PtoVc39X : non, contrairement à ce que vous pensez, ça n’est pas un mot de passe optimal et voilà pourquoi <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
High-tech
PtoVc39X : non, contrairement à ce que vous pensez, ça n’est pas un mot de passe optimal et voilà pourquoi
©

Pour vivre heureux, vivons codés

Vous avez des difficultés à trouver de bons et solides mots de passe ? Suivez le guide !

Denis Jacopini

Denis Jacopini

Denis Jacopini est expert de justice en informatique spécialisé en cybercriminalité et en RGPD (Protection des Données à Caractère Personnel).

Il réalise des audits RGPD et des mises en conformité RGPD et sous forme de conférences de formations ou d’interventions, dans la France Entière et à l’étranger sur les sujets de la Cybercriminalité et du RGPD, il sensibilise et accompagne les entreprises en vue d’améliorer ou de mettre en conformité de leur système d’information.

Diplômé en droit de l’expertise judiciaire, en cybercriminalité droit et sécurité de l’information, en investigation numérique pénale et certifié en gestion des risques sur les systèmes d’information, par son profil atypique pédago-technico-juridique, il est régulièrement contacté par des médias tels que C8, LCI, NRJ12, D8, France 2, Le Monde Informatique, Europe 1, Sud Radio, Atlantico pour vulgariser ces sujets et est également intervenu au Conseil de l’Europe à l’occasion de la conférence annuelle sur la lutte contre la cybercriminalité « Octopus ».

Auteur du livre « CYBERARNAQUES » (Plon 2018), diplômé en Cybercriminalité, Droit, Sécurité de l’information, informatique Légale, en Droit de l’Expertise Judiciaire et Certifié en Gestion des Risque sur les Systèmes d’Information (ISO 27005 Risk Manager), avant de devenir indépendant, il a été pendant une vingtaine d'année à la tête d'une société spécialisée en sécurité Informatique.

Denis JACOPINI peut être contacté sur :

http://www.leNetExpert.fr/contact

Voir la bio »

Atlantico : Selon de nombreuses études menées par des chercheurs de l'Université américaine Carnegie-Mellon, un long mot de passe facile à retenir tel que "ilfaitbeaudanstoutelafrancesaufdanslebassinparisien" serait plus difficile à pirater qu'un mot de passe relativement court mais composé de glyphes de toutes sortes, tel que "p8)J#&=89pE", très difficiles à mémoriser. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?

Denis Jacopini : La plupart des mots de passe sont piratés par une technique qu'on appelle "la force brute". En d'autres termes, les hackers vont utiliser toutes les combinaisons possibles des caractères qui composent le mot de passe. Donc, logiquement, plus le mot de passe choisi va avoir de caractères (majuscule, minuscule, chiffre, symbole), plus il va être long à trouver. Pour donner un ordre d'idée, les pirates du Web mettent quelques heures à quelques jours pour trouver un mot de passe de huit caractères complexes via la technique de "la force brute", et mettraient... plusieurs millions d'années pour décoder un mot de passe complexe de 12 caractères.  

Un long mot de passe est donc plus difficile à pirater qu'un mot de passe court, à une condition cependant : que la phrase choisie comme mot de passe ne soit pas une phrase connue de tous, qui sort dès qu'on en tape les premiers mots dans la barre de recherche de Google. Les pirates du Net ont en effet des bases de données où ils compilent toutes les phrases, expressions ou mots de passe les plus couramment utilisés, et essayent de hacker les données personnelles en les composant tous les uns derrière les autres. Par exemple, mieux vaut avoir un mot de passe court et complexe plutôt qu'une "phrase de passe" comme "Sur le pont d'Avignon, on y danse on y danse...".  

Il faut également bien veiller à ce que cette "phrase de passe" ne corresponde pas trop à nos habitudes de vie, car les pirates du Web les étudient aussi pour arriver à leur fin. Par exemple, si vous avez un chien qui s'appelle "Titi" et que vous habitez dans le 93, il y a beaucoup de chance que votre ou vos mots de passe emploient ces termes, avec des associations basiques du type : "jevaispromenermonchienTITIdansle93".

De plus, selon la Federal Trade Commission, changer son mot de passe régulièrement comme il est habituellement recommandé aurait pour effet de faciliter le piratage. Pourquoi ?

Changer fréquemment de mot de passe est en soi une très bonne recommandation, mais elle a un effet pervers : plus les internautes changent leurs mots de passe, plus ils doivent en inventer de nouveaux, ce qui finit par embrouiller leur mémoire. Dès lors, plus les internautes changent fréquemment de mots de passe, plus ils les simplifient, par peur de les oublier, ce qui, comme expliqué plus haut, facilite grandement le piratage informatique.

Plus généralement, quels seraient vos conseils pour se prémunir le plus efficacement du piratage informatique ?

Je conseille d'avoir une "phrase de passe" plutôt qu'un "mot de passe", qui ne soit pas connue de tous, et dont on peut aisément en changer la fin, pour ne pas avoir la même "phrase de passe" qui vérouille nos différents comptes.

Enfin et surtout, je conseille de ne pas se focaliser uniquement sur la conception du mot de passe ou de la "phrase de passe", parce que c'est très loin d'être suffisant pour se prémunir du piratage informatique. Ouvrir par erreur un mail contenant un malware peut donner accès à toutes vos données personnelles, sans avoir à pirater aucun mot de passe. Il faut donc rester vigilant sur les mails que l'on ouvre, réfléchir à qui on communique notre mot de passe professionnel si on travail sur un ordinateur partagé, bien vérrouiller son ordinateur, etc...

Est-il vraiment utile de changer un mot de passe très régulièrement, comme le demandent de nombreuses entreprises ou conditions d'utilisations de certains services en ligne ? Ne vaut-il pas mieux se concentrer sur un bon code, suffisamment long ?

Dans le guide "Recommandations de sécurité relatives aux mots de passe", l'ANSSI (Agence Nationale de la Sécurité des Système d'Information) conseille : 

"Les mots de passe doivent avoir une date de validité maximale. A partir de cette date l’utilisateur ne doit plus pouvoir s’authentifier sur le système si le mot de passe n’a pas été changé. Ceci permet de s’assurer qu’un mot de passe découvert par un utilisateur mal intentionné, ne sera pas utilisable

indéfiniment dans le temps."

En plus de conseiller de changer par un mot de passe complexe non lié à notre identité pour chaque service et chaque site Internet  le mot de passe par défaut ou initialement communiqué, la durée de renouvellement de mot de passe recommandée dans ce guide est de 90 jours.

La CNIL recommande quant à elle :

"Le responsable de traitement veille à imposer un renouvellement du mot de passe selon une périodicité pertinente et raisonnable, qui dépend notamment de la complexité imposée du mot de passe, des données traitées et des risques auxquels il est exposé."

Concrètement, tous les combien de temps devons-nous changer de mot de passe ?

En raison de la difficulté à retenir un nombre élevé de mots de passe complexes, il  été remarqué que si nous obligions les utilisateurs à changer de mot de passe plusieurs fois par an, ces derniers finissaient par employer des mots de passe plus faibles mais plus faciles à retenir. En effet, il a été constaté qu'imposer les utilisateurs de changer trop souvent de mot de passe complexe les amenait à choisir un mot de passe "proche" d'un choix précédent par exemple en incrémentant un chiffre en fin du mot de passe précédent (1, 2, 3, 4,...)

En attendant que les informaticiens imposent couramment aux utilisateurs l'identification à double facteur et des services de traçabilité pour l'ensemble des usages quotidiens et principalement ceux qui concernent des données dans le Cloud (messagerie électronique comprise), en patientant que soient répandues des mesures de sécurité améliorées rendant ainsi moins essentiel l'utilisation de mots de passe complexes et différents pour chaque service par l'usage de "tokens" sous forme de porteclés, cartes à puces, ou applications mobiles d'authentification, il me semble aujourd'hui prudent d'adapter la fréquence de renouvellement des mots de passe au contexte.

Ainsi, tout en vous conseillant de bien respecter l'utilisation de mots de passe complexes et différents pour chaque service et vous recommandant fortement que vos mots de passe "utilisateurs" ne soient connus de personne, pas même de votre informaticien parfois imprudent sans le savoir, je vous recommande de changer immédiatement de mot de passe lorsque :

- vous constatez quelque chose d'anormal associé à votre compte ;

- vous perdez ou lorsque vous est volé un appareil dans lequel ont été cochés l'enregistrement des mots de passe réseau ou dans les navigateurs ;

- le fournisseur de service vous avertit s'être fait pirater son système informatique (encore faut-il qu'il l'ait équipé de sondes de détection d'intrusion et de détecteurs de fuites de données).

Pour faciliter l'usage de mots de passe différents et complexes, vous pouvez utiliser un gestionnaire de mots de passe, sorte de coffre-fort numérique dans lequel sont enfermés et fortement sécurisés les différents mots de passe longs et complexes auto-générés que vous n'aurez plus besoin de connaître. KeePass 2.0  est l'un de ces coffres-forts de mots de passe qui a obtenu la CSPN (Certification de Sécurité de Premier Niveau) de la part de l'ANSSI.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !