Rama Yade : "Je n'ai pas besoin de clamer mon indépendance, tous les Français le savent"<!-- --> | Atlantico.fr
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Rama Yade est aujourd'hui candidate à la succession de Jean-Louis Borloo, ancien président du Parti radical.
Rama Yade est aujourd'hui candidate à la succession de Jean-Louis Borloo, ancien président du Parti radical.
©Reuters

Moi, candidate

Ancienne étoile de la Sarkozie, Rama Yade est aujourd'hui candidate à la succession de Jean-Louis Borloo, ancien président du Parti radical.

Rama Yade

Rama Yade

Elle a été secrétaire d'État chargée des Affaires étrangères et des Droits de l'homme de 2007 à 2009, puis secrétaire d'État chargée des Sports jusqu'en 2010. Rama Yade est actuellement conseillère régionale d'Ile-de-France et vice-présidente du Parti radical.

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Atlantico : Vous vous êtes déclarée candidate à la succession de Jean-Louis Borloo à la tête du Parti radical le 29 avril 2014. Quels sont vos projets pour le parti ?

Rama Yade : Je veux être une présidente de proximité, d’écoute, au service de nos adhérents. C’est un projet collectif que je propose pour un parti radical fort et respecté. Mon projet c'est de renforcer la démocratie directe, rendre la parole aux adhérents. Car le Parti radical (PR) appartient à ses adhérents et nous ne sommes rien sans eux. Cela suppose, conformément à la vocation territoriale du parti, de décentraliser plus souvent une partie des évènements du parti, de systématiser les universités d'été, de mieux valoriser le travail des commissions et de les associer au choix du président de l'UDI. J'ai la conviction que nos adhérents méritent d'être entendus et notamment pour les investitures. C'est pour cela que j'ai prévu la création d'un délégué chargé des élections qui aura pour tâche à l'année de tourner dans les fédérations, et d'entendre les responsables locaux pour faire le choix des futurs candidats aux élections.

En plus de la démocratie directe, j'aimerai donner une visibilité supplémentaire au parti radical. On assiste à un paradoxe, le parti le plus vieux de France  qui a apporté toutes ses fondations à la République française, de la laïcité à l'école publique, ne doit pas être le plus confidentiel des partis de France. Nos valeurs, nos candidats doivent être davantage valorisés. L'objectif étant de faire du parti radical, un parti fort au sein de l'UDI et vis-à-vis de ses partenaires, que ce soit le Modem ou l'UMP. Il s'agit d'un enjeu stratégique et pour cela, je crois qu'il faut un président d'envergure national, entendu des Français. Je veux mettre ma notoriété au service du parti radical.

Plus largement, nous devons porter un projet politique auprès des Français dans la perspective de la prochaine élection présidentielle. Mes priorités sont l'école publique et la laïcité, mais aussi l'Europe.

Avez-vous l'impression que les adhérents ne sont pas suffisamment écoutés ?

On peut toujours faire mieux. La démocratie est un exercice qu'il faut toujours renouveler. Mon projet lui-même est largement inspiré de la consultation que j'ai engagée auprès des fédérations depuis plusieurs années. Je tenais un cahier de doléances dans lequel je notais le vécu des militants sur le terrain. J'ai fait trois fois le tour de France des fédérations. Ce projet, c’est le leur.

Pourquoi ne pas avoir rallié la candidature de Laurent Hénart ?

Cela peut marcher dans les deux sens. De toutes façons, étant dans le même parti, nous formons une même famille et avons vocation à travailler ensemble. J’ai engagé cette démarche car j’ai été portée par un collectif de 50 fédérations ce qui correspond à la moitié des fédérations du parti. J'ai un comité de soutien de 500 personnes, présidé par François Loos, ancien président du parti, porté par Sabine Servan-Schreiber, épouse de Jean-Jacques Servan-Schreiber, et par de nombreuses associations et structures transversales du parti. Je ne pouvais pas ne pas répondre à cette mobilisation.

Vous avez accusé votre opposant, actuel président par intérim du parti et nouveau maire de Nancy, de fausser l'élection du fait de son statut. "La validation de la procédure s'est faite à l'unanimité, Rama Yade était présente", s'est défendu Laurent Hénart. Ne craignez-vous pas une guerre fratricide au sein de votre parti à l'instar de celle qui a déchiré l'UMP l'an passé ?

C'est pour cela que vous ne me trouverez pas à m'adonner à des attaques personnelles, ni même à y répondre. Je respecte Laurent Hénart et encore une fois nous avons vocation à travailler ensemble car nous sommes dans un même parti. Ces problèmes de sincérité du scrutin sont nos affaires de famille et nous devons régler cela en famille. Si on respecte nos statuts, tout ira bien.

Vous avez estimé n'avoir "nulle ambition pour la présidence de l'UDI". Est-ce parce que vous ne croyez pas à l'émergence d'un centre droit totalement indépendant de l’UMP ?

Ma candidature est axée sur l'indépendance du PR. D'abord par rapport au Modem mais aussi vis-à-vis de l'UMP. Sur beaucoup de territoires, les radicaux ont eu le sentiment d'être écartés au profit de nos partenaires. Je ne veux pas que les radicaux soient la dernière roue du carrosse. Je n'ai pas quitté l'UMP pour y revenir. La presse nationale et l'ensemble des Français m'ont considéré comme la rebelle de la majorité. J'ai démissionné de mon poste d'ambassadeur pour rejoindre Jean-Louis Borloo lorsqu'il était candidat à la présidentielle. J'ai quitté la chance d'être dans un grand parti qui permet d'avoir des investitures majoritaires pour me présenter aux législatives avec la seule étiquette du Parti radical. Je n'ai pas mis mon drapeau radical dans ma poche. Ai-je besoin de rappeler le nombre de fois où je me suis opposée à la politique gouvernementale, y compris en le payant au prix fort ? Que ce soit sur le Printemps arabe, sur l'affaire Kadhafi. Je n'ai pas besoin de clamer mon indépendance, tous les Français le savent. Au congrès de 2012 du PR, lorsqu'une motion nous avait été présentée pour soutenir Nicolas Sarkozy sans condition, je m’y suis opposée. Je demandais que ce soutien soit vigilant et avec condition, que le projet du candidat de l’UMP ait quelque chose de "radical".

Pourquoi ne pas être candidate à la tête de l'UDI ?

D'abord ce serait incompatible avec ma volonté de me consacrer au PR car nos statuts interdisent d'être à la fois présidente de l'UDI et du PR. De plus, je ne pourrai plus être l'ambassadeur des radicaux et c'est le parti que j'ai choisi à l’origine. C'est celui dans lequel je me sens le mieux car il ne déviera jamais de la ligne républicaine. Et peu importe, les révolutionnaires français disaient : "ici on s'honore du titre de citoyen et on se tutoie". Ce qui signifie que ce n’est pas l’ancienneté mais les valeurs que nous avons en partage qui comptent. D’ailleurs Jean-Louis est devenu président au bout de 2 ans tout simplement parce que les radicaux l’ont sollicité et ont voulu qu’avec son audience nationale il porte le parti.

>>> A lire également sur Atlantico : Les jeunes du Parti radical avec Rama Yade

Si Nicolas Sarkozy venait à être le candidat de l'UMP en 2017, pensez-vous que l'UDI ferait mieux de se rallier à sa candidature plutôt que de présenter son propre candidat ?

Nous sommes un parti politique, nous avons vocation à avoir un candidat à la présidentielle.

Le rapprochement entre l'UDI et le Modem pour le scrutin européen pourrait-il représenter une alternative à une alliance avec l'UMP à l'avenir ? 

Le PR est un parti pivot de type centre droit, inséré dans un réseau d'alliances. Néanmoins, il nous faut éviter la dilution. Je n’accepterai jamais que le PR soit dissout, dilué ou transformé en fondation, comme l’avait proposé Laurent Hénart. C’est une différence fondamentale que nous avons. L'extrême centrisme est un autre écueil à éviter. L'extrême centrisme est une chimère du fait du système institutionnel dans lequel nous sommes. Je respecte le Modem et notre rapprochement est une bonne chose mais il est impératif que le Modem cesse ses alliances avec la gauche car cela brouille notre message auprès des Français. Il doit être sincère et non prédateur vis à vis du Parti radical. Quant à l’UMP, je souhaite qu’elle ne dévie pas de la ligne républicaine : la droitisation, la ligne Buisson nous ont beaucoup peinés, nous les Radicaux qui sommes les gardiens historiques de la République.

Les résultats électoraux du centre français sont déconnectés de la large audience que ses idées ont dans l'opinion. Comment expliquer cette difficulté du centre à transformer l'essai électoralement ?

Mais nous avons transformé l'essai électoralement aux municipales. Parmi les 150 villes conquises par l'opposition, un tiers l'a été par l'UDI. Et tout le monde s'est accordé à dire que nous avions de bons résultats pour un parti qui a moins de deux ans. Pour les élections européennes, je regrette simplement qu'il n'y ait pas plus de têtes de liste UDI. Le partenariat avec le Modem doit être équilibré et ne doit pas se faire au détriment de l'un ou au profit de l'autre.

On reproche à l'UDI d'être un parti de notables. Partagez-vous le diagnostic ? 

C'est pour cela que je veux redonner le pouvoir aux militants. Avoir de grands élus est un atout mais le dialogue avec le terrain doit être renforcé.

L'UDI est née de la réunion de formations politiques préexistantes. Le défi c'est de devenir un véritable parti militant. C'est d'ailleurs pour cela que dans mon projet, je porte l'idée que le parti soit à l'image de la société française. Que la parité prévue par nos statuts soit appliquée dans nos instances. Les jeunes ne doivent pas systématiquement être sollicités pour des places inéligibles. Les jeunes doivent avoir la place qu'ils méritent. Je veux un secrétaire général adjoint du parti qui soit issu des jeunesses radicales. Je veux qu'il y ait deux vice-présidents issus des jeunesses radicales. Je veux un délégué jeunesse qui ait l'expérience nécessaire pour être capable de négocier les investitures des jeunes. Les jeunes ne sont pas les talents de demain mais les talents d'aujourd'hui.

Profondément européen, le centre n'est crédité que d'environ 10% des intentions de vote aux Européennes. Comment l'expliquez-vous ?

Un score à deux chiffres, ce serait un bon résultat pour une première élection.

Quel diagnostic faites-vous de l'importante dégradation de l'opinion que les Français se font de l'Union ? Quelle responsabilité le centre porte-t-il et que proposez-vous pour y remédier ?

Il faut que l'on fasse davantage de pédagogie des acquis de l'Europe. A la citoyenneté européenne sont attachés des droits importants qu'ils soient civils, politiques, ou sociaux. L'Europe est le projet politique le plus moderne de ces 50 dernières années. Les Français ont la conviction que l'UE est une chance mais ils ont été déçus par la faiblesse de l'Europe politique qui n'est pas incarnée. En tout cas pas suffisamment avec Harman Van Rompuy et Catherine Ashton. Les Etats ont fait le choix de mettre des personnalités qui ne leur feraient pas de l'ombre. La valeur de l’euro ne permet pas de doper la croissance ni à nos entreprises de conquérir des parts de marché à l'étranger. Nous avons eu le sentiment que la priorité accordée à la lutte contre l'inflation s'est faite au détriment de la croissance. Il faut inverser la vapeur.

Quelle est la responsabilité du centre dans le désamour des Français vis-à-vis de l'UE ?

Le centre a été quelque peu dispersé ces dernières années, entre les centristes de l'UMP et le Modem de François Bayrou. Heureusement, nous proposons une offre plus cohérente avec la création de l'UDI. 

Aujourd'hui, comment éviter de cantonner le centre à un rôle supplétif ?

Comme pour tout parti politique, il faut un chef, une équipe, un projet. La succession de Jean-Louis Borloo nous fait entrer dans une zone d'instabilité mais aussi de perspectives nouvelles.

Nous avons une obligation de réussite. En élisant un président de manière démocratique et apaisée en préservant l'esprit de l'UDI. Mais ce n'est pas parce qu'on a un président que l'on a un leader. Le président du parti ne sera pas forcément celui qui se représentera à l'élection présidentielle.

L'équipe doit être cohérente. Attention aux alliances aventureuses. Je refuse cette idée folle de bloc des droites qui fusionnerait la droite républicaine et l’extrême droite. Le Modem doit avoir une ligne politique plus claire à Marseille, à Lyon, à Lille, à Tours et dans toutes ces villes où il s’est opposé à nos candidats UDI aux municipales.

Et pour définir notre projet politique, j'ai appelé plusieurs fois à la tenue d'assises du centre. Et le PR pourra y jouer un rôle central, en apportant à l’UDI une colonne vertebrale idéologique forte. Je pense à la laïcité, à l’instruction, à la cohésion sociale et au développement durable.

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