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Quand Marine Le Pen lisse et "macronise" son propos
©PATRICK KOVARIK / AFP

Changement de ton

Marine le Pen était l'invitée de l'Emission Politique sur France 2 hier soir. C'était pour elle, l'occasion de réaffirmer ses engagements notamment sur la sortie de l'euro, cinq mois après son débat raté d'entre-deux tours de présidentielle face à Emmanuel Macron.

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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Adoucir le ton, arrondir les angles, lisser l'image. Tout au long de "L'Émission politique" de France 2, hier, Marine Le Pen a bien veillé à corriger l'impression d'agressivité extrême qu'elle avait laissée lors du fameux débat télévisé de l'entre-deux-tours de la présidentielle. Sur la forme, et le choix des mots, cela en devenait presque caricatural... Le hashtag sur le harcèlement des femmes, #balancetonporc ? Elle juge "la phrase brutale et injurieuse". La refondation du FN, parti dont on sait, depuis 40 ans, qu'il ne souffre pas l'idée d'un début de courant en interne, la culture de l'autocratie étant de tradition dans le mouvement lepéniste ? Elle souhaite désormais "un fonctionnement moins vertical, plus horizontal dans le mouvement". On pouvait même tomber de sa chaise, ou en rire carrément, quand le langage de Marine Le Pen, consciemment ou non, en vient à emprunter à la sémantique macronienne : évoquant son parti, elle souligne qu'il s'agit "de terminer notre transformation en parti de gouvernement". Ah, la "transformation", la réforme Macron à tous les étages a même envahi le propos télévisé de la Présidente du FN !

L'intention "mariniste" est, en tout cas, de tenter de ne plus donner trop prise à ceux qui la rangent, classiquement, dans la catégorie d'extrême droite. Lisser l'image, vous dit-on. Les membres d'un groupuscule d'extrême droite violent, dont un membre a été assesseur du FN, viennent d'être arrêtés ? L'un d'entre eux appréciait beaucoup la petite nièce Marion Maréchal Le Pen ? Elle jubile en relevant qu'elle écarte toute "vision outrancière ou caricaturale", "on ne peut me faire le procès de complaisance" avec ceux qui traduisent leur extrémisme idéologique en actes violents. Elle insiste, enfonce le clou, comme pour se distinguer de la nièce potentielle rivale: la violence contre les politiques et les mosquées, précise-t-elle encore, est "inadmissible", "elle doit être condamner lourdement".

La sortie de l'Euro ne doit plus être un marqueur

L'effort de "modération" du propos lepéniste, sur le fond, aboutit aussi à reporter aux calendes grecques l'hypothèse de la sortie de l'Euro. "La peur des Français", dans ce cas (contrairement au cas des attentats), est invoqué pour ne pas appliquer le programme FN de la présidentielle. Le sujet de l'Euro ne doit plus être un marqueur central de la politique économique du parti, la démission de Florian Philippot se voit ainsi justifiée. Pour elle, une seule priorité s'impose désormais, "la souveraineté territoriale", "rétablir nos frontières" hexagonales. La "souveraineté monétaire",elle, bien après, on ne sait pas vraiment quand, ni pourquoi, viendrait éventuellement "clôturer" le processus. Léa Salamé relance, ne comprenant pas bien si la "sortie de l'Euro" est toujours, à terme, inscrite au programme du FN ?  "Nous allons voir", lâche simplement Marine Le Pen, comme tombée, sémantiquement parlant, dans une macronite aïgue : sa position, commente-t-elle, est "pragmatique, pas idéologique" !

La transformation, le pragmatisme... même si sur les sujets économiques et fiscaux, elle ressort les vieilles ficelles et des formules qui sentent le slogan de meeting - elle oppose curieusement à Gérald Darmanin et à la suppression de la taxe d'habitation, la thèse néo-maurrassienne de "la fiscalité du déracinement" - on a surtout vu sur France 2 une Marine Le Pen préoccupée à dire, comme sur le sujet des vaccins, qu'il faut "expliquer" tranquillement ses positions, et "prendre le temps". A propos de son parcours politique, oui, elle le surligne, "c'est long, vous savez, le combat politique". Sur les dossiers économiques et sociaux, on la voit toujours bien concurrencer le positionnement de Jean-Luc Mélenchon, comme lui, elle aimerait statufier l'actuel chef de l'Etat comme le "Président des très riches".

Des aberrations et des approximations resurgissent

Elle sort quelques aberrations -non relevées - opposant par exemple au projet macronien du dédoublement des classes dans les zones d'éducation prioritaires, son souhait de faire "le même effort dans la ruralité", précisément là où le problème des effectifs dans les classes est inverse, puisque les écoles en milieu rural manquent d'élèves.

On voit donc que les approximations qui ont fait sa faiblesse, les schémas théoriques plaqués, resurgissent derrière la parole lissée. Du coup, si elle semble convaincre par sa modération de forme environ 40% des téléspectateurs d'un soir, ils ne sont qu'environ 30% à la juger "crédible". On sent qu'il lui faudra beaucoup de temps, celui d'une très hypothétique "transformation" personnelle et politique, pour acquérir un statut de crédibilité qui lui permettrait d'aborder la prochaine présidentielle dans de meilleures conditions. On peut se demander aussi si "devenir un parti de gouvernement" sera ce qui enthousiasmera au sein du parti lepéniste où on est tiraillé entre la volonté d'acquérir le pouvoir national et le plaisir de l'outrance protestataire et des dérapages de Papa.

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