Régionales : les Français redemandent de la droite et de la gauche. Oui… mais lesquelles ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Un électeur pénètre dans un isoloir dans un bureau de vote du Touquet, pour le second tour des élections régionales françaises, le 27 juin 2021.
Un électeur pénètre dans un isoloir dans un bureau de vote du Touquet, pour le second tour des élections régionales françaises, le 27 juin 2021.
©Ludovic MARIN / POOL / AFP

Retour du clivage droite - gauche ?

Dans un scrutin marqué par une abstention record, la droite et la gauche ont conservé leurs régions. La droite sort des élections avec le statut de première force politique du pays. Dans les treize régions de métropole, tous les chefs d'exécutif sortants sont arrivés en tête des élections régionales.

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud

Christophe Bouillaud est professeur de sciences politiques à l’Institut d’études politiques de Grenoble depuis 1999. Il est spécialiste à la fois de la vie politique italienne, et de la vie politique européenne, en particulier sous l’angle des partis.

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Atlantico : Les élections régionales et départementales se sont achevées hier soir avec la victoire de Xavier Bertrand dans les Hauts-de-France ou de Carole Delga en Occitanie. Le clivage gauche, droite semble être revenu dans ce scrutin, 5 régions pour la gauche et 7 pour la droite. Qu'apprenons-nous de ces résultats ? Est-ce le symptôme d’un « ras-le-bol » du en-même temps macronien et une envie de revenir à la gauche et à la droite traditionnelle ?

Christophe Bouillaud : Ces résultats qui redonnent à un mandat à tous les présidents de région sortants en métropole, qu’ils soient de gauche ou de droite, ou régionaliste comme en Corse,  témoignent avant tout de la force des habitudes dans l’électorat qui est allé voter. Cet électorat participationniste est plus âgé, plus éduqué, plus installé dans la vie que le reste de l’électorat. De fait, cet électorat reste imprégné de l’opposition entre la droite et le centre classique d’une part et la gauche classique d’autre part, dans lequel il a passé la plus longue partie de sa vie politique. Le centrisme non aligné sur l’un des deux camps y est du coup résiduel comme le montrent les scores médiocres des listes LREM-MODEM aux deux tours de scrutin, comme ils l’ont toujours été depuis la fin des années 1960. L’extrême-droite du Rassemblement national (RN) y reste minoritaire et mal implanté, comme depuis les années 1960-1980.

Par ailleurs, en dehors du biais introduit par le caractère très marqué socialement des électeurs qui sont  allés voter, il faut noter l’absence d’implantation de LREM dans les diverses instances locales. Ce parti n’avait presque aucun sortant connu localement à présenter aux électeurs, c’est bien plutôt le MODEM qui offrait au camp présidentiel quelques figures localement bien implantées (comme Marc Fesneau en Centre-Val de Loire). Du coup, cette situation favorise, surtout pour une élection avec une campagne électorale très réduite en raison de la crise sanitaire qui n’a pas permis de faire connaître de nouvelles personnalités à l’électorat, les présidents sortants.

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Au total, ces élections régionales et aussi départementales rappellent à tout le monde que le « macronisme » constitue une nouveauté dans le paysage politique français, et que le centrisme « ni de droite ni de gauche » qu’il entend incarner, et, avant lui, le MODEM, n’a historiquement qu’un poids très réduit dans un système politique que tous les modes de scrutin poussent à la bipolarisation en deux camps bien marqués depuis des décennies.

Il n’y a donc pas tant un « ras-le-bol » du « en même temps » macronien qu’un rappel, qu’on pourra trouver salutaire, du fait que notre système politique avait bien fonctionné depuis des décennies sur une bipolarisation nette entre droite et gauche, permettant des choix clairs entre deux coalitions qui, de fait, étaient pourtant mécaniquement obligées à se battre pour l’électeur médian, et qui évitaient de ce fait en pratique les tentations extrémistes.

À droite, les candidats remportent leurs régions avec des postures bien différentes. Entre Pécresse et Renaud Muselier, les programmes et lignes sont discordants. On retrouve d’ailleurs cela entre les candidats de gauche. Cela pourrait-il augmenter l’embouteillage de candidature pour la prochaine élection ? Qu’est-ce que cela montre des préoccupations des Français ?

Premièrement, les différences entre les positionnements entre candidats de droite tiennent avant tout à la nature de leurs espérances présidentielles respectives. Les cas de Renaud Muselier et des autres présidents sortant de droite ou du centre qui ne  pouvaient en aucun cas se penser comme un présidentiable diffèrent du coup profondément de celui de Valérie Pécresse, de Xavier Bertrand et de Laurent Wauquiez. Ces trois-là avaient une double campagne à mener : la campagne de réélection à la tête de leur région, et leur pré-campagne présidentielle.  Les trois ont réussi leur pari en étant brillamment réélus. Il ne me semble pas par contre qu’entre ces trois-là les différences en matière de programme soient très marquées : tous trois insistent sur la lutte contre l’insécurité ; tous trois prennent leur distance, pour ne pas dire plus, avec l’écologie dite « punitive » , tout en n’étant pas « climato-sceptiques » ; tous trois dénoncent les tendances « anti-républicaines » du camp d’en face. La nuance tient peut-être à l’attitude vis-à-vis du social et de l’économique : Xavier Bertrand se veut plus préoccupé du sort des Français ordinaires que les deux autres, cela correspond sans doute à la nature des régions qu’ils ont eu à gouverner: deux régions riches, AURA et l’Ile de France, et une région qui sort d’un long déclin industriel, les Hauts-de-France. La différentiation entre les trois sera donc plus une affaire de caractère perçu par les électeurs que de programme proprement dit.

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A gauche, la logique de la situation est différente : les présidents sortants du PS, lorsqu’ils ne se sentaient pas menacés de perdre leur siège, ont opté pour une stratégie de non-alliance avec le reste de la gauche, en particulier EELV. Ces sortants veulent garder les coudées franches dans leur fief. Inversement, lorsque le PS n’avait pas la présidence sortante, force est de constater que ce parti doit céder la tête de liste, soit avant le premier tour (comme dans les Hauts-de-France ou en PACA),  soit après le premier tour, suite au choix des électeurs, à une personnalité issue d’EELV (comme en AURA ou en Ile-de-France) ou issu de la mouvance écologiste (comme en Pays de Loire). Autrement dit, l’ancien parti dominant de la gauche est devenu incapable d’offrir à l’électorat de gauche de nouveaux candidats crédibles à une présidence de région.

En raison de ce double phénomène, on se retrouve aussi bien à droite qu’à gauche face à un embouteillage de candidatures.

A droite, il est désormais évident que, du point de vue de la légitimité électorale, les trois présidents de région, Valérie Pécresse, Xavier Bertrand et Laurent Wauquiez, peuvent prétendre incarner la candidature de la droite.  Le départage entre les trois personnalités sera d’autant plus difficile que deux d’entre elles ne sont plus membres du parti « Les Républicains », mais que l’un d’entre eux  reste bel et bien membre de ce dernier, même si ses tracts électoraux n’en faisaient aucunement mention d’après ce que j’ai personnellement constaté. Du coup, cela sera quelque peu difficile institutionnellement pour ce parti de ne pas le choisir.  Certes, la droite peut finalement choisir une autre personnalité que l’un de ces trois-là (comme Michel Barnier par exemple), mais cela sera très compliqué vu les ambitions de ces trois-là, renforcées par ces bons résultats des régionales.

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A gauche, la difficulté est encore plus grande : le vieux parti dominant, le PS, n’a plus beaucoup d’attrait auprès de l’électorat quand il n’est pas incarné par un sortant bien implanté, et il ne veut pas céder la place au nouveau parti montant, EELV. A cela s’ajoute qu’aucun des deux n’a à offrir à la suite de ces élections régionales un grand élu régional qui pourrait permettre à tous de se rallier. Les présidents de région socialistes reconduit sont en effet exclusivement des personnalités connues localement et sans possibilité a priori de carrière nationales. Pour ne rien simplifier, l’aile gauche de la possible coalition des gauches, FI, dispose d’un candidat connu et plutôt bien côté dans les sondages.

Les deux perdants de cette élection sont bien évidemment le RN et LREM. Quelles sont les raisons d’un tel désaveu pour ces partis ?

Comme je l’ai déjà dit pour LREM,  essentiellement par la nature de l’électorat qui s’est déplacé lors de ces deux tous électoraux et aussi l’absence d’implantation locale. De fait, les sondés, si nombreux actuellement à trouver que Macron fait bien son job de Président de la République (près de 50% selon un sondage récent), s’empressent de voter au niveau local pour des figures connues d’eux, qui ne sont pas du camp présidentiel. Rarement, le hiatus aura été aussi grand entre une popularité présidentielle dans les sondages et une déroute du camp présidentiel dans les urnes. Nous verrons bien comment ce hiatus se résoudra ou non lors du premier tour de l’élection présidentielle.

Le RN, qui est pourtant l’héritier d’un parti, le FN, créé en 1972, a été jusqu’ici incapable de se créer un solide et durable réseau d’élus locaux, et aussi de créer un parti sur le terrain qui soit pérenne. Les difficultés financières et organisationnelles de ce parti sont en effet bien connues, elles finissent par se payer cher dans une élection où, pourtant, tout l’agenda médiatique (insécurité, immigration, terrorisme islamiste, etc.) et la montée en puissance de nouveaux médias audiovisuels orientés à droite toute (CNews) lui étaient très favorable. On retrouve ce fait bien connu : le RN, et le FN avant lui, demeure globalement un parti qui n’encadre pas ses électeurs et dont la relation avec eux se situe presque entièrement dans la relation médiatique avec le seul patronyme des Le Pen.

La défaite en PACA témoigne par ailleurs du fait que le réflexe de barrage à son encontre demeure, en particulier dans cet électorat si particulier qui est allé voter à ces régionales. Visiblement, une part des électeurs de gauche a dû aller voter encore une fois, civiquement, « contre » le RN. La « gauche Lubéron » doit en effet être pour quelque chose dans cette défaite. Ce dernier phénomène est plutôt encourageant pour Emmanuel Macron s’il arrive au deuxième tour de la présidentielle face à Marine Le Pen.

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