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Seul celui qui a du charisme et de la puissance peut faire rêver et prétendre au pouvoir...
Seul celui qui a du charisme et de la puissance peut faire rêver et prétendre au pouvoir...
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En voiture !

Dominique Strauss-Kahn pris en photo dans une Porsche et la presse française s'affole. Et si les signes extérieurs de richesse constituaient en réalité un atout électoral ? Pour le sociologue Anthony Mahé, le rapport des Français à l'argent et au luxe est moins caricatural que les médias semblent le penser...

Anthony  Mahé

Anthony Mahé

Anthony Mahé est sociologue à l'ObSoCo (Observatoire Société et Consommation). Il est spécialisé dans les domaines de l'imaginaire de la consommation et de la sociologie du quotidien. Il a réalisé une thèse de doctorat sur le recours à l’endettement bancaire à l'Université Paris-Descartes.

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DSK roule en Porsche. Voilà qui soulève une nouvelle fois l’ambiguïté dans le rapport du politique avec l’argent, réveillant le stéréotype de la « gauche caviar » et par répercussion du « bling-bling » de notre président de la République.

Étrange offuscation, sinon ironique, pouvons-nous observer à la suite de cette révélation, une semaine après l’adulation collective devant le mariage princier de Kate et William. N’avons-nous pas vu une large partie de la population aux aguets du moindre détail à propos des dépenses somptuaires engendrées pour l’occasion ? Une partie des Français s’est projetée dans ce rêve comme pour y participer symboliquement. Il reste bien une part de mythe dans notre société et les gens en ont besoin pour échapper à la morosité du climat social.

Le luxe en question

Cette affaire de Porsche pose en réalité la question du luxe dans notre société. Le luxe est paradoxal, par-delà le raffinement et l’esthétique qu’il suggère, il est le lieu de la célébration de l’inutilité. Pourtant,  il n’a de cesse de fasciner les foules. Comme le soutenait l’historien Fernand Braudel : « si le luxe n’est pas un bon moyen de soutenir, ou de promouvoir une économie, c’est un moyen de tenir, de fasciner une société. »

C’est bien de cela dont il est question, aussi bien dans le mariage princier qu’au travers des apparats de DSK ou même de Sarkozy : la fascination. On ne peut pas réduire le luxe à sa dimension de signe distinctif renvoyant à une appartenance sociale, bref à un signe extérieur de richesse. Cela existe mais il y a autre chose en jeu.

Le luxe est ostentatoire et il confère ainsi de la visibilité, il permet de s’exhiber, et force est de constater que cela fonctionne. En soi, c’est une stratégie de communication, volontaire ou non, particulièrement efficace, dans le sens où cela crée nécessairement de la participation. Plutôt que du pouvoir cela confère de la puissance, c’est probablement un des  terreaux de séduction sur lequel s’est fait élire Sarkozy. Seul celui qui a du charisme et de la puissance peut faire rêver et prétendre au pouvoir. Un programme politique n’est pas suffisant. Autant on voyait bien DSK en homme de pouvoir, autant manquait-il peut-être singulièrement de charisme au sens où il serait capable de faire rêver, d’enthousiasmer émotionnellement les foules.

La Porsche : un outil de séduction des classes moyennes

Sur le plan sociologique, l’apparat est une mise en scène de soi, il permet de partager un goût, une sensibilité, cela entre-ouvre l’intimité. Le symbole de la Porsche est tellement évident qu’il permet certainement à DSK d’entrer en phase avec les classes moyennes qui admirent, voire aspirent secrètement  à ce fantasme collectif.

Il suffit d’observer un certain nombre de tendances chez ces mêmes classes moyennes : la propension croissante des dépenses depuis trente ans affectées au confort intérieur de l’habitat ou la banalisation des objets High Tech, coûteux sans être pour autant au sens économique « utiles ». On aime s’entourer de biens de consommation parce qu’ils nous relient aux autres, ils font du lien social. Les biens inaccessibles font eux rêver, comme la robe princière de Kate ou l’Aston Martin de leur échappée nuptiale.

In fine, la démonstration par le luxe est un moyen particulièrement subtil et efficace pour entrer en relation avec le peuple tout en gardant une certaine distance. C’est notre époque qui veut cela. On est depuis les années soixante au moins dans une « société de spectacle ». Autant quand le théoricien révolutionnaire Guy Debord employait cette formule, c’était bien pour dénoncer  l’illusion et la tromperie que cela sous-tendait, autant aujourd’hui c’est bel et bien un mode de vie structurant, à la fois pour la vie politique et économique.

La critique, qu’elle vienne de droite ou de gauche, qu’elle s’adresse à DSK,  à la « gauche caviar » ou à Sarkozy, est une résurgence désespérée d’une idéologie qui a subie l’épreuve du temps mais dont les Français, moins qu’une certaine élite intellectuelle, n’est peut-être pas si dupe.

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