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Quelques réflexions sur les accusations dont fait l’objet François Fillon
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

La balle au bond

L'affaire Pénélope Fillon est vécue par la droite comme un lynchage médiatique injuste, mais aussi comme le révélateur de son état de santé précaire. S'ensuit la nécessité pour ceux qui la pensent et la font de se remettre au travail pour redonner de la hauteur au débat.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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La tournure que prend le débat autour des supposées "affaires" qui concernent François Fillon est inquiétante. Alors que la France a besoin d’une alternance franche, alors que les Primaires de la droite et du centre ont été un succès et désigné un vainqueur incontestable, alors que la Gauche de gouvernement vient de désigner un candidat au programme économique si archaïque que sa mise en œuvre signifierait à l’évidence une rupture définitive avec l’Allemagne et porterait un coup décisif à la construction européenne, voici que le débat politique s’enkyste au niveau du vaudeville. Et François Fillon, de vainqueur de la Primaire, est quasiment relégué au statut de bandit de grand chemin…

Suite à l’affaire Cahuzac, à coté duquel les faits reprochés à Monsieur Fillon feraient presque sourire, nous nous étions penchés sur la question des comportements des hommes et des femmes politiques, et avions proposé un Code éthique de la vie politique et des responsables publics en France. Soucieux de mener la bataille des idées au centre et à droite, nous avons délibérément choisi de ne soutenir aucun candidat à la Primaire. Pour ces deux raisons, qu’il nous soit permis, en toute liberté, de formuler quelques observations. 

Disons-le tout net : les faits et les comportements reprochés à François Fillon relèvent de mœurs politiques que les Français, à juste titre, ne peuvent plus supporter. Toutefois, clouer François Fillon au pilori pour ces faits, à un moment où le sort de notre pays et de l’Europe se joue, nous en sommes convaincus, très largement avec la prochaine élection présidentielle, reviendrait à esquiver les questions de fond que pose cette affaire. En voici quelques-unes.

Premièrement les comportements de la classe politique française, dans son ensemble, ne sont pas à la hauteur. C’est bien sûr le cas des partis de gouvernement, gauche et droite, dont les français estiment à juste titre que leurs membres sont trop nombreux à "se servir" plutôt qu’à servir le pays. Mais c’est aussi, ne l’oublions pas, le cas des partis "anti-systèmes", à commencer par le Front National, qui lui aussi mélange allègrement les genres. La France, c’est une évidence, a considérablement à apprendre des démocraties anglo-saxonnes en la matière. Le paradoxe est cruel pour François Fillon qui a refusé malgré les innombrables pressions de renouveler et reconduire les prébendes et privilèges de certains de ses alliés en ne revenant pas sur la loi sur le cumul des mandats, en refusant de céder au chantage d’une ex-Garde des Sceaux lors des dernières investitures pour les législatives des Républicains (ce qui lui coûtera peut être cher in fine) et en affirmant depuis le début de sa campagne qu’il allait refondre l’intégralité de notre système politique et démocratique.

Deuxièmement, le rôle des médias. Dire qu’il est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie est un truisme. L’article 11 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen a dit l’essentiel à ce sujet. Pourtant, force est de constater que si les démocraties sont malades, c’est aussi de leurs médias. Au cas d’espèce, en lieu et place d’analyses mesurées sur un sujet qui en exige tant, une trop grande partie de la presse se déchaîne et convoque le citoyen au feuilleton haletant de la chute programmée d’un futur ex-Président de la République. S’étonnera-t-on, ensuite, que les français rejettent d’un même puissant mouvement leurs médias et leur classe politique ? Croit-on réellement qu’au jeu du "tous pourri", sans prendre le temps de l’analyse, de la mesure, l’on fasse autre chose que préparer des lendemains qui déchanteront ? Il est heureux et nécessaire que la presse agisse comme un contre pouvoir. En tant que contre pouvoir, son éthique et son honneur est de faire bon usage de la force qui est sienne. Qu’elle l’utilise un peu plus pour faire le bilan réel de Monsieur Macron ou lui demander enfin de dissiper le brouillard épais qui entoure son programme, fait pour ne fâcher personne. Qu’elle interroge un peu plus le parti socialiste sur la contradiction fondamentale et insurmontable qui est la sienne quand il prétend faire l’Europe…sans l’Allemagne et ses règles budgétaires. Et oui, trois fois oui, qu’elle question sans relâche la volonté affichée par François Fillon de faire cette rupture dont la France, croyons-nous, à tant besoin.

Troisièmement le rapport à la loi. Il est essentiel. Dans la République Romaine, Mère de nos systèmes juridiques et politiques autant que la démocratie grecque, dura lex sed lex, autrement dit "la loi est dure, mais elle est la loi". Lointain écho, Montesquieu pouvait écrire dans l’Esprit des Lois : "les mœurs font de meilleurs citoyens que les lois" 

C’est dire combien la question du rapport à la loi est fondamentale. A ce titre, il n’est pas inutile de regarder les faits : jusqu’à preuve du contraire, les pratiques reprochées à François Fillon sont parfaitement légales. Dans cette affaire, on confond, non sans arrière-pensées, allègrement la légalité et la légitimité, voire la légalité et la morale. De telles confusions, nous le savons d’expérience, sont dangereuses. La loi, comme le rappelle Rousseau, est le fondement de l’égalité des citoyens, la règle commune qui fait Nation. Laisser la morale prendre le pas sur la loi, c’est mettre le doigt dans un engrenage. Pour nous, la solution à la crise politique que traverse notre pays n’est pas dans les tribunaux médiatiques et les prêches des nouveaux Savonaroles. Il est dans des lois beaucoup plus sévères, appliquées dans toute leur rigueur. Ni plus, ni moins.

Quatrièmement, car hélas il faut bien y revenir, la politique politicienne. Qu’il en soit pour partie responsable ou non, il est un fait qui ne fait pas de doute : une partie importante du propre camp de François Fillon n’a pas accepté sa victoire. Est-ce à dire que toute cette affaire est cousue du fil blanc des règlements de compte dont la vie politique est coutumière ? Peut être pas, même si certaines coïncidences sont troublantes. La France mérite pourtant mieux que cela. Après les déchirures de 1995, l’incapacité de Jacques Chirac à mener une politique de droite après 2002, les déceptions de la présidence Sarkozy, la France, plus que jamais, à besoin que soit mise en œuvre la politique de droite que nous appelons de nos vœux depuis plusieurs années : remise au centre du jeu du régalien (défense, respect de la loi, contrôle des migrations), modernisation drastique de notre économie (réduction des dépenses publiques et de l’Etat Providence), réaffirmation sans honte des valeurs de notre pays, retour à une politique étrangère définie autour de nos intérêts (restauration du rôle de la France en Europe). C’est précisément ce que propose François Fillon. S’interroger sur la façon dont il mettrait en œuvre cet ambitieux programme est sans doute plus urgent que de construire autour de lui un roman photo…

En fin de compte, on ne peut que souhaiter que le débat politique reprenne enfin la hauteur nécessaire. Car les questions qui se poseront en mai aux français sont d’une importance autre que cet interminable vaudeville qui finit par lasser les français. La France a-t-elle besoin oui on non d’une rupture franche ? La France, après un quinquennat désastreux dont Emmanuel Macron a été l’une des chevilles ouvrières, va-t-elle continuer dans les recettes de 1983, mâtinées d’un peu d’internet et de bon sentiments ? La France, mère de l’Europe, va-t-elle oui ou non prendre le risque de détruire la construction européenne en se lançant dans l’aventure d’une extrême droite qui se sait elle-même incapable de gouverner ? La Ve République va-t-elle à son krach final, si, comme il est probable en cas d’élection de Marine le Pen ou d’Emmanuel Macron, le Président de la République n’a pas de majorité parlementaire ? 

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