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Pourquoi la société a besoin des réactionnaires autant que des progressistes
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Bonnes feuilles

Qu’est-ce qui a changé, entre l’entrée dans le XXème siècle et l’entrée dans le XXIème siècle? L’enthousiasme fidéiste dans le progrès s’est évaporé. Extrait de "Le Progrès ? Point Final", de Robert Redeker, publié aux éditions Ovadia (1/2).

Robert Redeker

Robert Redeker

Robert Redeker est né le 27 mai 1954 à Lescure dans l'Ariège. Agrégé de philosophie, il est l'auteur de nombreux livres et collabore à diverses revues et journaux. Il a notamment publié Le Progrès ou l'opium de l'histoire (2004), Egobody : La fabrique de l'homme nouveau (2010), L'emprise sportive (2012), Bienheureuse vieillesse en 2015.

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La croyance au progrès s’accompagne de surdéterminations morales. Sous le signe du progrès, la morale et la métaphysique du temps contractent des épousailles: l’affirmation morale s’indexe sur le temps, ce qui vient après est forcément moralement meilleur que ce qui précède. Ce «moralement» meilleur s’ajoute à l’«ontologiquement» meilleur. Les progressistes se pensent moralement supérieurs aux réactionnaires et aux décadentistes: être réactionnaire se voit stigmatisé comme étant l’auteur non d’une faute morale, mais d’une existence par essence moralement condamnable, injustifiable. Aux yeux des progressistes, l’existence du réactionnaire est une faute ontologique – le réactionnaire est une anomalie de l’histoire, un être qui n’a pas à exister. Le progressiste reprend, par rapport à ceux qu’il estime réactionnaires, la posture des conquistadors et autres colonisateurs par rapport aux indigènes, en glissant de l’espace au temps : si les indigènes sont des anomalies de l’espace, qu’il convient de faire disparaître pour laisser place à la colonisation civilisée, les réactionnaires sont des anomalies du temps qu’il importe d’effacer pour laisser place à la radieuse route de l’avenir progressiste. Civiliser l’histoire exige d’éliminer les réactionnaires. Dans tous les cas, le réactionnaire est perçu comme un synonyme de l’abjection morale, du mal historique, comme un pécheur absolu. Plus généralement, l’homme moderne, tant qu’il est habité par la croyance au progrès, se tient pour moralement supérieur aux hommes des temps passés. Il se tient pour «plus évolué», répète à l’envi que «nous ne sommes plus au Moyen Âge». Il est rare de rencontrer des esprits aussi libres que Leo Strauss estimant que l’Aufklärung médiévale (celle de Maïmonide) est supérieure à l’Aufklärung moderne, qui fut la matrice d’où sortit le progrès. Appuyés sur une métaphysique implicite du temps, les progressistes ont réussi à faire basculer le moralisme des tenants du passé vers ceux du futur, du camp de l’immobilité vers celui du mouvement. Le progrès, idée pour laquelle le bien est l’œuvre du temps, ou ce qui se découvre dans l’avancée du temps, est aux antipodes de Platon pour qui le bien est ailleurs, éternel et étranger au temps. Une métaphysique dynamique du temps est inhérente à la morale progressiste – non, comme chez Platon une métaphysique statique et éternitaire. Présupposé des progressistes: le temps, dans la mesure même où il passe, loin de détruire, accumule et édifie, construit, produit le bien par l’intermédiaire du mieux. Le temps est ce qui fait que le Bien se fait. Ce moralisme dynamique s’indexe sur la perfectibilité de l’homme ; pour le christianisme, au contraire, à quelques exceptions près, comme celle, notable, de Teilhard de Chardin, la nature humaine étant statique et corrompue par le péché originel, il n’y a pas de progrès moral d’ensemble, tout étant à recommencer à chaque génération.

Extrait de "Le Progrès ? Point Final", de Robert Redeker, publié aux éditions Ovadia, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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