Poutine préfère les guerres sournoises, c’est pourquoi il faut l’affronter ouvertement<!-- --> | Atlantico.fr
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Vladimir Poutine lors d'une réunion sur le développement de l'industrie de la construction navale. 18 août 2022
Vladimir Poutine lors d'une réunion sur le développement de l'industrie de la construction navale. 18 août 2022
©MIKHAIL KLIMENTYEV / SPUTNIK / AFP

Si vis pacem ...

Alors que Vladimir Poutine multiplie les provocations à l'encontre du monde occidental, de nombreux indices laissent supposer que le chef du Kremlin est mis sous pression par les élites russes. Une situation qui pourrait le pousser à prendre des mesures encore plus radicales

Françoise Thom

Françoise Thom

Françoise Thom est une historienne et soviétologue, maître de conférences en histoire contemporaine à l'université de Paris-Sorbonne

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Atlantico : L'Ukraine fête le 24 août l’anniversaire de son indépendance. Une date qui marquera aussi les six mois de l’invasion russe. Le président Zelenski a exprimé la crainte que la Russie pourrait « faire quelque chose de particulièrement dégoûtant » et « cruel ». Qu’en a-t-il été ? 

Françoise Thom : En effet les Ukrainiens avaient tout lieu de redouter une mauvaise surprise ces jours-ci. Des navires de guerre porteurs de missiles de croisière ont été déployés dans la mer Noire. Les Russes ont envoyé des unités d'assaut et des parachutistes dans la région de Kherson en vue d’une offensive accrue les 23 et 24 août. Le département d'État américain avait émis une alerte de sécurité avertissant que la Russie « intensifie » ses efforts pour lancer des frappes contre les infrastructures civiles et les installations gouvernementales de l'Ukraine dans les prochains jours. Or il n’y a pas eu d’attaques massives de missiles comme on le craignait. De même le procès du régiment Azov dont l’ouverture à Marioupol était prévue le 24 août semble avoir été différé.

Depuis quelque temps, la Russie multiplie les menaces, y compris nucléaires. Assistons-nous à une radicalisation des élites et du pouvoir russe face à la situation en Ukraine ? A quel point la menace et les craintes qu’elles inspirent sont-elles les armes principales des Russes face à l’enlisement de la situation ?

Le chantage nucléaire n’est  pas nouveau. Il s’agit de dissuader les Occidentaux de soutenir Kyiv. Le Kremlin se rend bien compte que tant que les Ukrainiens sont armés par l’Occident, il lui sera impossible d’arracher une victoire décisive sur le terrain. C’est pourquoi l’essentiel de ses efforts consiste plus que jamais à discréditer l’Ukraine et ses dirigeants en Occident. Il a suffi que les Etats-Unis envisagent de classer la Russie parmi les pays sponsors du terrorisme pour qu’aussitôt un attentat retentissant contre une « patriote » russe, Dacha Douguina,  soit organisé près de Moscou et immédiatement imputé à Kyiv. Les mesures actives visant à noircir l’image de l’Ukraine ne se comptent plus. L’accent mis sur cette politique montre que les cercles dirigeants russes ont le sentiment de s’être embourbés sans espoir de pouvoir l’emporter sur le champ de bataille. Les sanctions commencent à faire mal, quoi qu’en dise la propagande officielle. On ne sait guère ce qui se passe dans la boîte noire du cercle dirigeant russe, mais de nombreux indices laissent supposer que Poutine est de plus en plus critiqué de tous les côtés, par les ultrapatriotes qui lui reprochent ses demi-mesures en Ukraine, par les militaires obligés d’obéir à des ordres dont l’absurdité stratégique saute aux yeux, par les élites gouvernementales chargées de maintenir à flot une économie en plein naufrage. Dans les situations de crise Poutine a toujours réagi par l’escalade. Il serait surprenant qu’il agisse autrement aujourd’hui. Encore faut-il en avoir les moyens. Le président russe vient d’annoncer que les effectifs de l’armée russe vont être augmentés de 137 000 hommes en 2023. 

Refuser de céder aux menaces est-il la conduite à adopter face au régime russe ? Jusqu’où peuvent-ils aller dans le menace et l’exécution de ces dernières ?

Il faut tenir bon, montrer que nous n’avons pas peur. Les hommes du Kremlin continuent à tabler sur la faiblesse occidentale, sur l’instabilité politique de nos démocraties et leur incapacité à penser sur le long terme. Aux yeux du président russe toute concession de la part des Occidentaux est un signe de faiblesse, un encouragement à faire monter les enchères. Cependant Poutine tient à la vie comme peut le faire un vieillard, il suffit de se souvenir des tables de 6 mètres de long au bout desquelles il place ses interlocuteurs. Il faut lui faire comprendre très clairement qu’en cas d’utilisation de l’arme nucléaire lui-même n’en réchappera pas. Poutine est mal à l’aise dans une guerre ouverte car il a l’habitude d’agir sournoisement, dans les coulisses, par la subversion et la corruption. Ce n’est pas pour rien que le terme de « guerre » a été interdit en Russie pour désigner l’invasion de l’Ukraine, que Poutine a imposé celui « d’opération militaire spéciale », et qu’il procède à une mobilisation camouflée qui ne dit pas son nom. La guerre force à agir à visage découvert. Poutine cherche à tout prix à revenir sur le terrain des guerres secrètes auxquelles il est habitué. C’est pourquoi il voudrait contraindre l’Ukraine à un cessez-le-feu.

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