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Qui veut gagner des millions (d’électeurs) aux Européennes…?  Les Gilets jaunes, acte II du mouvement politique attrape-tout initié par En Marche
©LUCAS BARIOULET / AFP

Tout le monde cherche sa liste GJ

De Philippot à Wauquiez en passant par Plenel et Francis Lalanne, les Gilets jaunes semblent séduire de partout.

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico : À la manière de ce qu'a été En Marche durant la campagne présidentielle de 2017, peut-on qualifier les Gilets jaunes de parti attrape tout selon vous ?

Virginie Martin : C'est le politologue allemand Otto Kirchheimer qui a défini ce concept aux États-Unis en 1966. Il s'agit d'un parti qui a la capacité de séduire des individus au-delà de la droite et de la gauche, des classes sociales et des clivages classiques. On a longtemps donné ce qualificatif au Front national, car il avait précisément cette capacité de récupérer des gens de droite comme de gauche.

Il y a aussi, dans un parti attrape-tout, une faiblesse organisationnelle et un leadership très marqué. En cela, les Gilets jaunes ne correspondent pas vraiment. C'est un parti qui va être défini par une idéologie un peu molle dans laquelle beaucoup de gens peuvent se retrouver.

Emmanuel Macron en effet en est un bel exemple. LREM, pour Otto Kirchheimer, serait même un idéal type de ce type de parti dans la mesure où l'on y retrouve un faible recours à l'idéologie et une stratégie qui vise à rechercher l'adhésion électorale.

Même si les Gilets jaunes fédèrent, c'est indéniable, ils n'ont pas de chef charismatique qui essaye de dépasser les clivages. Sur des questions de classes sociales, ils sont très clairs, ce sont les petits contre les gros. Ils ont une matrice idéologique très forte qui réclame de la justice sociale, un reste à vivre supérieur (qui es plus juste que de parler de pouvoir d'achat).

Ne sont-ils pas un effet miroir à Emmanuel Macron ?

Effectivement. La volonté d'Emmanuel Macron d'ignorer le clivage gauche-droite s'est forcément accompagnée de radicalisations. C'est mathématique. Puisqu'il empiète sur les clivages classiques, tout ce qui existe en dehors et qui se donne à entendre va se situer dans les confins de l'échiquier politique. Que ce soit à droite ou à gauche.

Emmanuel Macron n'a donc d'appui ni à gauche ni à droite. Et dans ces cas-là, quand ça va mal, il n'y a presque plus personne pour vous aider. Le clivage gauche-droite à cela d'intéressant que vous avez toujours plus ou moins une demie portion de l'échiquier politique qui est de votre côté. Aujourd'hui, l'échiquier politique est complétement verticalisé. Avec en haut ceux qui pensent "correctement" et en bas ceux qui "pensent fort", qui ne veulent pas jouer le jeu.

C'était là le grand danger en miroir d'Emmanuel Macron. J'ai toujours dit que son élection était le premier pas d'un vrai danger de radicalisation tout azimut précisément à cause de cela. On l'a vu de plus en plus. Il a assumé la verticalité.

C'est l'arroseur arrosé. Emmanuel Macron voulait que les gens prennent leur vie en main, "traversent la rue". Eh bien les Gilets jaunes ont traversé la rue et se sont emparés du peu de pouvoir qu'ils avaient en leur possession.

Tout cela mijote depuis les années 90, depuis la crise de la représentation, du politique. Ce sont des crises qui sont là depuis longtemps que les gens au pouvoir n'ont jamais forcément voulu entendre. Alors aujourd'hui, naturellement, ça explose. Cette France ignorée, celle des ronds-points, à un moment donné, elle craque.

Lequel des deux mouvements finira par l'emporter selon vous ?

Le pouvoir en place est toujours un peu plus fort car il a la possibilité d'absorber le radical, les alternatives et les choses qui sont qualifiés de non conformes. C'est un peu comme lorsque Jack Lang a commencé à mettre les graffitis de rue dans les musées. Comment faire taire un mouvement alternatif qui ne veut pas du mainstream et du pouvoir ? Vous le formalisez et c'est terminé.

Le tout est de savoir si les Gilets jaunes sont capables d'être absorbés par le système. Si c'est le cas, le pouvoir aura gagné. Est-ce que la radicalité va augmenter ? Cela dépendra de la finesse politique d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe. Pour le moment, ils sont à côté de la plaque.

Ce mouvement est à 100% la faute du gouvernement en place et de ses décisions. D'ailleurs, il n'aurait même pas dû exister. Ou alors 24 ou 48h tout au plus. Le problème, c'est que le gouvernement actuel n'a pas de culture politique, de la citoyenneté, du vivre ensemble et n'a pas d'expérience du terrain. Des politiques en place expérimentés et responsables n'auraient jamais supporté de faire durer cette crise et encore moins de l'alimenter.

Leur stratégie ressemble à une forme de Macron ou le chaos. Il se pose en seul et unique sauveur et je ne saurai pas dire s'il fait cela par inexpérience ou pas cynisme.

Les Gilets jaunes de leur côté ont aussi un grand pouvoir. Un pouvoir de nuisance au quotidien. Des violences, des empêchements, des villes bloquées…

Ils ont une capacité à mobiliser qui est très importante et savent manier la communication. Et tant qu'ils seront regardés avec mépris, ça ne s'arrangera pas.

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