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Pourquoi certains anti-douleurs peuvent faire autant de dégâts que les drogues illégales
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Pas si pire ?

De nombreux médicaments anti-douleurs, donc des dérivés de la morphine, peuvent avoir des effets secondaires potentiellement nocifs en cas de trop grande ingestion ou de problèmes liés aux patients.

Jean-Paul Giroud

Jean-Paul Giroud

Le Pr Jean-Paul Giroud est l'un des spécialistes les plus reconnus en pharmacologie. Membre de l'Académie nationale de Médecine, de la commission d'Autorisation de Mise sur le Marché, de la Commission de pharmacovigilance et expert auprès de l'OMS, il est également l'auteur de plusieurs livres, dont "Médicaments sans ordonnance : les bons et les mauvais" Editions de la Martinière.

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Atlantico : Les antidouleurs sont un type de médicaments beaucoup plus vaste que ce que l'on pense aujourd'hui, ce qui provoque souvent des confusions. Pouvez-vous nous détailler quels sont les catégories de médicaments utilisés par les patients de nos jours ?

Jean-Paul Giroud : Il y a de nombreuses classes de produits antidouleur. Tout d'abord, les antalgiques de pallier 1 de la classification de l’OMS, qui représente les douleurs faibles à modérés. C'est le cas du paracétamol, de l'aspirine et des anti-inflammatoires non stéroïdien. Pour les antalgiques de pallier 2, Il y a la codéine, présente également dans les sirops, et le tramadol. La codéine est efficace seulement dans le cas où celle-ci sera transformée en morphine, ou il y a environ 10% de la population qui ne peut pas la transformer en morphine donc n'y a donc pas d’effet antalgique. Le médicament n’aura donc aucun effet. Les antalgique de pallier 3 sont des opioïdes - dérivée de l’opium - dont le chef de file est la morphine. Dans certains cas, la codéine est métabolisée très rapidement, ce qui entraîne un excès de morphine dans l’organisme. Des gens peuvent donc devenir intolérants à la codéine. 8% de la population est concernée par ce problème, ce qui cause des gènes respiratoires et d’autres problèmes. Cela prouve que les produits doivent être administrés et prescrits selon les individus.

Il y a également certains types de douleurs pour lesquels ces produits ne sont pas efficaces, ce qui oblige les médecins à passer à des médicaments d’autres classes. Par exemple, pour les douleurs chroniques comme les douleurs neuropathiques liées à des irritations de nerfs périphériques ou du système nerveux central, la morphine et ses autres dérivés ne sont que peu voire pas efficaces. On utilise donc d’autres médicaments comme certains antiépileptiques tels que le Tégrétol ou la Di-hydan.

Certains types de médicaments utilisés pour lutter contre la dépression peuvent également servir à d’autres types de douleurs neurogènes. C’est le cas du Tofranil et des dérivés voisins qui ont la même efficacité dans certains types de douleurs.

La neurostimulation, un traitement non médicamenteux, peut lutter contre la douleur par voie transcutanée. On se sert d'une électrode au niveau du système nerveux qui permet une stimulation pour diminuer les phénomènes douloureux. Cela fonctionne de la même façon qu’un pacemaker.

Un produit cannabinoïde, le Sativex (dérivé du cannabis), permet de lutter contre certaines douleurs liées aux spasmes de la sclérose en plaque, pour lesquels les produits de type morphinique ne sont pas efficaces.

Un reportage américain (celui de Vox) affirme qu’un type d'antidouleur commercialisé, dérivé de la morphine, aux Etats-Unis causerait plus de 40000 morts par an. Comment l'expliquez-vous ? Un phénomène similaire existe-t-il en France ? Y a t-il un réel danger lié à la consommation d'antidouleurs ?

Je pense que si les médicaments sont bien utilisés, ils n’entraînent que très rarement de problèmes graves. On peut se demander si les médicaments sont prescrits à bon escient, le problème étant souvent lié à une prescription mal faite. On prescrit ces médicaments en fonction de l’individu et de ses antécédents. Deuxièmement, est-ce que le patient ne va pas en prendre une trop forte dose parce qu’il pense que çela n’est pas efficace à la dose préconisée par le médecin ? C’est ce qui cause souvent des intoxications. Tout médicament qui n’est pas utilisé dans de bonnes conditions peut entraîner des problèmes graves, très grave. Ainsi, le paracétamol (Doliprane), lorsqu’un individu en prend plus de quatre grammes en 24H, peut causer une atteinte hépatique grave, voir conduire à la destruction du foie.

Ce qu’il faut savoir, c’est que les risques de morts par la morphine et les dérivés opioïdes sont liés à des dépressions respiratoires, en particulier du à une surcharge en médicaments, autrement dit une overdose. Les dérivés morphiniques ne sont pas considérés en France comme les substances les plus dangereuses à utiliser et nous n’observons heureusement pas en France les mêmes ravages qu’aux États-Unis. En France, la circulation de ce type de produit y est très réglementée, et n’est prescrit qu’à des périodes précises. L’article de Vox prétend qu’un produit à base de marijuana pourrait être aussi efficace pour lutter contre les douleurs, ce qui est parfaitement inexacte. Comme je l’ai dit, il n’est efficace que dans un seul type de douleurs de la sclérose en plaque.

Enfin, comment se prémunir de ces dangers ? Faut-il privilégier le contrôle, l'interdiction ou la prévention ?

Ce qui est certain, c’est qu'une meilleure formation des médecins sur les différents types de médicaments de la douleur antalgique, en particulier des dérivés de la morphine, est nécessaire. C'est le cas aussi pour les patients, pour qu’ils apprennent à utiliser correctement ces produits suivant les indications données par le médecin et retrouvées sur la notice.

Propos recueillis par Thomas Gorriz

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