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Rayons gamma : la chose la plus puissante de l’univers pourrait expliquer pourquoi nous sommes seuls dans l’univers (et l’une des 5 grandes extinctions de masse de la Terre)
©Reuters

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Une explosion de rayons Gamma génère en quelques secondes une énergie aussi importante que celle du Soleil pendant sa vie entière, soit 10 milliards d'années.

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau

Aurélien Barrau est professeur à l’Université Joseph Fourier, membre de l’Institut Universitaire de France et chercheur au Laboratoire de Physique Subatomique et de Cosmologie du CNRS.

Il a publié en mars 2013 Big Bang et au-delà - Balade en cosmologie (Ed. Dunod) qui explique, dans un langage clair et accessible, les dernières découvertes en cosmologie, et des Univers multiples paru chez Dunod en 2014.

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Atlantico :  Que sait-on concrètement sur les rayons gamma ? Quels phénomènes en sont à l'origine ?

Aurélien Barrau : La lumière est une onde. Cette onde peut avoir différentes énergies. Nos yeux ne sont sensibles qu’à une fraction infime des énergies possibles. L’immense majorité des ondes son invisibles pour nous, bien qu’elles soient tout à fait réelles. Les rayons gammas sont les plus énergétiques des ces ondes. Leurs énergies peuvent être typiquement un milliard de fois plus élevées que celles de la lumière visible.

On connait aujourd’hui de nombreux objets astrophysiques capables de générer de tels rayons gammas. Par exemple, les pulsars et les quasars. Les premiers sont des étoiles très denses, des étoiles à neutrons, qui génèrent des champs électromagnétiques intenses et par conséquent des particules très énergétiques. Les quasars, quant-à-eux, sont des trous noirs supermassifs qui sécrètent de larges quantités de matière.

Mais les sources de rayons gammas les plus étranges et les plus fascinantes demeurent sans doute ce qu’on nomme les "sursauts gammas". Ce sont des phénomènes très brefs qui libèrent une quantité d’énergie gigantesque en très peu de temps. Les plus longs d’entre eux sont certainement associés à la mort d’étoiles massives. Pour les plus brefs, la situation est moins claire. Carlo Rovelli et moi avons d’ailleurs proposé qu’ils pourraient être dus à des effets de gravitation quantique dans les petits trous noirs ...

Des scientifiques ont récemment estimé la probabilité que la Terre ait pu être la cible d'un de ces rayons gamma par le passé. Alors que sur le temps court, cette probabilité est infime, ces derniers ont calculé que notre planète avait 50% de chances d'avoir été touchée par des rayonnements gamma. Cette estimation monte à 60% si la période est d'un milliard d'années, et à 90% si l'on remonte à 5 milliards d'années (le système solaire étant âgé de 4,6 milliards d'années). Quels dégâts un tel rayonnement pourrait avoir sur notre planète ?

En fait, la Terre est en permanence bombardée par des rayons gammas. Mais l’atmosphère les arrête. Si un sursaut gamma avait eu lieu dans notre Galaxie et avait été dirigé vers la Terre, c’est alors un immense flux de rayons gammas qui serait arrivé en un instant.

Même dans ce cas, l’atmosphère aurait encore joué son rôle et serait parvenue à arrêter les gammas. Mais sa composition chimique aurait alors été altérée. Plus précisément, il est possible que l’ozone ait été touchée et que son rôle protecteur — en particulier des rayons ultra-violets — n’ait ainsi plus fonctionné, engendrant des effets létaux sur les organismes vivants.

Il y a 440 millions d'années, la Terre a connu une de ses 5 grandes extinctions, celle de la période de l'Ordovicien (voir ici). Ces dégâts pourraient-ils, en théorie, être à l'origine de cette extinction ?

La question des extinctions de masse est intéressante et importante. Et elle est d’actualité puisque l’homme est en train de mener en ce moment même une telle extinction ! En quelques décennies, nous balayons des dizaine de millions d’années — et même bien plus — d’évolution de la vie. Les dégâts sont d’ors et déjà irréparables et catastrophiques.

Cela dit, pour d’autres raisons, il y a en effet eu quelques extinctions importantes dans le passé (et nous savons qu’il a en effet fallu des temps gigantesques à la vie pour reprendre ses droits, sous d’autres formes). A la différence de l’extinction en cours, d’origine incontestablement anthropique, toutes n’ont pas des origines parfaitement claires et il est pertinent de s’interroger sur le rôle possible de phénomènes astrophysiques dans celles-ci. Rien n’est exclu ! Il est fort possible que des processus cosmiques dans la Galaxie aient eu un rôle.

Les scientifiques ont également mis en parallèle la menace de sursaut gamma avec l'apparition de vie dans notre galaxie. En sachant que la majorité des étoiles (et donc des planètes) se trouvent au centre de la Voie Lactée (6500 années-lumières de diamètre compte 25% des étoiles) où elles sont très proches les unes des autres, et augmentant donc les chances pour que ces rayonnements gammas touchent une cible (par réduction de l'angle de tir, 95% de chances selon les chercheurs), dans quelle mesure peut-on dire que cela réduit les chances que la vie puisse y apparaître ?

Il est légitime de se poser ces questions. Mais il me semblerait extrêmement prématuré de conclure à une corrélation entre les sursauts gammas et la fréquence d’apparition de la vie dans l’Univers. Pour une raison simple : nous n’avons pour le moment absolument aucune idée de la fréquence de la vie dans la Voie Lactée (notre Galaxie). Il se peut que nous soyons seuls. Il se peut qu’il y ait des milliards de planètes habitées ! Nous n’en savons absolument rien.

Mon sentiment est que les sursauts gammas jouent sans aucun doute un rôle dans la probabilité d’existence de la vie en un lieu donné de l'Univers. Mais leur rôle ne me semble d’aucune manière prédominent par rapport à de très nombreux autre facteurs.

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