Quand la simplification administrative oublie totalement l’héritage kafkaïen de Cécile Duflot sur l’immobilier<!-- --> | Atlantico.fr
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La loi Alur de Cécile Duflot alourdit les démarches administratives.
La loi Alur de Cécile Duflot alourdit les démarches administratives.
©Reuters

Schizophrènes

Si la loi Alur avait pour objectif d'améliorer la protection des acquéreurs de biens immobiliers, l'alourdissement des démarches administratives, lui, en devient kafkaïen. A tel point que le risque juridique pour les vendeurs et les acheteurs est difficilement maîtrisable, et la protection des parties, de facto, caduque.

Frédéric Labour

Frédéric Labour

Frédéric Labour est notaire associé et spécialisé sur les questions de droit immobilier et de droit de la famille, de gestion de patrimoine, et de droit international privé

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Atlantico : La loi Alur pour l'Accès au logement et un urbanisme rénové, appliquée depuis la fin mars est censée faire partie du choc de simplification administrative du Président Hollande. Qu'en est-il réellement ? En quoi a-t-elle complexifié les procédures ?

Frédéric Labour : On ne doit pas avoir la même définition du mot simplification. Un exemple très simple : vous êtes vendeur et vous venez me voir pour signer une promesse de vente de votre appartement. Vous et votre acquéreur souhaitez donc conclure au plus vite. Et là, je dois vous arrêter tout de suite, on signera une promesse de vente peut-être fin août, voire septembre ! Pourquoi ? La loi Alur m'impose dès la promesse de vente, sous peine de ne pas purger valablement le délai de rétractation de votre acquéreur, de réunir, en plus des diagnostics habituels, un questionnaire pré-état daté à envoyer au syndic de manière à savoir quels sont les éléments financiers sur la copropriété (montant des charges, montant des fonds de roulement, impayés dans la copropriété, etc.). Le syndic mettra un certain temps à le renvoyer (je vous passe le cas où il n'y a plus de syndic, mais un administrateur judiciaire). Une fois que j'ai le pré-état daté, il me faut le carnet d'entretien, que le syndic n'a pas forcément, ainsi que les trois PV d'AG. Je dois également récupérer tous les modificatifs qui sont intervenus dans la copropriété (révision des charges de l'immeuble par exemple). Pour être sûr d'avoir tous ces documents, je demande un état hypothécaire, délai : 15 jours. A la lecture de cet état hypothécaire j'aurai la liste de la liste intégrale et exhaustive de tous les modificatifs du règlement de copropriété. On est donc à plus d'un mois… On ne risque pas de signer avant septembre, avec le risque que l'acquéreur se retire et trouve autre chose. Je m'occupe actuellement d'une grande propriété à Grigny, j'ai 43 modificatifs… Coût : 40 euros par document.

Mon métier n'est pas devenu compliqué, il est devenu lent. Le plus grave c'est que ça induit des coûts faramineux aux vendeurs, ça induit une perte de temps délirant pour la signature de la promesse, et surtout ça fait peser une insécurité juridique dramatique. Imaginons que je rate un modificatif, si l'acquéreur démontre que je ne lui ai pas donné,  son délai n'a pas couru, 5 ans après la vente, il peut se rétracter à tout moment et annuler la vente.

Comporte-t-elle des mesures inapplicables ?

Elle est complétement inapplicable en pratique, parce que pas du tout pensée par des praticiens, ce n'est pas faute d'avoir tapé à la porte du ministère pourtant. Sur tout le coût des modificatifs et des règlements de copropriété, on a quand même réussit à leur faire comprendre une chose. Au départ ils avaient écrit dans le texte de loi que tout devait être annexé à la promesse de vente et à la vente, c’est-à-dire reproduit et joint à mon acte de vente. Ce qui veut dire que si j'ai un règlement de copropriété de 50 pages, je dois faire 50 photocopies, et mon acte va faire 5 cm de haut. Ça n'a pas de sens donc ça a bien été supprimé. Mais tout le reste est inapplicable en pratique, c'est extrêmement lourd et compliqué, ça n'apporte rien aux acquéreurs

Quelles sont les conséquences pour les acquéreurs ? Et pour les notaires ?

Pour les notaires ce n'est pas grave, si ce n'est qu'en ce moment nos chiffres d'affaires ne sont pas très bons. Pour les vendeurs et les acquéreurs c'est surtout des problèmes de retard, d'incertitudes, d'insécurité, de coûts. Il faut donc s'adapter et dépenser du temps, de l'énergie et de l'argent pour des procédures qui ne servent à rien.

Quelles mesures pourraient permettre une vraie simplification des procédures ?

C'est très simple, il faut retirer entièrement la loi Alur. Ce n'est pas la peine de faire du bricolage et en enlever la moitié. D'ailleurs, une bonne moitié n'est pas encore applicable parce qu'on attend les décrets d'application. Pour l'instant on nous fait comprendre qu'ils ne sortiront jamais… Il faut arrêter de faire des lois, dont les auteurs eux-mêmes nous disent que c'est inapplicable. On nous explique qu'il faut gagner en productivité et on nous chausse avec des chaussures en plomb. Sans parler des problèmes de locateurs, les propriétaires ne veulent même plus mettre en location. Il faut absolument revenir à la situation d'avant et abroger cette loi Alur.

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