Prix de l'électricité et hausses rétroactives : les pièges du mécanisme de détermination des tarifs EDF<!-- --> | Atlantico.fr
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Henri Proglio, patron d'EDF.
Henri Proglio, patron d'EDF.
©Reuters

Et la lumière fut...

Alors que le Conseil d'Etat devrait demander l'augmentation rétroactive des tarifs réglementés d'EDF pour la période courant d'août 2012 à août 2013, quels sont les facteurs qui déterminent aujourd'hui le coût de l’électricité ?

Nicolas Mouchnino

Nicolas Mouchnino

Chargé de mission UFC-Que Choisir - Expertise dans le domaine de l'énergie et de l'environnement.
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Atlantico : Comment les tarifs de l'électricité sont-ils déterminés et quels sont les problèmes que cela peut entraîner ?

Nicolas Mouchnino : La loi est claire, les tarifs régulés sont déterminés sur la base des coûts de l'opérateur historique, c'est à dire d'EDF. Les tarifs règlementés doivent ainsi couvrir les coûts de l'opérateur. Maintenant, toute la difficulté est de déterminer quels sont ces coûts. A l'heure actuelle, une partie d'entre eux sont réglementés et définis par la loi comme le prix de l'ARENH, celui sur le nucléaire historique fixé par le gouvernement  pour que tous les fournisseurs y compris les concurrents d'EDF aient accès au nucléaire à un coût leur permettant d'être rentables. A l'heure actuelle, c'est de l'ordre de 42 euros du mégawatt/heure. Ensuite, on retrouve un empilement de différents coûts. Il faut ajouter à l'ARENH les coûts commerciaux (agences, publicités, gestion de la relation client), puis il y a tous les moyens de production autres que les centrales nucléaires, c'est à dire les centrales à charbon ou au gaz. En gros, il y a empilement comportant à la fois de tarifs fixés par les pouvoirs publics ainsi que des tarifs fixés en fonction du marché, mais aussi des coûts liés au coût de commercialisation. C'est un mille-feuille qui est aujourd'hui normalement contrôlé par la Commission de Régulation de l'Energie (CRE). Ainsi, EDF fait parvenir ses éléments à cette Commission qui recoupe ensuite les coûts et vérifie les chiffres. Cette Commission donne un avis sur les niveaux de tarifs demandés par EDF, et c'est le gouvernement derrière qui tranche. Ces derniers temps, il ne tranche d'ailleurs pas forcement dans le sens de l'opérateur.

Cependant, dès lors que l'on sort de la couverture de ces coûts, il y a un risque que les tarifs réglementés soient attaqués et c'est ce qu'il s'est passé dernièrement.

La problématique aujourd'hui,  pour nous associations de consommateurs et pour beaucoup d'acteurs, c'est d'être capable finalement de vérifier ces coûts car il y a un certain manque de transparence notamment dans le coût de l'ARENH. Deuxième chose, la loi doit normalement définir, dans le cadre d'un contrat de service public, l'évolution des tarifs sur plusieurs années. Hors, depuis 2010, aucun nouveau contrat de service public sur l'électricité n'a été instauré. A partir de là, il n'y a plus aucun cadrage. Lorsqu'EDF dit que ses coûts augmentent, les tarifs pour les consommateurs doivent forcement évoluer. Hors, le principe de ce contrat de service public était d'une part, de couvrir les coûts et d'anticiper leurs évolutions mais aussi d'être en mesure de juger si ces évolutions étaient justifiées ou non, permettant ainsi de les encadrer. Comme les évolutions ne sont plus encadrées, les coûts augmentent énormément et ils se répercutent sur les consommateurs.

Le Conseil d’État devrait contraindre le gouvernement à augmenter rétroactivement les tarifs réglementés d'EDF pour la période courant d'août 2012 à août 2013, entraînant une hausse de la facture des ménages. Qui sera touché ?

Cette hausse de la facturetouchera tous les consommateurs qui sont ou qui étaient à l'époque, aux tarifs réglementés de vente d'électricité proposé par EDF. Ceux ne sont plus forcément chez EDF mais qui l'étaient au moment du rattrapage devront payer cette évolution. Des experts avancent certains chiffres mais nous attendons de voir ce que proposera le gouvernement.  

Qu'est-ce qui justifie la hausse des coûts pour les principaux fournisseurs ?

Il y a trois leviers aujourd'hui qui font augmenter la facture d'énergie et les coûts des fournisseurs : une partie production, une partie transports et un dernière liée notamment aux énergies renouvelables

L'évolution des coûts de production se justifie aujourd'hui notamment par des besoins d'investissements nouveaux sur le nucléaire, dans le cadre du rajeunissement du parc. Là, il y a la nécessité de faire des investissements pour se remettre à jour de façon réglementaire, en termes de sécurité notamment. Cela va coûter extrêmement cher, sur plusieurs années c'est de l'ordre d'environ 50 milliards d'euros. Cela représente quasiment les deux tiers de la somme dépensée pour développer l'énergie nucléaire, c'est une somme conséquente qui sera impactée sur les coûts de production. Il y a aussi des centrales à charbon plus classiques qui vieillissement et pour lesquelles il faut investir aussi. Et bien évidemment, cela est plus annexe mais ces coûts sont également comptés dans la facture, ce sont ceux de transport et de distribution. Là aussi, des investissements conséquents sont à opérer car il faut rajeunir le réseau et développer des réseaux de transports transfrontaliers. Enfin, il y a aussi une fiscalité liée aux énergies renouvelables qui contribue à augmenter les coûts.

Les tarifs de l'électricité sont-ils de toute façon voués à augmenter ?

Oui, si l'on regarde les tarifs de l'ensemble de l'électricité, ils sont voués à augmenter car il y a des investissements nécessaires à faire. Ce que l'on a tendance à dire c'est qu'il faut essentiellement regarder comment l'on peut faire baisser la facture des ménages. Car l'évolution des prix sur une facture peut être compensée par les volumes de consommation. La grande question est donc la suivante : comment fait-on baisser la consommation des ménages ? Nous pourrions jouer sur plusieurs leviers pour y arriver : la rénovation du bâti, l'utilisation efficace de l'électricité, les performances des équipements électro-ménagers également. Sur la question de la rénovation énergétique, c'est là que l'on peine énormément, car l'essentiel de la consommation des ménages aujourd'hui c'est le chauffage, cela concerne donc la problématique de l'isolation. On espère ainsi que le projet de loi sur la transition énergétique permettra de donner un coup de fouet à tout ça. Il y a ainsi la nécessité de faire des efforts importants de contrôle et de performance pour permettre "au pire" de maintenir une facture équivalente à celle que l'on a aujourd'hui, et "au mieux" faire baisser la facture des ménages. 

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