Qui sont les alliés de la France à Bruxelles ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La France cherche de nouveaux alliés à Bruxelles.
La France cherche de nouveaux alliés à Bruxelles.
©Reuters

Alliances européennes

Au PS, certains aimeraient voir la France et l'Italie marcher main dans la main pour réclamer plus de souplesse à Bruxelles. Mais selon Yves Bertoncini, directeur du Think tank Notre Europe-Institut Jacques Delors, le chef du gouvernement Italien, Matteo Renzi, n'est pas prêt à s'allier à la France dans un combat contre les partisans de l'austérité en Europe.

Atlantico : Pourquoi ce désamour de la part du nouveau chef du gouvernent italien, contrairement à ses prédécesseurs Mario Monti et le très francophile Enrico Letta ?

Marie Herbet : Je me demande sur quoi l'on s'appuie pour tirer les conclusions d'un désamour de la part de l'Italie envers la France. La France et l’Italie sont des alliés historiques, très proches culturellement. Ce sont deux pays qui rencontrent des difficultés économiques assez comparables. La rencontre entre Matteo Renzi et François Hollande qui s'est tenue le 15 mars dernier, montre que la France a été le premier pays choisi par le nouveau Président du conseil pour son premier déplacement en Europe. Ceci constitue un symbole. La rencontre ne s'est d'ailleurs pas mal passée. Les déclarations publiques montrent que François Hollande et Matteo Renzi vont dans le même sens, notamment dans les réorientations de l’Europe. Ils mettent tous les deux l'accent sur le chômage des jeunes. Ils ont beaucoup d’affinités. Matteo Renzi a d'ailleurs fait une proposition originale à François Hollande puisqu'il lui a proposé de rédiger le programme de stabilité à quatre mains. Ce programme de stabilité sera, pour la France, publié mi-avril et il définira la trajectoire des finances publiques françaises dans un cadre pluri-annuel. C'est un document assez important que la Commission européenne va examiner de près. Cette proposition d'établir un document franco-italien peut surprendre car le cadre européen n'a pas été conçu pour cela. Elle est cependant intéressante même si elle ne sera évidemment pas suivie des faits car Bercy va préparer ce document de son côté, la France ne souhaitant pas être potentiellement amalgamée à l'Italie. C'est en tout cas une marque de confiance forte de la part de Rome. Je ne vois donc pas en quoi l’Italie s'éloigne de la France ou pourquoi Matteo Renzi préférerait se rapprocher de l'Allemagne car il n'aurait pas confiance en la capacité de François Hollande à réformer son pays. Pour moi les voyants politiques entre la France et l’Italie sont plutôt au vert.

Avec 2,6 % du PIB en 2013, l'Italie maîtrise mieux son déficit que la France. « L'Italie est encore dans le préventif quand la France est dans le correctif », affirme Simon O'Connor, porte-parole du commissaire européen aux Affaires économiques et monétaires. La France est-elle maintenant officiellement le vilain petit canard de l'Europe, juste après la Grèce ?

Tout dépend des critères d'analyses que l'on retient. Même si cela semble insuffisant pour la Commission, la France a réduit son déficit de façon spectaculaire depuis 2010. Ce qui peut cependant introduire un élément de doute ou de contraste, c'est que parmi les autres pays de la zone euro, ceux qui ont un déficit supérieur à 3% du PIB sont les pays qui vont mal, tels que l'Espagne, le Portugal ou encore la Slovénie. Du coup, ce n'est pas très valorisant pour la France de se retrouver dans ce groupe là. Et ce, d'autant plus que l’Espagne et le Portugal réussissent à tenir leurs objectifs de réductions voire pour le Portugal, à les devancer. Les Pays-Bas, dont le déficit était supérieur à 3% du PIB, permettaient à Paris de se défendre en évoquant le fait que même un pays du nord avait du mal à tenir ses objectifs tellement la consolidation budgétaire en Europe se fait dans un calendrier qui n'est pas adapté. L'argument tombe aujourd’hui car le gouvernement néerlandais est parvenu à repasser sous la barre des 3% (2.5% du PIB en 2013). On se rend donc compte de l'isolement relatif de la France sur ce thème.

Par contre, si l'on prend le critère de la dette, l'Italie se retrouve dans une situation plus compliquée que la France. Il est donc difficile de dire si la France est le vilain petit canard de l’Europe ou non. L’Italie et la France ont des situations contrastées. Matteo Renzi bénéficie aujourd’hui du chemin parcouru par Mario Monti, du coup le déficit est à 2.6 %, ce qui donne au pays de meilleures marges de manœuvre pour investir. Mais la dette italienne est inquiétante puisqu'elle atteint 133% du PIB.

Quels alliés nous restent-ils à Bruxelles ? L'Espagne ? Le Portugal ? L'Irlande ?

L'Irlande pas vraiment, car la culture économique du pays n'est pas la même qu'en France. Sur les questions d'harmonisation fiscales, sujets que la France essaye de mettre au cœur du débat, Dublin n'est pas du tout un allié privilégié sur le sujet. Pour ce qui est de l'Espagne et du Portugal, c'est compliqué car ce sont des pays gouvernés par des partis politiques conservateurs. Cela ne veut cependant pas dire que la France ne peut pas travailler avec ces pays-là, Globalement, même si les gouvernements français et espagnol sont tenus par des partis opposés il n'y a pas de divergences fortes sur les sujets de la gouvernance économique de la zone euro et sur le fait qu'il soit nécessaire de relancer l'investissement. La demande intérieure espagnole s'est effondrée, donc si François Hollande demande la réorientation de la zone euro vers une politique d’investissement plus dynamique, l’Espagne ne devrait pas s'y opposer. Alors oui, on peut considérer que l'Espagne peut rejoindre les positions de François Hollande si ce dernier les porte vraiment.

Mais il ne faut pas oublier l'Allemagne. Elle restera toujours un allié pour nous. Arnaud Montebourg et Michel Sapin rencontraient encore leurs homologues respectifs à Berlin il y a peu. Même si les deux pays ont une analyse économique différente de la crise, ils sont tenus de coopérer. On peut s'attendre à ce que ce couple continue à fonctionner, en trouvant les compromis nécessaires.

L’Italie prendra également la Présidence de l'Europe en juillet. François Hollande a donc tout intérêt à s'appuyer sur son partenaire italien, notamment sur le chômage des jeunes. L’Italie veut porter ces thèmes.

Enfin, en Europe on ne peut pas être isolé. La France a donc besoin de faire un travail sur le plan intérieur pour regagner en crédibilité sur le plan européen.

Les prochaines élections européennes pourraient déboucher sur une Commission au profil plus social-démocrate. Cette nouvelle donne pourrait-elle favoriser François Hollande ?

On ne peut pas s'attendre à une déferlante rose sociale-démocrate en Europe. Au Parlement européen les derniers sondages montrent que l'on s'oriente vers une coalition trans-partisane PPE-S&D .On peut s'attendre à une percée des eurosceptiques sans que cela ne remette en cause la stabilité du Parlement Européen et sa capacité à dégager des compromis. Sur la composition de la Commission, on a fait à cette dernière un procès sans doute justifié, d'avoir été dans un excès libéral, mais aussi d'avoir été peu empathique à l'égard des peuples en difficulté des pays de l’Europe du sud notamment. Cela va ainsi orienter à la fois le choix des personnalités, et les priorités retenues dans les portes-feuilles de la future Commission. François Hollande pourra s'appuyer là dessus pour trouver de nouveaux outils et de nouveaux appuis pour imprimer sa politique qui parait cependant aujourd'hui, assez elliptique. Il trouvera peut-être une caisse de résonance dans la Commission pour une politique d'investissement un peu plus affirmée, un rééquilibrage des politiques économiques qui relèvent du grand marché et des politiques plus sociales. Encore faut-il qu'il clarifie ses positions au niveau européen.

On ne peut cependant pas s'attendre en Europe à un virage à gauche mais plutôt à une tendance moins libérale.

François Hollande a-t-il les moyens aujourd'hui de porter plus fort la voix de la France en Europe ?

François Hollande doit d'abord montrer qu'il est capable de réformer son pays. Durant ces deux premières années de mandat, il a réformé de manière trop hésitante et sporadique. Ainsi, même si des avancées ont été concédées, notamment sur le marché du travail avec l'accord national interprofessionnel, ces avancées-là sont escamotées par des phases de doutes, ou des annonces qui ne sont pas suivies de mesures concrètes. Matteo Renzi a lui eu une communication politique très claire et très limpide. La situation en Italie est tellement instable qu'il faut agir obligatoirement. Du coup, la crédibilité que Matteo Renzi a acquise en quelques semaines, François Hollande n'a pas réussi à la construire en deux ans. Il y a donc un travail à produire pour peser au niveau européen. Il faut que François Hollande soit plus cohérent, plus constant, qu'il travaille sur sa réforme au niveau intérieur et qu'il donne un contenu à la gouvernance économique de la zone euro.

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