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Printemps d'érable au Québec : 
la situation s’envenime
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Dégage !

Né d'une protestation contre la hausse des frais de scolarité, le mouvement a pris l'ampleur d'une véritable contestation politique, face à la répression du gouvernement. Le « printemps d’érable » s’inscrit dans un mouvement mondial de mobilisation de la jeunesse universitaire, confrontée à des problèmes similaires d'un pays à l'autre.

Alain Bertho

Alain Bertho

Alain Bertho est professeur d'anthropologie à l'Université de Paris 8-Saint-Denis.

Co-auteur, avec Samuel Luret du documentaire “Les raisons de la colère” (ARTE-Morgane production), il revient sur quarante années d'émeutes dans son dernier ouvrage Le temps des émeutes.

 

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Atlantico : Les étudiants québécois protestent contre une hausse des frais de scolarité. Qu’en est-il réellement ?

Alain Bertho : Les frais de scolarité dans les universités québécoises sont bien plus important que ce dont nous avons l’habitude en France. Il en existe deux types: des frais d’inscription et des frais afférents qui sont à peu près équivalents l’un l’autre. Ainsi, un doctorant terminant ses études se retrouve avec à peu près 25 000 dollars canadiens de dette. Vu d’Europe, ce montant peut sembler important, mais ils sont parmi les moins chers de la fédération canadienne. Ainsi, les hausses envisagées il y a quelques mois par le gouvernement Charest consisteraient à augmenter par quatre les frais d’inscriptions sur plusieurs années, ce qui a été l’élément de déclenchement d’une grève qui dure depuis quatorze semaines.

Pourtant, ce mouvement étudiant n’est pas unique dans le monde. Que se soient les étudiants chiliens, engagés dans un conflit depuis plus de huit mois contre le gouvernement, les étudiants californiens, ou encore les étudiants anglais, qui en décembre 2010 ont créé une très forte mobilisation ayant conduit jusqu’à la prise d’assaut des locaux du Parti conservateur, tous sont mobilisés autour d’un même sujet : la hausse des frais de scolarité.

Il s’agit donc d’une question sensible dans le monde qui émerge partout où des politiques libérales s’orientent vers une logique de rentabilisation de l’investissement éducatif dans le supérieur. A titre d’exemple, les manifestations universitaires représentent à peu près le cinquième des manifestations dans le monde. Le « printemps d’érable » s’inscrit donc dans un mouvement mondial de mobilisation de la jeunesse universitaire présentant des similitudes d’un pays à un autre : une forte mobilisation, une solidarité entre les étudiants et une aptitude à prendre rapidement des décisions collectives. Cependant, ce qui caractérise plus particulièrement le mouvement québécois, et le rapproche d’ailleurs du mouvement chilien, est sa capacité à s’organiser et tenir dans la durée avec le soutien d’une grande partie de la population.

Les organisations étudiantes avaient semblé avoir trouvé un accord le 5 mai dernier avec le gouvernement. Peu après, les négociations ont été à nouveau bloquées, une ministre ayant même démissionné depuis. Quelles sont les raisons de cet échec ?

Cet accord du 5 mai, négocié en 22 heures seulement, partait d’une proposition du gouvernement de ne pas modifier les frais d’inscription qui relève de la Province du Québec et à constituer les étudiants en force de surveillance et de propositions afin de trouver des sources d’économie portant sur l’autre partie des droits. Le gouvernement québécois s’était vite réjoui. Mais le 7 mai, soit deux jours après les négociations, il a été rejeté lors des assemblés générales qui se sont tenues dans les universités. Il a donc fallu attendre 12 semaines avant que des négociations démarrent et échouent. Depuis, le dialogue est bloqué.

Le gouvernement semble avoir adopté une loi pour empêcher les manifestations. La situation s’envenime t-elle ? Quelles sont les perspectives d’évolution du mouvement ?

La situation s’envenime considérablement. Trois événements ont récemment marqué le conflit : le refus du gouvernement de considérer le mouvement étudiant et ses leaders comme des interlocuteurs, l’intervention des forces de police québécoises à l’entrée des Cégep – des collèges de premier cycle -  au début de la semaine, et un projet de loi restreignant le droit de manifester. Le gouvernement au pouvoir, qui doit affronter des élections d’ici quelques mois, a fait le choix de la fermeté absolue comme stratégie de réussite électorale. Le Parti libéral du Québec est dans une posture d’autorité et de refus de toute négociation sérieuse. Il faut donc craindre des dérapages. Le 10 mai dernier, plusieurs lancés de fumigène dans trois stations de métro ont provoqué une fermeture générale du réseau et les manifestations nocturnes des 18 et 19 mai ont conduit à des affrontements.

Propos recueillis par Olivier Harmant

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