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Rébellion Mélenchon : mauvaise affaire politique pour la France Insoumise et voilà qui devrait en bénéficier
©BORIS HORVAT / AFP

Bilan désastreux

Selon le baromètre LCI Opinionway, réalisé après la violente réaction du leader de la France Insoumise lors de la perquisition à son parti, le leader des Insoumis perd 7 points en un mois et même 15 points auprès de ses électeurs du 1er tour. Désormais, seulement 22% de Français sont satisfaits de son action, score le plus bas depuis la création du baromètre en 2010.

Christophe Boutin

Christophe Boutin est un politologue français et professeur de droit public à l’université de Caen-Normandie, il a notamment publié Les grand discours du XXe siècle (Flammarion 2009) et co-dirigé Le dictionnaire du conservatisme (Cerf 2017), le Le dictionnaire des populismes (Cerf 2019) et Le dictionnaire du progressisme (Seuil 2022). Christophe Boutin est membre de la Fondation du Pont-Neuf. 

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Atlantico :  Comment expliquer ce décrochage ?

Christophe Boutin :Si l’on en croit les commentateurs, et les sondages, ce décrochage s’explique par la violence des emportements de Jean-Luc Mélenchon face aux perquisitions policières. 76% des Français, et 51% de ses électeurs du premier tour, désapprouveraient en effet l’attitude qu’il a eue alors et qui a été longuement relayée sur les réseaux sociaux. Il ne s’agit pas tant ici de son attitude lors de la perquisition faite à son domicile que de celle au siège de son parti, qui a d’ailleurs conduit le parquet de Paris à ouvrir une enquête préliminaire pour « menaces ou actes d'intimidation contre l'autorité judiciaire » et « violences sur personnes dépositaires de l'autorité publique ». Le voilà donc au plus bas dans les sondages, avec seulement 22% des Français satisfaits de son action, une baisse de 7 points en un mois, et une baisse sensible, là encore, chez ses propres troupes, puisqu’il perd 15 points dans la même période chez ceux qui avaient voté pour lui en 2017.
Ce n’est pourtant pas la première fois que Jean-Luc Mélenchon se laisse aller à des sautes d’humeur, qu’elles aient concerné d’autres politiques, des contradicteurs anonymes ou, surtout, les journalistes et les médias. Faconde méridionale ? Pas seulement, car Mélenchon, comme Donald Trump, a très bien compris la lassitude du public devant le discours moralisateur et totalement déconnecté des réalités de nombre de journalistes, et sait que les attaquer de manière frontale, les dénoncer comme agents d’un pouvoir ou d’un lobby, peut se révéler politiquement payant. Pourtant, ici, la violence des propos n’a pas réussi à présenter la perquisition en cours comme une manoeuvre politique diligentée par l’Élysée, ni les clameurs de vierges poussées par les juges et les médias « insultés » comme la vengeance d’une caste, et, dans l’esprit des Français, si l’on en croit les sondages, Jean-Luc Mélenchon se serait décrédibilisé en n’acceptant pas de faire « confiance à la justice de son pays ».
C’est peut-être aller un peu vite en besogne, car certains travers du personnage, apparaissant trop crûment, ont pu aussi le desservir, y compris auprès de son électorat. « Ma personne est sacrée »… « Je suis la République »… Certains ont peut-être eu l’impression que l’ego mélenchonien était par trop envahissant « qu’il s’y croyait un peu trop », et que, finalement, leur défenseur attitré n’acceptait pas de prendre des coups. D’autres ont pu avoir l’impression, au vu des informations savamment distillées, que certaines facilités avaient été accordées à des proches, une accusation qui n’est pas nouvelle d’ailleurs, d’anciens membres de LFI s’étant plaints du « népotisme » du leader maximo préparant sa liste aux européennes. Autant d’éléments à prendre en compte.
Il est facile ensuite de dauber sur les mésaventures d’un homme qui, pour avoir serré sur le Vieux-Port la main de Jupiter, se croyait sans doute guéri de ses écrouelles judiciaires. Sur un vieux politique (sénateur en 1986…) qui, malgré son écharpe d’élu de la Nation, se rend compte soudainement que, comme tout un chacun, il peut voir ses disques durs espionnés et leur contenu faire rapidement la une des médias… en même temps que des indiscrétions sur sa vie privée. Sur celui qui, quand de telles pratiques s’adressaient à d’autres, s’étonnait publiquement de leurs plaintes.
Pour autant, on notera qu’il était bien aisé, si l’on en avait envie, de faire monter en pression le bouillant Mélenchon en enchaînant les perquisitions et, surtout, en commençant à son domicile, touchant sa vie privée ; que le contrôle des dépenses de campagne pose un vrai problème dans la manière dont le juge se croit maintenant le droit d’apprécier leur légitimité ; que, dans le même temps, d’autres comptes semblent moins durement contrôlés. Bref, certains points de cette affaire peuvent laisser des doutes à des esprits chagrins, comme aussi le retentissement donné à « l’effondrement » de Mélenchon dans la caisse de résonnance des médias.
Car si Mélenchon est à 22% de satisfaits, perdant certes 7 points en un mois, étant certes au plus bas dans ce sondage depuis 2010, sa vraie baisse date de l’élection d’Emmanuel Macron. Avant, Mélenchon tournait autour des 33 points de moyenne, oscillant entre 30 et 37. À partir de 2017, il tombe à 25 points de moyenne, oscillant entre 22 et 29, et il y a six mois il était par exemple à 23… La baisse constatée n’est donc que très relative et n’est en rien un « effondrement ». Il est permis dans ce cadre de se demander si les choix tactiques mélenchoniens – les attaques directes contre l’oligarchie et les médias - sont vraiment devenus aussi contre-productifs que certains tentent de le faire croire, ou si, comme nous l’avons évoqué, ce ne serait pas plutôt le ton par trop oligarchique du vieil élu qui aurait troublé son électorat… Bref, de savoir si le « populisme » de Mélenchon l’a politiquement desservi, et s’il devrait s’en tenir à l’avenir, comme on semble le lui conseiller, à des discours moins clivants. La suite le dira, mais sachons garder ici une certaine distance.

Quelles peuvent être les conséquences de ce décrochage ? Risque-t-on d'assister à un jeu de vases communiquants entre les partis "populistes" de l'Hexagone ?

À supposer donc qu’il y ait bien « décrochage » et « effondrement » du leader maximo de LFI, qu’il déçoive mais qu’il reste en place et en finisse par servir de repoussoir, une hypothèse à mon sens peu crédible, on peut effectivement penser qu’une partie de son électorat se reporterait sur d’autres partis. Et Mélenchon jouant la carte du « populisme de gauche », deux possibilités existent : soit leur passage chez des populistes de droite, soit leur passage dans les rangs de partis de gauche – le PS ou Génération.s. de Hamon.
Le critère du choix entre les deux options, pour ces déçus de LFI, se ferait alors sur la priorité donnée à l’identitaire ou au sociétal. Si ces électeurs sont plus inquiets de la disparition de l’identité nationale française que du fascisme des cisgenres, et prêts à sortir de l’impasse mélenchonienne sur la question migratoire, s’ils ne se sentent, eux, pas trop mal, dans « un pays où il n’y a que des blonds aux yeux bleus », contrairement à Melenchon, ils peuvent rejoindre les rangs des populistes de droite. Et ils peuvent le faire plus que jamais à l’occasion des européennes de 2019, quand le choix macronien de l’opposition violente entre « progressistes » et « populistes , qui va se traduire pour nombre d’électeurs en un choix entre « oligarchie mondialisée » et « peuples entrés en résistance », va structurer le débat.

Ce jeu de vases communicants pourrait-il également se réaliser entre partis de gauche ? Est-ce que le dévissage de JLM pourrait être bénéfique au PS ? A quelle(s) condition(s) ?

Oui, pour l’autre frange des électeurs de LFI cette fois, les électeurs qui seront plus sensibles aux revendications sociétales qu’identitaires, et qui se reconnaîtront, soit dans le multiculturalisme du discours du PS, soit dans le communautarisme affiché de celui de Benoît Hamon. Le blocage qui les empêcherait de rejoindre ces formations viendrait pour eux de la proximité ou non de ces partis avec LaREM, une formation avec laquelle ils n’envisagent aucune alliance, et notamment pas aux prochaines échéances électorales au vu du discours fédéraliste tenu par le Président.
Mais n’oublions pas enfin que tout n’est pas « vases communicants », et que certains électeurs déçus de LFI pourraient aussi se réfugier dans l’abstention, une abstention qui n’est jamais plus forte en France que lors des élections européennes…

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