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Primaires socialistes : l'impasse ?
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Pas de rose sans épines

Faire émerger un candidat incontesté et capable de porter un programme idéologique novateur : tel est le pari des primaires pour un Parti socialiste en position de favori pour 2012 mais qui reste dans le flou.

Frédéric de Gorsse

Frédéric de Gorsse

Frédéric de Gorsse est le pseudonyme d'un consultant en poste auprès du gouvernement.

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Depuis le retrait de Lionel Jospin, le 21 avril 2002, au soir de son échec au premier tour de l’élection présidentielle de 2002, le Parti socialiste a des idées et des personnalités mais n’a réellement ni programme, ni leader.

Sa bonne fortune électorale, liée aux succès de ses candidats dans les élections locales et à l’impopularité de Nicolas Sarkozy, renforce son problème : la nécessité, trop forte, d’un leadership, et celle, insuffisante, d’une « rénovation » idéologique.

Primaires socialistes : une comédie qui pourrait s'achever en tragédie

Les uns après les autres des sondages trompeurs le rappellent : une victoire à l’élection présidentielle est presque acquise, à condition de s’imposer au premier tour. Toutefois, dès lors que le casting prime, à première vue, sur les idées, le PS n'a peut-être pas intérêt à organiser ces primaires qui, par nature, vont mettre en évidence des rivalités et peut-être même des divisions. Mais puisque ce processus électoral a été proposé à l’opinion à la fois comme la manifestation de la rénovation du PS et du renouvèlement de son lien avec les Français, il apparaît impossible à présent pour les socialistes d'y renoncer.

Le jeu des protagonistes autour des primaires socialistes ressemble à une comédie qui pourrait s’achever en tragédie. Strauss-Kahn s’épuise dans sa position de favori condamné au silence et qui plait davantage à droite qu’à gauche, la montée en puissance de Martine Aubry exprime la résistance du parti face à un choix qui lui échapperait, Ségolène Royal, affaiblie, espère encore l’éveil du peuple tandis François Hollande cherche à imposer son heure après avoir renoncé à diriger le parti…

De véritables primaires fondées sur la confrontation de projets improbables, de simples primaires de confirmation impossibles : telle est la situation dans laquelle le PS s’est de lui-même placé, au risque de demeurer une alternative politique mal identifiée, et, pour finir, gâchée.

Le PS a-t-il tiré les leçons de l’expérience Ségolène Royal ?

Pour 2012, le défi pour le PS est d’abord ne pas répéter les erreurs commises il y a cinq ans avec la désignation à la fois trop tardive et non assumée de sa candidate. Rappelons-nous la situation en 2006, celle de primaires fermées et subies : Ségolène Royal, saisissant mieux que ses concurrents d’alors les nouveaux ordres et les nouveaux modes de la démocratie d’opinion, s’imposa contre les caciques du parti qui, dès lors, spéculèrent sur son échec avec l’intention de l’écarter après la défaite.

Depuis 2007, tout se passe au PS comme s’il s’agissait de régler le cas Ségolène Royal. Pourtant si sa défaite fut nette, elle ne fut guère humiliante et donc pas définitive. Surtout, autant que la sienne, ce fut la défaite d’un parti dont elle n’avait pas toute la responsabilité.

Cette situation éclaire l'une des singularités du PS par rapport aux autres grands partis sociaux-démocrates et aux grands partis de gouvernement en Europe : l’étrange dissociation entre le chef du parti et le chef de file pour l’élection majeure. C’est un fait : la cohérence politique eût voulu qu’en 2007 Ségolène Royal obtînt en même temps et l’investiture à la présidentielle et la tête du parti, sauf à décider que le premier secrétaire d’alors devait être le candidat. En refusant d’accorder cette double légitimité, les dirigeants du PS se sont enfermés dans un piège, celui du conflit entre dogme partisan et foi électorale, ou pour parler comme Jaurès, entre la « vertu » de la « pensée socialiste » et « la lumière » du suffrage universel.

Quand le candidat socialiste à la présidentielle ne dirige pas le parti…

Voilà notre hypothèse : l’incapacité du PS à assumer un véritable « réformisme », ou toute autre ligne politique identifiée, tient à cette dissociation entre le chef du parti et le candidat et à cette désarticulation entre le lieu d’énonciation du programme et la parole de la personne chargée de le porter devant les électeurs.

Ce qui reste l’une des causes des échecs répétés du Parti socialiste à l’élection présidentielle est en fait le legs impensé de Lionel Jospin au PS : en déclarant, lors de la campagne présidentielle de 2002, « mon programme n’est pas socialiste », c’est Jospin qui établit la coupure entre le parti et le candidat, révélateur, d’une certaine manière, du chiasme plus profond entre la parole et l’action. Bref, la parole du parti est détachée de l’action de ses dirigeants, la proposition partisane coupée de la responsabilité gouvernementale.

Les primaires sont censées apporter une réponse à cette division dans le leadership et à cette séparation entre la parole et l’action. Pourtant le flou qui entoure ces primaires, tant du point de vue de leur sens que de leur organisation, sans parler des aspects juridiques, pose la question de savoir si le PS a réellement tiré les enseignements de 2002 et de 2007.

Et si les primaires se retournaient contre le PS ?

Dans les faits, tout indique que le PS se satisfait de la position mécaniquement dominante que lui assure la propension au bipartisme qui découle de la présidentialisation de la Vème République. Et ses succès lors des élections intermédiaires, le transformant en parti d’élus et de potentats locaux, ont renforcé sa paresse à renouveler le lien entre le parti socialiste et la société française. Cette position de force du PS est illusoire : par-delà de la défaite de l’UMP, les cantonales ont ainsi révélé l’absence de désir de l’électorat pour le PS et la persistance du risque d’une mauvaise surprise lors de la présidentielle.  D’où l’importance des primaires…

Mais il y a quelque chose de troublant dans l’organisation et le calendrier des ces primaires socialistes, à la fois allongées dans le temps, tardives et limitées à deux tours de scrutin resserrés en octobre. Le choix de cette procédure révèle toute l’ambiguïté des socialistes qui risquent de perdre en réalité la maîtrise de l’événement.

D’un côté, nombreux sont ceux qui entendent réduire ce troisième tour informel de l’élection présidentielle à un effet médiatique avalisant des arrangements internes plutôt qu’ouvrant un choix aventureux. Ce sont les fameuses « primaires de confirmation » qui n’ont pas été possibles… en 2006 ! Mais, d’un autre côté, en ouvrant le collège électoral, l’autre enjeu de ces primaires, qui ne concernent pas toutes les composantes de la gauche, c’est au fond de leur imposer la légitimité du candidat socialiste. Ces deux objectifs sont difficilement conciliables.

Un PS plus fragile qu'il n'y paraît

Il semble bien que, comme lors de la précédente présidentielle, les dirigeants socialistes se résolvent à contre cœur et par défaut à la logique des primaires. La preuve en est que tandis les citoyens de sensibilité de gauche auront à choisir le candidat socialiste en octobre, le projet de ce candidat quel qu’il soit aura été déjà rédigé à l’écart de l’opinion, et dévoilé en amont des primaires. Dans ce découplage entre l’élaboration du programme et la compétition ouverte pour l’investiture se joue la tension entre l’autorité du parti et la légitimité du suffrage.

Dans cette relation ambivalente avec la société se dévoile la véritable fragilité du PS, et, par-delà, l’un des maux de la politique française : cette séparation, que nous avons souligné, entre parole partisane et action gouvernementale, entre la politique en parole et la politique en acte. Et dans le cas du PS, le risque, c’est celui du double langage, entre le programme du parti et les idées du candidat, double langage qui a largement contribué à la défaite de Ségolène Royal en 2007…

La difficile quête du candidat socialiste à la présidentielle 2012

Une chose est certaine : le découplage entre l’élaboration du programme et la candidature ne peut pas tenir. D’ores et déjà, les primaires sont utilisées par ceux qui veulent se faire entendre dans le parti et s’imposer pour l’avenir, comme Manuel Valls ou Arnaud Montebourg, tandis que les véritables candidats à la présidentielle, de Ségolène Royal à François Hollande, et, bien sûr, Strauss-Kahn, ne se laisseront pas imposer le programme par le parti.

L’un des problèmes majeurs du PS réside dans la division du leadership et le découplage entre la responsabilité de diriger le parti et celle de conduire la présidentielle. En 2012 comme en 2007, la cohérence voudrait que la tête du PS soit la même personne que son candidat à la présidentielle, sauf à confirmer que (bien) gouverner la France serait sans rapport avec le fait de (bien) diriger le parti qui prétend au pouvoir. La seule question, en somme, est de savoir si le PS est encore en mesure de faire émerger celui ou celle qui sera capable, à la fois, d’avoir autorité sur le parti, de parler à l’ensemble de la gauche et proposer un projet désirable et crédible aux Français…

Faute de l’avoir trouvé, les socialistes se sont lancés dans le pari de ces primaires dont nul ne peut dire si elles marqueront un tournant dans la vie politique française au point de s’imposer par la suite à droite comme à gauche…

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