Pourquoi les germes et les virus sont les vrais maîtres du monde<!-- --> | Atlantico.fr
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La recherche médicale a établi de plus en plus de liens entre les bactéries et des pathologies comme les cancers ou encore les ulcères.
La recherche médicale a établi de plus en plus de liens entre les bactéries et des pathologies comme les cancers ou encore les ulcères.
©Wikimedia Commons

A l'attaque !

Au cours des dix dernières années, la recherche médicale a établi de plus en plus de liens entre les bactéries et des pathologies comme les cancers ou encore les ulcères. Certaines hypothèses envisagent même que la maladie d'Alzheimer puisse être en partie causée par des germes.

Patrick Berche

Patrick Berche

Patrick Berche est médecin bactériologiste et doyen de la faculté de médecine Paris Descartes.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont Une histoire des microbes (John Libbey Eurotext, 2007) ou Gloires et impostures de la médecine (Perrin, 2011). Et plus récemment Le Savoir vagabond (Docis, 2013).

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Atlantico : Au cours des dix dernières années, la recherche a établi un lien entre les bactéries et des maladies qui n'étaient auparavant pas considérées comme infectieuses, comme par exemple entre le papillomavirus et le cancer de l'utérus. Quel est le rôle joué par les germes dans le développement de ces maladies ?  

Patrick Berche : Une maladie est liée à deux choses. D'une part, à la constitution génétique d'un être humain qui possède un certain nombre de fragilités et d'avantages. D'autre part, l'environnement qui constitue le deuxième facteur, c'est là que les bactéries entrent en ligne de compte.

Toutes les maladies ont un fond génétique, dans certaines d'entre elles le facteur génétique est au premier plan, d'autres sont en partie environnementales. Sur un certain terrain génétique, même si vous fumez, vous pouvez vivre jusqu'à 90 ans et dans d'autres cas, vous serez atteint d'un cancer à 40 ans. En fonction de la composante génétique,certains individus sont plus résistants que d'autres aux contraintes environnementales.

La grande idée nouvelle depuis 10 ans est que notre recèle 1000 milliards de bactéries par gramme, la plupart inconnues. Cette flore avec laquelle on vit en bonne intelligence peut dans certains cas, comme à la suite d'un traitement antibiotique, attraper des bactéries dangereuses qui produisent des toxines et qui déséquilibrent ce microbiome. Ce déséquilibre explique certaines pathologies. Beaucoup de travaux sont publiés actuellement mais nous restons dans le domaine de l'hypothèse. Jusqu'alors on considérait les bactéries présentes dans l'environnement, désormais on s'intéresse également aux bactéries endogènes.

Les bactéries pourraient-elles être à l'origine de cancers ? 

Les bactéries, en plus des virus, peuvent déclencher des cancers. Nous possédons un faisceau d'arguments pour penser que les cancers coliques, extrêmement fréquents en occident et beaucoup plus rares en Afrique, seraient dus à certaines bactéries de la flore intestinale. Nous avons identifié toute une série de bactéries présente dans le microbiome. Ces bactéries produiraient des toxines qui à leur tour entraîneraient une inflammation chronique qui pourrait déboucher à terme sur un cancer. Il est donc probable que le cancer colique soit dû à un terrain génétique entendu, combiné à la présence de certaines bactéries qui produisent des toxines.

Le lien de causalité entre l'helicobactère et le cancer de l'estomac est la grande découverte de Mashall, prix Nobel de 2005. L'aspect positif est que le traitement de l'hélicobactère est ainsi en train de faire disparaître le cancer de l'estomac en Europe. Jusque dans les années 1990, les ulcères étaient considérés comme psychosomatiques. On estimait auparavant que les ulcères étaient le lot des personnes anxieuses et stressées. En réalité, on s'est rendu compte qu'une bactérie était à l'origine des ulcères et qu'en traitant les patients à l'aide d'antibiotiques, les signes d'inflammation disparaissaient. 

A côté des bactéries, on pense qu'un cancer sur six serait dû à des agents infectieux et en particulier à des virusUne bactérie est un être vivant complet avec un chromosome qui se développe à partir de nos propres cellules. Les virus seraient responsables d'un cancer sur six. Par exemple, le cancer de Burkitt, qui a été détecté en Afrique est dû au virus d'Epstein-Barr.

Le célèbre papillomavirus que vous citiez précédemment est responsable de près de 70% des cancers de l’utérus. Le sarcome de kaposi est dû à l'herpès numéro 8 et beaucoup plus rarement les virus appelés HTLV1 et HTLV2 sont responsables de leucémies.

Le message global est que lorsqu'il y a une inflammation chronique, l'augmentation de cancers est considérable. 

Quels sont les autres troubles pouvant être engendrés par les germes ?

De grandes maladies, comme l'obésité en Europe occidentale, ne sont pas uniquement dûe à la suralimentation. Le diabète peut également être lié à un microbiome particulier. Pour le diabète par exemple, si vous avez dans votre tube digestif des bactéries qui sont avides de glucose, votre glycémie sera moins élevée et vous allez être protégé. En revanche, si votre flore ne consomme pas de glucose, ce dernier passera beaucoup plus facilement. Pour le diabète il y a une autre cause, un virus que l'on appelle coxsackie qui pourrait détruire les îlots qui produisent l'insuline et être un facteur de diabète de type 1. Mais cela n'est pas démontré.

Qu'en est-il des maladies neurologiques ?

Dans le cas de l'Alzheimer aussi le microbiome a été mis en cause. Grâce à un traitement antibiotique, certains cas d'Alzheimer se sont améliorés mais il s'agit de résultats non confirmés. L'idée globale serait que le microbiome, les milliards de bactéries présentes dans le système digestif, pourrait dans certaines circonstances être modifiées et voir l'apparition de "bactéries méchantes" qui produiraient des toxines. Les toxines passant dans le sang, elles pourraient léser le tissu cérébral. Des recherches aujourd'hui essayent d'établir quelles maladies seraient influencées par le microbiome. 

Les toxines seraient ainsi toxiques pour les neurones mais les neurones ne se régénérant pas, cela peut entrainer des graves lésions cérébrales.

A l'inverse, l'absence de certains germes peut-elle favoriser le développement de pathologies comme l'asthme, la maladie de Crohn ou d'autres maladies inflammatoires ?

Pour l'asthme, une hypothèse a été développée. A l'instar des maladies auto-immunes, l'asthme augmente dans les pays développés. Cela serait dû à un excès d'hygiène. Contrairement aux pays en voie de développement, cet excès d'hygiène permettrait de développer plus facilement des phénomènes auto-immuns, c'est-à-dire des phénomènes où l'on fabriquerait des anticorps contre ses propres constituants. Certains pensent que l'asthme augmenterait car nous sommes hyper-protégés et que nous ne sommes pas suffisamment stimulés par des micro-organismes non pathogènes. Cela reste une hypothèse.

En occident, nous constatons ce paradoxe avec d'un côté une baisse de la mortalité due aux maladies infectieuses et depuis 50 ans, et de l'autre, l'augmentation certaines pathologies comme la sclérose en plaques. Il faut vivre ne bonne intelligence avec un environnement bactérien. 

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