Pourquoi les villes sont encore à des années-lumière d’être praticables pour les voitures sans chauffeur<!-- --> | Atlantico.fr
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L'une des voitures sans chauffeur de Google qui a été récemment testée sur les routes.
L'une des voitures sans chauffeur de Google qui a été récemment testée sur les routes.
©Reuters

Ralentisseur

Aujourd'hui, il semblerait que malgré les avancées et essais, les voitures autonomes soient encore inadaptées à la ville. A moins que ce soit précisément le contraire. Peut-être faut-il penser la ville de demain avant de penser à la voiture qui roulera dedans.

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia

Jean-Gabriel Ganascia est professeur à l'université Pierre et Marie Curie (Paris VI) où il enseigne principalement l'informatique, l'intelligence artificielle et les sciences cognitives. Il poursuit des recherches au sein du LIP6, dans le thème APA du pôle IA où il anime l'équipe ACASA .
 

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Atlantico : Récemment encore, les voitures autonomes de Google étaient testées sur les routes des déserts américains. Au-delà des seules avancées que représenterait une voiture capable de se conduire seule, n'implique-t-elle pas également d'importants travaux en matière d'urbanisme ? A quel point nos villes sont-elles adaptées à la conduite automatisée ?

Jean-Gabriel Ganascia : Les voitures autonomes qui commencent à voir le jour sont conçues pour l’environnement routier existant. Elles circulent non seulement dans les déserts, mais aussi sur les autoroutes et dans les villes américaines où elles repèrent automatiquement les obstacles, la signalisation, les autres voitures etc. Il n’apparaît donc pas indispensable de construire des rails pour ces voitures et de transformer l’espace urbain. Néanmoins, si, à l’avenir, le nombre d’accidents avec des voitures autonomes se révèle beaucoup plus faible qu’avec les voitures actuelles pilotées par des hommes, il y a fort à parier que la plupart des voitures deviendront autonomes. Or, dans cette éventualité, les villes pourraient progressivement évoluer, par exemple en réduisant la largeur des rues, du moins de l’espace réservé à la circulation automobile, ou en diminuant la taille des parkings, puisque les voitures autonomes se gareront toutes seules dans des espaces exigus. Tout cela pourrait transformer substantiellement l’espace urbain, du moins de façon progressive. A cet égard, songeons que l’espace urbain actuel s’est lui-même beaucoup transformé avec la fin de la circulation hippomobile.

Sans compter les seuls travaux d'urbanisme, quel impact la voiture automatisée pourrait avoir sur nos habitudes de circulation ? Pourrait-on continuer à utiliser la signalisation que nous avons actuellement ? Qu'en est-il des forces de régulation comme les policiers ?

Outre ces modifications d’infrastructure, on conçoit que l’utilisation des voitures autonomes change un certain nombre d’habitudes. Au lieu de se garer avant d’aller faire ses courses, on pourra se faire déposer devant les magasins ou dans les rues piétonnes, puis demander à la voiture de venir nous chercher. Certains vont même jusqu’à imaginer des services de partage ou de location de voitures : il suffirait d’appeler un service pour commander un véhicule adapté au nombre de personnes et au volume de bagages, puis de le rendre après usage.

Ajoutons que la circulation de ces voitures suppose aujourd’hui qu’une carte des infrastructures de signalisation soit tenue à jour, ce qui est déjà plus ou moins le cas pour les villes américaines. En effet, sinon, on risque de prendre une enseigne de pharmacie pour un feu vert, ou l’inverse… Afin d’éviter de telles déconvenues, on peut imaginer qu’à l’avenir la signalisation urbaine inclue des avertisseurs radio caractéristiques des stops, des feux tricolores, etc. Cela ne coutera pas beaucoup à mettre en place et pourrait remplir de grands services. En conséquence, on ne supprimera pas la signalisation actuelle, du moins pas immédiatement, mais on la complètera par une signalisation appropriée.

Quant aux forces de régulation, par exemple à la police, leur rôle devrait aussi se modifier et, surtout, s’automatiser. Que signifiera « arrêter » une voiture autonome ? Soit les passagers seront en infraction, auquel cas la voiture devrait pouvoir le repérer d’elle-même et l’éviter, soit la conduite sera contraire aux règles, mais il suffira d’alerter et d’engager une procédure auprès des fabricants de voitures, sans que cela nécessite d’ « arrêter » le véhicule en question.

Les policiers seront-ils les seuls professionnels touchés par cette évolution ? Outre les travaux en matière d'urbanisme et de circulation, que faut-il attendre pour les taxis, pour Uber, etc ?

Toujours dans le même ordre d’idées, d’autres professions associées à la voiture pourraient disparaître : il ne sera plus nécessaire d’arrêter la circulation pour faire traverser les enfants à la sortie des écoles, car des capteurs détecteront automatiquement leur présence. De même, il ne sera plus utile d’avoir un service de voiturier dans les restaurants pour garer les véhicules des clients… On peut aussi imaginer que les chauffeurs de camion ou de bus disparaîtront petit à petit et qu’il en ira identiquement pour les taxis.

Enfin, quels pourraient être les risques liés à une telle évolution et un tel remaniement urbain ? Y’a-t-il matière à craindre quoique ce soit ?

A priori, ces transformations se feront de façon progressive, puisqu’elles ne sont pas indispensables à la mise en place des véhicules autonomes. Elles répondront d’abord à un souci d’économies, mais elles répondront aussi aux aspirations collectives, par exemple à la volonté de disposer de plus de place pour marcher dans les villes, voire d’accroître la surface des espaces verts. A cet égard, on doit rappeler qu’il n’y a pas de déterminisme technologique. Le futur dépendra de ce que nous déciderons collectivement. Cependant, il ne faudrait pas que cela conduise à augmenter le temps de transport de façon démesurée, du fait d’embouteillages monstres, car même si la voiture laissera le temps de lire, de téléphoner ou de regarder des films, ce n’est pas un espace très confortable.

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