Pourquoi les casques de vélo ne protègent de presque rien (et aggravent même les choses)<!-- --> | Atlantico.fr
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Le port du casque serait à l'origine de certains accidents.
Le port du casque serait à l'origine de certains accidents.
©Reuters

Surenchère

Si le vélo est à la mode, le port du casque l'est moins. Pourtant plébiscité par de nombreuses associations, il semblerait que son efficacité soit à nuancer. En effet, diminuant l'attention des cyclistes et rassurant les automobilistes qui baissent alors leur vigilance, il serait même à l'origine d'accidents.

Claude Lievens Souday

Claude Lievens Souday

Vice-Président de la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB). Président d'une des 190 associations locales qui œuvrent au quotidien pour une ville plus pratique et plus sûre pour les cyclistes. Représentant de la FUB lors des négociations sur le Plan d'Aide aux Mobilités Actives (PAMA)  annoncé en mars par le Gouvernement. 

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Atlantico : Selon une étude de 2005 de la Sécurité Routière (lire ici), le vélo ne serait responsable que de 17% des blessures à la tête, derrière les accidents de piétons (26%) et des automobilistes (24%). Comment expliquer une telle focalisation sur le casque de vélo et pas sur le casque en voiture ou à pied par exemple ? Sait-on vraiment quelle proportion d'accidents le casque de vélo permettrait d'éviter ?

Claude Lievens Souday : La focalisation sur le vélo est principalement liée au fait que l’utilisation de ce moyen de transport est en train de croître de manière significative dans beaucoup de villes. Autrement dit, le pourcentage de déplacements qui sont effectués à vélo en ville est en croissance et ce point représente une gêne pour un certain nombre de personnes. Nous assistons à une récupération de l’espace au profit des cyclistes mais également des piétons, ce qui provoque une saturation à des endroits dans les villes. C’est la raison pour laquelle dans plusieurs villes dans le monde, il a été mis en place des péages urbains ou encore des zones de trafic limitées afin de laisser la place également aux cyclistes.

Les raisons qui font que la sécurité n’est pas  focalisée sur le port de casque en voiture sont encore méconnues au même titre que les incidents en noyade qui sont bien plus nombreux et pourtant sous-représentés. Il faut savoir que sur les derniers chiffres, il y a eu 155 morts en vélo dont un tiers en ville, les deux tiers restants sont des morts sportifs, c’est-à-dire en dehors des agglomérations. Nous ne savons toujours pas pourquoi la focalisation reste sur les victimes en vélo alors que les accidents mortels de la vie courante par exemple sont bien plus importants. Le dernier chiffre s’élève à environ 6800 morts dans des accidents de tous les jours.

Si nous revenons sur l’exemple de la noyade qui connaît davantage de victimes, pourquoi ne pas obliger le port d’une brassière protectrice, la logique serait bien plus acceptable au vu des chiffres alors que ce n’est pas une activité essentielle, nous n’allons pas à la nage au travail ou à l’école ! Le débat sur le port d’un casque en vélo est une aberration certaine. Nous n’avons pas de chiffres exacts sur la proportion d’accidents que son port pourrait éviter. Une chose est sûre, le casque en vélo au-dessus de 20 km remet en cause son efficacité. En dessous de 20 km, nous pouvons estimer que le casque est une protection, au-dessus, cela semble assez complexe. Or, la majorité des chocs sont estimés au-dessus des 20 km car ils sont constatés en dehors des villes, dans un usage sportif. Les accidents en ville sont principalement des altercations avec des automobiles.

Le port du casque en vélo provoquerait des comportements à risques et serait donc dangereux ? Que doit-on en penser ?

Je réalise de nombreuses interventions au sein des collèges pour sensibiliser aux usages du vélo. Aujourd’hui, les parents répètent à leurs enfants qu’il faut absolument mettre son casque. Or, les jeunes portent leur casque comme s'ils prenaient une manette de console de jeux entre leurs mains. A partir du moment où ils ont leur casque, ils pensent être invincibles. Je passe mon temps à leur expliquer qu’avant de porter le casque, il faut avant tout avoir les bonnes pratiques en ville, respecter les règles. La focalisation sur le casque est dramatique car elle fait oublier l’aspect éducationnel de la pratique du vélo, à commencer par le respect du code de la route et autres règles civiques. A cela s’ajoute le côté pervers du port du casque vis-à-vis des automobilistes qui sont moins vigilants en pensant que le casque est une protection suffisante.

Revenons en à l’attitude des automobilistes : ils seraient effectivement moins attentifs aux cyclistes qui portent un casque. Ils auraient, par exemple, tendance à réduire la distance entre le cycliste et leur voiture. Que devons-nous en penser ?

Il faudrait prendre le problème à l’envers. En réalité, plus les automobilistes seront sensibilisés sur la place à laisser aux cyclistes, moins il y aurait d’accidents. Aujourd’hui, toute une génération entre 30 et 60 ans a essentiellement été habituée aux déplacements en voiture. Ces personnes n’imaginent pas un trajet autrement qu’en voiture, ils sont complètement inconscients vis-à-vis des cyclistes. C’est avant tout un problème d’éducation aux problématiques des cyclistes.

La conception et un design inadapté des casques de vélo, pourraient poser problème et engendrer des fractures du cou, par exemple en cas de chute. Est-ce vrai ?

Certaines publications sur le sujet avancent le fait qu'un casque qui serait totalement efficace pèserait 5 kg. Or, c’est impossible car il serait fortement nuisible et importable car les vertèbres du cycliste ne le supporteraient pas. En revanche, les personnes ne sont pas du tout sensibilisées aux usages du casque, à sa durée de vie, à la manière de la positionner sur la tête. Nous n’avons pas ce problème chez les motards qui savent exactement quand un casque n’est plus valide. Ce phénomène est constaté chez les jeunes cyclistes qui ne savent pas qu’il ne faut pas jouer avec son casque, qu’il faut l’enlever une fois la balade terminée. L’efficacité du casque est déjà bien limitée, si en plus celui-ci est endommagé, son port est obsolète.

Il faut commencer par éduquer tous les cyclistes et les automobilistes. Le casque est uniquement un moyen facile d’évacuer les problèmes de la sécurité des cyclistes. Un constat prégnant le nombre d’accidentés n’augmente pas alors que le nombre de cyclistes augmente.

Le port du casque ne représente-t-il pas un frein à l'utilisation du vélo ?

Dans tous les pays où le port du casque est obligatoire, une réduction de la pratique a été constatée. Obliger les cyclistes à porter un casque en dehors des pratiques sportives est négatif car cela représente une contrainte. Il faudrait davantage les former. Nous allons d'ailleurs en ce sens. L’école commence à s’y mettre, l’année dernière a eu lieu la première journée du vélo à l’école, cette année cette sensibilisation s’étale sur une semaine. Ce serait effectivement dommage que le port du casque engendre à un nivellement vers d’autres moyens de transports moins sûrs.  

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