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Pourquoi les faibles chiffres de l’inflation devraient attirer l’attention des responsables politiques tout autant (si ce n’est plus) que ceux du déficit public
©Reuters

0,7%

L'inflation en France s'est établie à 0,7% pour le moins de juin, contre 0,8% au mois de mai. Cet indicateur qui n'a fait réagir personne, alors qu'il témoigne d'un problème sérieux.

Frederik Ducrozet

Frederik Ducrozet

Frederik Ducrozet est économiste senior chez Pictet Wealth Management, en charge de l'Europe, depuis septembre 2015. Auparavant, il était économiste chez Credit Agricole CIB entre 2005 et 2015. Spécialiste de l'économie européenne, et de la politique monétaire de la BCE en particulier, ses travaux portent notamment sur le cycle du crédit, les politiques monétaires non-conventionnelles et leurs conséquences pour les marchés financiers.

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Atlantico : Ce 30 juin, l'INSEE publiait les derniers chiffres de l'inflation sur un an pour la France, soit 0,7% pour le moins de juin, contre 0,8% au mois de mai. Alors que le mandat de la BCE prévoit une "inflation inférieure mais proche de 2%", comment expliquer l'absence d'intérêt "public" pour ce qui pourrait apparaître comme un manquement de la part de la BCE, alors que dans le même temps, la question du dépassement des 3% de déficits, soulevée par la Cour des Comptes, a provoqué un véritable choc politique ?

Frederik Ducrozet La France n’est pas le seul pays membre dans lequel des chiffres d’inflation faibles, très éloignés de la cible de la BCE, ne choquent personne, alors que des chiffres d’inflation très élevés, à 3% ou plus, entraîneraient des levers de boucliers.

Il faut d’abord rappeler que la BCE n’a pas vocation à cibler un taux d’inflation dans un pays en particulier, mais que son mandat est la stabilité des prix en moyenne dans la région. Surtout, un taux d’inflation faible a des aspects positifs évidents pour le pouvoir d’achat des ménages, et peut par ailleurs refléter des ajustements structurels, typiquement une dévaluation interne par les salaires et les prix, qui peut être un objectif de politique économique, à tort ou à raison.

Ceci dit, la France est dans une situation un peu particulière, à cheval entre le cœur et la périphérie de la zone euro. L’ajustement par les salaires et les prix qui pourrait se justifier par un retard de compétitivité n’a pas vraiment eu lieu. Or l’inflation française est extrêmement faible sur les quatre dernières années, à 0.5% seulement en moyenne depuis 2013, à peine supérieure à l’Italie ou l’Espagne. Il est possible que la France soit un des rares pays dans lesquels la courbe de Phillips fonctionne encore – la relation négative entre inflation et chômage – puisque ce dernier est élevé et n’a amorcé une décrue que depuis quelques mois, même si d’autres facteurs entrent en jeu.

A contrario, il n’est pas surprenant que le déficit public fasse couler beaucoup plus d’encre, ne serait-ce que parce que le dernier exercice de comptes publics équilibrés date de 1974. Surtout, il est de coutume de faire porter le chapeau de « l’héritage » des déficits passés au gouvernement sortant à chaque début de quinquennat. Ce qui compte aujourd’hui, c’est la suite de l’histoire, à commencer par la loi de finances 2018.

Du point de vue purement économique, quel peut être le lien à établir entre faible inflation et dépassement des règles budgétaires. Dans quelle mesure le premier pourrait-il être une cause du second ?

Le lien le plus simple, mais aussi le plus robuste entre déficits publics et inflation passe par la croissance, si l’on part du principe qu’une inflation faible reflète une activité en-dessous du « potentiel » de l’économie. Si la croissance est durablement inférieure au potentiel, l’écart de production se creuse, l’appareil productif opère en-dessous de ses capacités, ce qui génère à la fois une baisse des rentrées fiscales (donc un écartement du déficit) et des pressions désinflationnistes sur les salaires et les prix. En d’autres termes, inflation et déficits sont des produits des variations du cycle des affaires. Au sein de ce cycle, l’inflation peut avoir un effet amplificateur sur les recettes et dépenses budgétaires, et une inflation plus forte tend à résorber certains déficits, mais cet effet reste marginal dans la plupart des cas.

N'y a-t-il pas un décalage entre le traitement de sujets véritablement prioritaires pour l'économie européenne et leur couverture politique ou médiatique ? Quelle serait la hiérarchie des données les plus importantes à suivre pour l'économie européenne ?

Il y a un décalage évident, et des différences importantes entre pays et entre media – typiquement entre la presse généraliste, économique, et financière. Du point de vue français, on peut par exemple noter la couverture très partielle et imparfaite, souvent biaisée, parfois caricaturale, des développements économiques et politiques en Allemagne qui sont pourtant essentiels à une bonne compréhension et coopération entre les deux pays.

D’une façon générale, les données économiques les plus importantes aujourd’hui sont souvent celles qui sont le moins bien couvertes par la presse généraliste : l’inflation en effet, mais aussi les salaires, le commerce, les flux de crédit bancaires, les enquêtes de confiance, les flux d’entrée-sortie sur le marché du travail, et bien sûr tout ce qui provient de la BCE, y compris leurs prévisions.

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