmétiques et pharmacie : il constitue une base idéale pour les poudres corporelles et pour bébé et constitue un excellent support de parfum pour les poudres parfumées. Il entre aujourd'hui pour 50 % dans la composition des poudres pour le visage et pour 85 % dans celle des poudres pour bébés. C'est en outre un excipient fréquent en produits pharmaceutiques. En céramique, les carreaux de revêtement contiennent jusqu’à 45 % de talc, et en agriculture, il fixe et dilue les insecticides et fertilisants. Dans l'industrie alimentaire le talc est un anti-collant pour chewing-gums, bonbons, riz…. Une pureté et une granulométrie rigoureuse sont bien sûr exigées pour les emplois élaborés en peintures, alimentation, cosmétiques et pharmacie par exemple.

Les emplois varient cependant selon les pays : en France par exemple, 48 % du talc est destiné à la papeterie contre 20 % aux États-Unis, pays où les céramistes consomment 28 % de la production.

En 2020, la production mondiale de talc était de 6,72 millions de tonnes, les principaux producteurs étant l'Inde, la Chine, le Brésil et les États-Unis. La France occupe le 6ème rang mondial avec le grand gisement de talc de Luzenac-Trimouns.

Talc en France : Luzenac

La France ne compte aujourd'hui qu'un seul gisement de talc, Trimouns, sur la commune de Luzenac (Ariège) à 130 km au Sud-Est de Toulouse, mais c'est le premier au monde par sa production moyenne d'environ 450 000 tonnes par an. Il est exploité à ciel ouvert par Imerys entre 1 530 et 1 830 m d’altitude. Il représente 5 % du marché mondial et on estime qu’il a produit entre 15 et 20 millions de tonnes de talc marchand depuis 1905. Ses ressources sont d'au moins 26 millions de tonnes. Le talc sert notamment à la fabrication de polymères, essentiellement pour les tableaux de bord des automobiles (50 000 tonnes par an et 40 % des revenus) et pour les cosmétiques (5 % de la production, exclusivement la très haute qualité).

L’extraction est attestée dès la Préhistoire mais l'exploitation industrielle débute vraiment en 1905 avec la création de la Société des Talcs de Luzenac. Racheté par Rio Tinto en 1988, le gisement est cédé à Imerys en août 2011 pour 232 M€. Aujourd’hui, l’exploitation s’étend sur 2 km pour un gisement qui est reconnu sur 5 km et près de 1 050 ha. La carrière est active de mai à octobre mais alimente des stocks qui permettent à l’usine de fonctionner toute l’année. Elle creuse une couche lenticulaire de talc qui s'étend sur 1,4 km minimum pour une épaisseur allant de 10 à 80 mètres.

Après abattage à la pelle mécanique, un tri visuel est opéré en carrière pour constituer des tas homogènes de 250 tonnes qui font l'objet de mesures de blancheur, définissant onze qualités de talc. Après concassage pour arriver à des blocs d'une taille maximale de 100 mm, le minerai est transporté par un téléphérique de 120 godets de 1,4 tonne et 6 km de long jusqu’à l’usine de traitement dans la vallée : la STT (Station de Tri et Traitement). Le minerai y est criblé et réparti en classes granulométriques, avant qu'un tri optique au laser sur tapis convoyeur muni de buses d'air ne sépare les différentes qualités. Un séchage, puis un broyage à barres et une micronisation par jets mills permet d'obtenir une poudre de talc à 40 µm. Le site emploie (2017) 225 permanents, dont 160 à l’usine, plus 54 saisonniers pour l'extraction de mai à octobre. Les verses à stériles qui réceptionnent les roches autres que du talc, et donc non commercialisables, sont progressivement reprofilées et revégétalisées pour s'intégrer au paysage.

De juillet à début novembre, des visites guidées de la carrière en autocar sont organisées tous les jours par Ariège-Pyrénées tourisme. Les participants visitent également l'espace muséographique de Luzenac, où ils peuvent découvrir "l'univers du talc", de son extraction à son utilisation.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !