Présidentielle 2022 : cinq petits commentaires (acides) d’entre deux tours <!-- --> | Atlantico.fr
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Une urne pour les élections présidentielles françaises au Palais des Congrès à Montréal, Québec, Canada, le 9 avril 2022.
Une urne pour les élections présidentielles françaises au Palais des Congrès à Montréal, Québec, Canada, le 9 avril 2022.
©ANDREJ IVANOV / AFP

Analyses

Extrêmes, héritage de François Mitterand, écologie, participation et Éric Zemmour passent sous la loupe de notre observateur Don Diego de la Vega.

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega

Don Diego De La Vega est universitaire, spécialiste de l'Union européenne et des questions économiques. Il écrit sous pseudonyme car il ne peut engager l’institution pour laquelle il travaille.

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Si je sais bien compter, les 8 candidats « anti-système » ont fait 60% au 1er tour, contre 40% pour les 4 candidats « du système » (je pars du principe que le système correspond à une pensée mainstream couplée à une culture gouvernementale et à l’acceptation du pass sanitaire : Macron, Hidalgo, Jadot, Pecresse). C’est la première fois à ma connaissance que cette inversion se produit en période de paix et hors révolution. C’est pire que sous la IVe République prise en étau entre les communistes et les gaullistes, mais où les partis de gouvernements restaient majoritaires. Les contestataires sont donc désormais les plus nombreux, de plus leur programme économique est quasi-identique (dépensolâtrie étatiste + protectionnisme), la seule chose qui les empêche de prendre le pouvoir est leur opposition sur un dossier particulier, très inflammable (et rendu toujours plus inflammable par le centre au pouvoir) : l’immigration. On peut donc dire que cette dernière coûte très cher à l’électorat français, elle n’est pas une chance pour lui : elle interdit une défaite de Macron, pourtant souhaitée par la majorité, elle assure tous les 5 ans la présence peu productive d’un membre de la famille Le Pen au 2e tour, enfin elle conduit à un vote de plus en plus communautaire des partisans de l’islam (étymologiquement : soumis) en faveur des « insoumis » (je dois dire que le spectacle de ces femmes voilées qui vont voter en masse pour un vieux franc-maçon est assez comique), et demain on ne sait en faveur de qui.

Bien entendu tout cet absurdistan politique ne peut pas inciter à une saine gestion des finances publiques : car pour se maintenir le centre doit diviser mais il doit aussi arroser. Arroser de plus en plus, tout azimut, hier au prétexte du vivre ensemble, aujourd’hui au prétexte du grand âge, demain au prétexte de la transition écologique. On ne pourra envisager de politique sérieuse tant qu’un encerclement pareil prévaudra, a fortiori avec des cyniques au pouvoir biberonnés de mitterrandisme.             

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Les trois grands pièges crées par Francisque Mitterrand continuent à polluer l’espace politique hexagonal :

a/ le bloc melanchoniste est un rejeton de la massification ratée des études. On a multiplié les bac+5, payés comme des bac-2 ; la frustration est énorme. Et si seulement ces masses avaient été éduquées à base de Philippe Muray et de bons auteurs : mais elles ont été exposées (au mieux) à du Bourdieu, et depuis quelques temps à divers imports wokistes, de sorte qu’on a droit à une gauche maccarthyste qui n’a plus le wifi dans toutes les pièces, 

b/ le bloc macroniste est un sous-produit de la race d’oligarques entretenue par l’euro, cette monnaie fixiste, anachronique, crée par l’ancien Président pour qu’il soit (je cite) le dernier Président (« après moi, des financiers et des comptables »), 

c/ le RN est le successeur du FN, crée par Francisque Mitterrand vers 1983 (conjointement à l’abandon de l’ouvrier et à la promotion des nouvelles victimes, les minorités) afin de dissimuler ses fautes, de diviser la droite, et d’exciter les jeunes idiots. 

Quelques décennies plus tard, on y est toujours. La PME Le Pen, la « start-up Nation » des énarques de centre-gauche et des énarques de centre-droit, et la gauche identitaire sans boussole qui fluctue du néo-trotskisme jusqu’à l’écologisme d’une adolescente énervée. Mitterrand doit bien rire là où il est. 

En dépit de la propagande du Giec à quelques jours du scrutin, les gens restent foncièrement hostiles ou indifférents à l’écologie. Quand les circonstances sont favorables et le candidat convenable, ils font 4%, et ne font beaucoup mieux que dans des élections sans intérêt (européennes, municipales). Cela est dû au « prix de nos valeurs », quand on parle comme Thesmar & Landier. Cela est dû au matérialisme crasse de nos contemporains, à mon avis : au-delà des déclarations, ils ne sont pas prêts à sacrifier une once de bien-être matériel, concrètement c'est-à-dire réellement ; les écologistes le savent bien, alors ils passent de plus en plus par le lobbying et par les juges, ce qui achève de rendre leur projet odieux auprès du plus grand nombre. Avec eux, on n’a ni les soviets ni l’électricité pilotable. Mais nous aurons un premier ministre vert-planificateur, alors tout va bien.

Ce qu’il faudrait expliquer, c’est la participation, pas l’abstention (a fortiori pour les prochaines législatives, vu le pouvoir d’un parlementaire en France). Déjà parce que la probabilité d’être l’électeur pivot est epsilonesque, comparativement à un coût de déplacement non-nul (paradoxe traditionnel du vote) ; ensuite parce que la variance possible des politiques publiques a été beaucoup réduite, depuis que le pays est géré par quelques juges non-élus et quelques banquiers centraux non-élus ; enfin, parce qu’en 2022 il n’y a pas même eu de simulacre de débat. On n’a parlé ni de la BCE, ni de l’industrie ou de ce qu’il en restera dans 10 ans, ni de la GPA qui progresse sournoisement, ni de la liberté d’expression (Elon Musk devrait racheter Atlantico). Pour ne prendre qu’un petit exemple, celui des relations fâcheuses avec la Russie : il a été beaucoup dit avec raison que la droite radicale s’était fourvoyée, mais on a un peu oublié au passage certains épisodes des présidences très raisonnables, souvenez-vous de Poutine invité en grandes pompes à Versailles, souvenez-vous des projets de contrats d’armement, souvenez-vous aussi de Hollande faisant tout pour renforcer notre dépendance énergétique envers la Russie (à commencer par la fermeture 100% politique de Fessenheim). Dans tout ce contexte, obtenir que deux français sur trois se rendent aux urnes pour désigner le chef du grand Land malade est une performance, qui en dit long sur un peuple resté très bassement rousseauiste ou athénien là où toutes ses élites sont converties à un modèle procédural, dirigé par des juges, des modérateurs de GAFAM et des banquiers centraux.    

Zemmour a été le seul à faire campagne mais il a multiplié les imprécisions. Par exemple, il avait dit que Pecresse se rallierait à Macron le dimanche à 20h02, en réalité cela ne s’est fait qu’à 20h19. Il lui a aussi manqué un peu de recul pour faire la bonne synthèse tout en restant dans le cadre libéral. Milton Friedman (un auteur qu’il n’a probablement pas étudié dans le détail, à force de relire le Mémorial de Sainte-Hélène) avait dit : vous pouvez avoir un Etat Providence étendu, et vous pouvez avoir des flux entrants importants en provenance de pays du tiers monde, mais vous n’aurez pas les deux très longtemps. C’est la grande contradiction dans un pays comme la France aujourd’hui, et c’est probablement sur cet axe qu’il fallait insister pour capter le vote populaire ; il a laissé ce terrain à Le Pen qui elle en a fait des tonnes sur la protection des gens, des chats et des orphelins. Il n’y a pourtant rien d’illibéral à dire qu’il faut faire un choix (de même qu’il n’y a rien d’illibéral à dire qu’un système de changes fixes entre des pays différents géré par une banque centrale indépendante a toutes les chances d’échouer, c’est à la fois la théorie et l’expérience). 

Avec un peu de chance, Zemmour sera le Barry Goldwater de la vie politique française. Le type qui, au fond du trou pour la droite, initia des choses qui seront reprises 15 ans plus tard avec plus d’habilité par Reagan. Le centrisme est « politiquement, intellectuellement et moralement répugnant » écrivait déjà en 1955 William Buckley. En 1964, Goldwater faisait face à des gens qui achetaient le vote noir et qui n’avaient pas encore perdu le vote blanc ; il est arrivé trop tôt et maladroitement, mais il a pavé la voie.

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