Présidentielle 2022 : les médias font-ils l’élection ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Cette photo montre les écrans de contrôle sur le plateau alors que Valérie Pecresse (R), assiste au journal télévisé avec la journaliste française Anne Claire Coudray à Boulogne-Billancourt.
Cette photo montre les écrans de contrôle sur le plateau alors que Valérie Pecresse (R), assiste au journal télévisé avec la journaliste française Anne Claire Coudray à Boulogne-Billancourt.
©JULIEN DE ROSA / AFP

Influence

Les ventes de journaux ou l’audience des médias traditionnels n’ont jamais été aussi faibles ou aussi concentrées sur certaines catégories de population. Et pourtant l’influence des médias demeure. Comment l’expliquer ?

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier

Arnaud Mercier est professeur en sciences de l'information et de la communication à l'Institut Français de Presse, à l'université Paris-Panthéon-Assas. Responsable de la Licence information communication de l'IFP et chercheur au CARISM, il est aussi président du site d'information The Conversation France.

Il est l'auteur de La communication politique (CNRS Editions, 2008) et Le journalisme(CNRS Editions, 2009), Médias et opinion publique (CNRS éditions, 2012).

Le journalisme, Arnaud Mercier

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Atlantico : On parle beaucoup de l’influence des médias dans la sphère politique, qui sont parfois qualifiées de « quatrième pouvoir ». Dans quelle mesure peuvent-ils influencer les élections à venir ?

Arnaud Mercier : On l’a vu en 2017. Quand les journalistes font de l’investigation qui révèlent des problèmes légaux ou moraux concernant les personnalités politiques, cela à un effet. Et cela montre bien en quoi les médias peuvent être un quatrième pouvoir. Ils soulèvent une question qui est mise à l’agenda médiatique, puis politique qui peut mettre un candidat dans une position difficile. Sans l’affaire du Canard enchainé, reprise par d’autres médias, il y avait de fortes probabilités que François Fillon soit au second tour. Sur cet aspect-là, je pense que les médias ont toujours de l’influence mais il est parfois difficile de voir un effet direct sur les électeurs, surtout dans une situation de désintérêt de la politique. 

Certains observateurs tendent à dire que l’influence des médias n’est pas si étendue que ce qu’on pourrait penser, d’autant que les médias se vendent de moins en moins. Mais certains arguments viennent contre cette idée. Qu’est ce qui pourrait actuellement renforcer l’influence des médias ? 

Je vois deux éléments principaux qui peuvent expliquer cela. Le premier est que les médias traditionnels restent très lus par des personnes âgées qui sont des électeurs très mobilisés. Donc si on considère que certains éléments peuvent influencer les électeurs, alors il faut prendre en compte la sociologie des électeurs et notamment l’influence sur les personnes âgées. Donc on peut tout à fait faire l’hypothèse entre le fait de rester un électeur mobilisé et le fait d’être un lecteur assidu de la presse. Les deux créent un écosystème qui fait que ce qui est dit dans la presse peut avoir un impact. 

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Deuxièmement, il ne suffit pas d’être un média pour avoir de l’influence car il y a des médias qui peuvent mettre à l’agenda des questions qui seront reprises par d’autres. C’est un effet de caisse de résonnance énorme, même pour des journaux qui n’ont plus beaucoup d’audience mais sont considérés comme des références. C’est exactement ce qui est arrivé avec l’article du Canard enchaîné dans l’affaire Fillon qui a donné à d’autres médias l’envie d’aller creuser. 

On évoque l’idée que les médias influencent notamment l’opinion des élites, qu’en est-il ? 

C’est vrai qu’il peut y avoir un effet de chambre d’écho dans le microcosme politique de manière évidente. Néanmoins, contrairement aux Etats-Unis, la France est moins clivée. La fondation Descartes a montré que les politiques français pouvaient citer des articles de médias issus de bords opposés, ce qui ne se fait plus aux Etats-Unis. Donc cela maintien une forme de pluralité des points de vue. 

Les carrières politiques étant devenues plus courtes que par le passé, les politiques ont-ils plus besoin de voies rapides pour faire passer leurs idées et utilisent les médias pour cela ? 

En vérité, je pense que c’est surtout parce que les politiques usent de plus en plus de stratégie marketing et de communication. Tout cela s’inscrit dans un contexte de crise de confiance dans la politique tant aux Etats-Unis qu’au Royaume-Uni ou en France. Cela s’accompagne d’une déprofessionnalisation de la politique et d’un recours de plus en plus massif à la communication politique, jusqu’à s’abîmer là-dedans. Les carrières ne sont pas forcément plus courtes mais elle est en tout cas plus fragile. Et cela explique pourquoi il y a un recours à la communication. Et pour cela ils ont besoin des médias, mais pas uniquement. Les politiciens sont aussi devenus leur propre média par les réseaux sociaux.

Un autre argument avance que de nombreux éléments politiques ou économiques nous paraissent trop techniques et nous ne sommes pas en mesure de les comprendre. Cela encouragerait les journalistes à traiter des sujets superficiels plutôt que des sujets de fond. Comme de nombreux médias s’alignent sur ce constat et considèrent la politique comme un divertissement bon marché, ils conservent leur influence ?

C’est un constat très pessimiste pour la presse et qui reste plus vrai en Grande-Bretagne en France avec la presse tabloïd. Et en France, nous n’avons pas totalement ça. Nous avons des médias qui tombent dans le complotisme (ex France Soir depuis sa reprise). Au-delà de ce genre d’excès et même si l’on peut contester certains médias, nous n’en sommes pas au stade d’une presse tabloïd à la britannique. Même s’il y a des dérives, il y a une résilience des médias français.

Les adhésions aux partis politiques ont chuté. L'influence des médias a donc augmenté simplement parce qu'une autre source d'influence a diminué ?

Il y a moins de travail de socialisation politique en France, comme au Royaume-Uni. Dans l’absolu, on peut se dire que cela laisse une part plus importante à la manière de s’informer. C’est évidemment vrai, mais il faut y mettre deux bémols. D’abord, une partie des citoyens qui sont moins touchés par la socialisation politique s’intéressent tout simplement moins à la politique et ne vont plus rechercher l’information. Donc il n’est pas certains qu’ils aillent compenser en s’informant par ailleurs. Deuxième bémol, pour ceux et celles qui effectivement ne sont plus encadrés par les appareils de parti, les syndicats et qui s’intéressent encore à la politique. Une partie va bien se tourner vers les médias traditionnels mais d’autres vont vers des sites internet, des réseaux sociaux, des groupes de discussion de plus ou moins bonne qualité. Chez les gilets jaunes, il y avait un même rejet des politiques, des élites et des journalistes. Sur ce point, je suis donc moins optimiste. 

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