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Quelle égalité des chances à l’école lorsque l’on ne peut pas lire au tableau ?
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Problème de vision

En France, un enfant sur cinq présente une anomalie visuelle. Les ravages de ces déficiences, si elles ne sont pas dépistées à temps, sont une source insoupçonnée d'inégalités en milieu scolaire car 80% des apprentissages passent par la vue.

Dominique Bremond-Gignac

Dominique Bremond-Gignac

Dominique Bremond-Gignac est cheffe de service d’Ophtalmologie de l’Hôpital Universitaire Necker Enfants malades à Paris.

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Chantal  Piani

Chantal Piani

Chantal Piani est Présidente d’Helen Keller Europe. 

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Antoine Labbé

Antoine Labbé

Le Pr Antoine Labbé est  Ophtalmologiste, Chef du service de Chirurgie Ambulatoire de l’Hôpital des Quinze-Vingts, Responsable du Centre du Glaucome de l’APHP, Hôpital Ambroise-Paré et membre du Conseil d’Administration d’Helen Keller Europe  

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Alors que la COVID-19 occupe la sphère médiatique depuis plus d’un an, il convient de ne pas endormir notre vigilance à l’égard de la santé visuelle de nos enfants, d’autant plus dans un contexte de diagnostics tardifs. 

Forte de cent années de recherches et d’expériences autour de la cécité évitable aux quatre coins du monde, l’association humanitaire Helen Keller Europe conduit depuis 3 ans un travail de dépistage, de diagnostic et de remédiation auprès de plus de 2 500 enfants scolarisés dans les réseaux prioritaires de la ville de Nanterre. Un programme qui a révélé l’ampleur du problème : sur l’année scolaire 2019-2020, les troubles visuels non détectés concernaient 38 % des élèves, un taux qui s’élevait jusqu’à 43 % en réseau REP+ de la Ville.

Les actions de dépistage et de remédiation menées dans les écoles ont porté des résultats positifs immédiats, constatés par les enseignants : plus de concentration, une meilleure facilité de lecture, plus de confiance en soi de la part de tous les enfants et un climat scolaire apaisé.

Empêcher l’impact irréversible des troubles visuels non détectés à temps

Des scientifiques ont confronté cette expérience à l’état des connaissances en matière d’ophtalmologie pédiatrique. Pour eux, la déficience du dépistage et de la remédiation touche davantage les enfants défavorisés mais aussi l’ensemble des élèves de France avec souvent un impact irréversible sur la qualité visuelle de l’enfant et donc sur sa capacité à apprendre et sa qualité de vie.

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Comment l’expliquer ? Experts et praticiens s’accordent sur la multiplicité et l’enchevêtrement des causes : le nombre insuffisant d’ophtalmologistes pédiatriques, la lenteur et la complexité du parcours de soins, le coût des lunettes et également, le manque d’effectifs de la médecine scolaire, désormais insuffisamment outillée pour dépister les problèmes visuels. L’expérimentation conduite à Nanterre par l’équipe et les partenaires de Helen Keller Europe a permis d’étayer ce constat. Mais aussi, d’explorer des pistes de solutions qu’il nous semble essentiel de partager avec tous les acteurs concernés.

Qu’avons-nous appris ?

  1. Les familles sont prêtes à se mobiliser. Sensibilisées par des associations locales, elles s’impliquent dans le dépistage et, le cas échéant, le parcours de soins. A condition d’être accompagnées pas à pas.
  2. La communauté éducative est très sensible à la question : via le dépistage, les enseignants comprennent mieux la source de certains comportements de fuite ou d’indifférence. Associés au projet, directeurs d’établissements et enseignants en deviennent acteurs !
  3. Les autorités municipales sont conscientes de la nécessité d’une action souvent entravée par des moyens limités.
  4. Les médecins et infirmiers scolaires aimeraient avoir plus de temps et les ressources nécessaires pour prioriser la question des troubles visuels.
  5. Le parcours de soins est un travail d’équipe : il mobilise des orthoptistes pour le dépistage, des ophtalmologistes pour le diagnostic et le traitement, des opticiens pour équiper les enfants et des acteurs sociaux accompagnant des familles souvent démunies face aux démarches à entreprendre.
  6. Les résultats d’un programme volontariste sont essentiels, immédiats et spectaculaires. Les enseignants témoignent : les enfants porteurs de lunettes peuvent enfin apprendre, ne sont plus stigmatisés mais intégrés dans la classe et le climat est amélioré. Tous les enfants lisent au tableau ! Ils sont plus attentifs et plus heureux.

La mobilisation des pouvoirs publics 

Ces observations et ces résultats devront être étayés, enrichis, par de nouvelles recherches et de nouvelles expériences. Mais celles-ci ne pourront être conduites sans la mobilisation de tous les acteurs concernés. Jusqu’à présent, l’expérimentation menée à Nanterre, sans reste à charge pour les familles, s’est appuyée sur la contribution volontaire d’acteurs publics, de professionnels de la santé et d’opticiens locaux. Elle a largement été financée par le mécénat privé.  Cette intervention est essentielle mais ne peut se substituer à une action publique volontariste et concertée.

Appuyons-nous sur l’exemple de Nanterre pour développer, en Ile de France et dans d’autres régions de France, des expériences qui inspireront une politique globale et ambitieuse, sous la conduite des Ministères de l’Éducation nationale et des Solidarités, et de la Santé. Nous le devons à nos enfants, à leurs familles et à l’avenir.

Chantal Piani, Présidente d’Helen Keller Europe

le Pr Dominique Brémond-Gignac, Professeur des Universités, Chef du service d’Ophtalmologie de l’Hôpital Necker-Enfants Malades, APHP, Présidente de l’Association le C.A.D.E.T et membre du Conseil d’Administration d’Helen Keller Europe

le Pr Antoine Labbé, Professeur des Universités, Ophtalmologiste, Chef du service de Chirurgie Ambulatoire de l’Hôpital des Quinze-Vingts, Responsable du Centre du Glaucome de l’APHP, Hôpital Ambroise-Paré et membre du Conseil d’Administration d’Helen Keller Europe

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