Profits du CAC 40 en baisse, dividendes en hausse : pourquoi opposer rémunération des actionnaires et investissements n'a aucun sens économique <!-- --> | Atlantico.fr
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Les dividendes versés aux actionnaires suscitent souvent des polémiques.
Les dividendes versés aux actionnaires suscitent souvent des polémiques.
©REUTERS/Arnd Wiegmann

L'économie pour les nuls

Les dividendes versés aux actionnaires suscitent souvent des polémiques et des incompréhensions. Il arrive de croire - à tort - qu'ils pèsent sur la compétitivité des entreprises.

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue

Alexandre Delaigue est professeur d'économie à l'université de Lille. Il est le co-auteur avec Stéphane Ménia des livres Nos phobies économiques et Sexe, drogue... et économie : pas de sujet tabou pour les économistes (parus chez Pearson). Son site : econoclaste.net

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Atlantico : Dans un article intitulé "Les distributions de dividendes plombent l'investissement des entreprises", Christian Chavagneux (Alternatives Economiques) fait un parallèle entre la baisse des profits des entreprises du CAC40 en 2013 (-8%) et la hausse de la distribution de dividendes (+6%). Y a-t-il vraiment un lien entre les deux ? Les dividendes pèsent-ils réellement sur la compétitivité des entreprises ?

Alexandre Delaigue : Il est tentant de mettre en parallèle la baisse des investissements et la hausse des dividendes versés et d'y voir la causalité suivante : les entreprises versent "trop" de dividendes et il ne leur reste rien pour investir, elles privilégient donc le court terme (satisfaire les actionnaires) au détriment du long terme (investir pour devenir plus performantes).
Mais on peut voir d'autres explications à ces deux phénomènes. Premièrement, que les deux n'aient aucun lien, que ce ne soit qu'une coïncidence. Ou alors que la causalité soit inversée. Imaginez que les entreprises ne sachent pas dans quoi investir, faute d'opportunités profitables dans l'avenir; verser des dividendes devient alors une solution de second rang, quand on ne sait pas quoi faire d'autre.

Quelle est la nature économique exacte d'un dividende ? Est-ce réellement, comme on le décrit parfois, un "cadeau" fait aux actionnaires ? Quelle en est l'utilité économique ?

Le dividende versé est une forme de rémunération des capitaux propres. Quand une entreprise emprunte, elle paie des intérêts; quand elle fait appel aux actionnaires, ils ne vont pas lui confier de l'argent de manière définitive pour le plaisir. Ils devront être rémunérés, soit sous la forme de dividendes, soit sous la forme de plus-values. Après tout, si une entreprise conserve tous ses bénéfices dans son compte en banque, sa valeur boursière augmente d'autant : que l'on verse ou non des dividendes, les actionnaires s'enrichiront de la même façon. Ensuite, si la fiscalité des dividendes est plus avantageuse que celle des plus-values, ils préfèreront ces derniers, mais cela n'a aucun rapport avec la réalité économique, c'est simplement de l'optimisation fiscale.

Toujours selon l'article, les dividendes captent aujourd'hui 85 % des profits des entreprises non-financières. Ce taux n'était que de 30 % en 1980. Qu'est-ce qui a changé en 30 ans ? Les entreprises sont-elles devenues vouées à leurs actionnaires ?

A l'époque, elles se finançaient beaucoup plus auprès du système bancaire. Les intérêts versés sont devenus des dividendes versés, mais dans les deux cas, il s'agit de rémunération du capital. Il est vrai aussi que les actionnaires sont aujourd'hui différents d'autrefois, et préfèrent les dividendes à l'accumulation de réserves à l'intérieur de l'entreprise. Pensez à Apple, assise sur une montagne de liquidités, et qui subit une guerilla de certains actionnaires pour emprunter et verser des dividendes ! Les actionnaires étaient autrefois des petits porteurs ou d'autres entreprises dans un système verrouillé de contrôles croisés. Ils sont aujourd'hui des fonds d'investissement, en bonne partie étrangers, qui veulent du cash rapidement.

Il faut noter que parmi ces actionnaires avides de liquidités, on compte... l'Etat français, qui demande des versements de dividendes toujours plus importants des entreprises dans lesquelles il a des participations.

Selon un sondage Bank of America Merrill Lynch, 58 % des investisseurs internationaux souhaitent que les entreprises françaises dépensent plus dans l'investissement. Le problème de l'investissement est-il vraiment, même en partie, le fait du montant de dividendes versés ? Cela peut-il nuire à la confiance des investisseurs étrangers ?

Le sous-investissement est un symptôme, pas une cause. Pourquoi investir en Europe aujourd'hui, avec chômage de masse et croissance en berne ? et dans quel secteur d'activité ? Les entreprises se rendent compte de plus en plus que l'investissement ne paie que médiocrement, qu'elles ne reçoivent qu'une part minime de la valeur des innovations. Donc elles accumulent du cash, sur la base de leurs positions acquises passées, en attendant. Le problème n'est pas cantonné aux entreprises françaises. Pensez qu'Apple accumule des liquidités, investit beaucoup moins, fait beaucoup moins de recherche et développement, que Microsoft. Pourtant, laquelle des deux entreprises se porte le mieux ?

Pourquoi, selon vous, la rémunération du risque que représente les dividendes, est-elle perçue comme un problème pour les entreprises chez certains économistes, au point de constituer un vrai sujet de polémique ?

Ils sont un symbole : celui de la prise de pouvoir de la finance sur le fonctionnement des entreprises. Mais on peut très bien déplorer cet état de fait, sans penser que le problème vient du montant des dividendes versés. Ceux-ci sont une diversion.

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