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Pourquoi famille et amis se fâchent si facilement pendant les réveillons
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Et la science nous révéla...

C'est chaque année la même chose : le repas de famille tourne au vinaigre et ce qui devait être un moment agréable se transforme en guerre de tranchées. Un passage quasi obligatoire, mais pas forcément négatif.

Edith Tartar Goddet

Edith Tartar Goddet

Edith Tartar Goddet est psychosociologue et psychologue clinicienne. Elle est spécialiste de la gestion des adolescents au sein de la structure familiale et de l'adolescence dans le cadre scolaire, ainsi que des dysfonctionnements relationnels toujours dans le cadre scolaire. Elle a notamment collaboré au projet Comment réussir ses vacances ? et est l'auteur, parmi de nombreux ouvrages, de Développer les compétences sociales des adolescents par des ateliers de parole aux Editions Retz. 

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Atlantico : Pour quelles raisons les repas de famille durant les fêtes tournent-ils souvent aux règlements de compte ?

Edith Tartar-Goddet : Au-delà des fêtes, tous les moments de familles où l'on se retrouve de manière imposée, comme à la Toussaint par exemple où on se réunit au cimetière, sont sources de tensions. Nous n'avons plus l'habitude, dans notre vie privée, de se donner des contraintes. Lors de ces repas, de ces retrouvailles, on se retrouve donc pris en tenailles entre notre envie de faire plaisir et le fait que cette réunion obligatoire nous casse les pieds. Nous sommes déjà en tension à l'intérieur de nous-mêmes, il est donc normal que les conflits naissent.

D'autant qu'il y a des éléments extérieurs qui peuvent  favoriser ces tensions comme le fait de devoir faire des cadeaux par exemple. Quand cela est pris au sérieux et que l'on se retrouve contraint d'offrir quelque chose à quelqu'un que l'on n'apprécie pas particulièrement, cela peut également engendrer des tensions. On peut également parler de l'alcool puisque ces repas sont souvent arrosés. Or l'alcool désinhibe et peut nous faire faire et/ou dire des choses que l'on retenait jusqu'ici.

Les rivalités d'enfants renaissent donc chez les adultes à l'occasion des repas de fêtes ? Ces règlements de compte sont donc inévitables ?

Il y a toujours des tensions, des rivalités. Quand on est enfant, et même une fois devenus des adultes, on a toujours l'impression que les parents en préfèrent un plutôt qu'un autre. Ce genre de sentiment est toujours ravivé au moment des fêtes. Il y a des subtilités qui peuvent être à fleur de peau : les moindres faits, les moindres paroles, vont être interprétés.

Il y a également le regard que l'on porte – et celui qui est porté sur nous. On analyse où en sont les frères et sœurs, comment ils éduquent leurs enfants, on compare  leur réussite à la nôtre et tout cela entretient les rivalités déjà existantes.

Des choses qui n'ont pas été dites, des illusions qui n'ont pas été vérifiées, peuvent refaire surface à cette occasion. Ce sont des choses très banales qu'il faut évidemment prendre au sérieux mais ne pas dramatiser. Ces conflits peuvent être le signe d'autre chose, d'un malaise ou d'un manque d'estime de soi. C'est au rôle de la puissance invitante d'apaiser et en même temps d'ouvrir la voie au dialogue.

Mais tout cela est normal. C'est même très intéressant qu'il y ait des désaccords en famille. Le problème, en France, est que l'on a énormément de mal à vivre les conflits. Ce n'est pas le cas dans les pays anglo-saxons où ils sont plus pragmatiques.

Y-a-t-il des explications sociologiques à ces règlement de compte ? Freud parlait du "narcissisme des petites différences" expliquant que, plus on est proche et plus on a de chances de battre. Est-ce cela que l'on retrouve au sein des familles durant les fêtes ?

De plus en plus, dans l'espace social, on se retrouve avec les mêmes personnes, des gens qui nous ressemblent. La famille est, de ce point de vue, différente des groupes de notre quotidien. Même si ces personnes sont de notre famille, elles nous ressemblent moins que nos proches, nos amis, que nous côtoyons tous les jours. Quand on ne se voit pas beaucoup, que l'on voit des membres qui sont plus loin de nous, on va se retrouver dans une situation de grande proximité physique qui va s'opposer à une moins grande proximité psychique. Cela peut exacerber les tensions et faire renaître les rivalités historiques. Mais il est toujours intéressant de susciter de produire des lieux où on côtoie rencontre des gens qui ne sont pas comme soi. Ces lieux sont rares aujourd'hui. Cette confrontation est nécessaire pour s'approprier sa différence.

Mais le conflit en soit n'est pas une mauvaise chose ? 

Chaque personne a une approche différente face au conflit : pour certains, c'est la fuite, l'évitement, pour d'autres l'affrontement. La manière la plus positive est de ne pas détruire mais, au contraire, de construire. On peut ainsi utiliser l'humour pour faire passer un message mais pas l'ironie. On peut ainsi dire "Oh mais toi, je ne pouvais te supporter petit !" et engager ainsi la discussion. Si tout cela est dit gentiment, sans intention de blesser, ça peut permettre de dire un certain nombre de choses.

Parler, dire les choses, c'est une manière de faire que nous n'enseignons pas en France au contraire des pays anglo-saxons. On appelle ça les compétences psycho-sociales et c'est enseigné dans les écoles.  Les conflits sont bons à condition que l'on puisse se parler avec des émotions, plutôt que des mots désagréables. Si on ne se supporte pas, il faut le dire avec des mots respectueux car ce n'est pas la personne que l'on attaque mais sa manière de faire. Quand on le dit, ça fait un bien terrible. On se sent soulagé. 

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