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Le trompe-l’oeil des derniers chiffres de la dette publique française
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Sécu-FD

Selon une étude de l'INSEE publiée ce mercredi, la dette française a reculé de 3,6 milliards d'euros sur le troisième trimestre 2011. Un chiffre malheureusement sans signification autre que technique, quand dans le même temps la dette de la sécurité sociale a augmenté de plus de 5 milliards

Pascal Salin

Pascal Salin

Pascal Salin est Professeur émérite à l'Université Paris - Dauphine. Il est docteur et agrégé de sciences économiques, licencié de sociologie et lauréat de l'Institut d'Etudes Politiques de Paris.

Ses ouvrages les plus récents sont  La tyrannie fiscale (2014), Concurrence et liberté des échanges (2014), Competition, Coordination and Diversity – From the Firm to Economic Integration (Edward Elgar, 2015).

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Atlantico : L’INSEE a publié ce mercredi son estimation portant sur l’évolution de la dette publique en France, durant le troisième trimestre 2011. Le chiffre majeur est une réduction de 3,6 milliards d’euros de cette dette par rapport à juin. Un montant significatif ?

Pascal Salin : La variation de la dette publique sur une courte période – un trimestre en l'occurrence – n'est pas significative. Elle reflète seulement le caractère irrégulier des dépenses et des recettes au cours d'une année, comme cela est d'ailleurs le cas pour une entreprise ou un ménage. Ce qui est significatif c'est l'évolution de la dette à plus long terme. Or, le gouvernement lui-même prévoit une augmentation de l'endettement en 2012, le montant de l'endettement par rapport au PIB devant passer de 84,9% en 2011 à 88,3% en 2012 ! Et on ne prévoit une légère baisse que dans les années ultérieures. Or, pour pouvoir véritablement réduire ou même supprimer la dette, comme cela serait normal, il faudrait dégager d'importants excédents budgétaires. Et on en est bien loin…

Peut-on considérer cette baisse comme un premier résultat des plans de rigueur ? Est-ce rassurant, ou le chiffre est-il minime et à relativiser ?

La baisse temporaire de l'endettement n'est pas le résultat des plans de rigueur. Ceux-ci ont d'ailleurs été adoptés en juillet et novembre, ce qui ne pouvait pas influer sur l'endettement du 3ème trimestre. Par ailleurs, ces plans de rigueur sont de toute façon trop timides pour avoir une influence profonde. Et, surtout, au lieu de consister en des baisses profondes de dépenses publiques, ils contiennent essentiellement des augmentations d'impôts. Or, celles-ci freinent l'activité économique et donc réduisent l'assiette des impôts, de telle sorte qu'il est illusoire d'attendre des effets positifs de ces plans de rigueur, même à long terme. En réalité, la baisse de l'endettement au 3ème trimestre 2011 semble être seulement la conséquence de décisions de technique budgétaire, l'Etat ayant accumulé une trésorerie importante au début de l'année et l'ayant utilisée pour réduire l'endettement au 3ème trimestre.

D'après ce rapport, le point noir est la dette des administrations de sécurité sociale, en hausse de 5,6 milliards d'euros. La sécurité sociale est-elle le boulet qui plombe de plus en plus nos finances publiques ?

La sécurité sociale n'est pas le seul facteur de déficit, mais elle en constitue un élément important et potentiellement incontrôlable. En effet, lorsqu'un bien ou service semble gratuit, la demande qui s'adresse à lui peut être illimitée. Les Français ne savent pas combien la sécurité sociale leur coûte, le financement faisant essentiellement l'objet de prélèvements à la source, indolores. Et ce qu'ils obtiennent semble gratuit ou presque. La croissance des dépenses entraîne donc des déficits périodiques que les gouvernements essaient de combler par des augmentations de prélèvements, réduisant les incitations à produire et ralentissant donc la croissance. C'est donc, à la fois, l'assiette des impôts et celle des prélèvements sociaux qui en sont réduites.

Il y a donc un cercle vicieux de destruction des incitations productives, de tendance continuelle à l'augmentation des déficits à laquelle les gouvernements répondent par des augmentations de prélèvements. Quand comprendra-t-on, en France, qu'il faut mettre fin à ce processus destructeur  et que l'organisation dite de "sécurité sociale" est un facteur majeur de l'insécurité sociale et de la stagnation économique ?

Propos recueillis par Romain de Lacoste

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