Pollution : les déchetteries, ces nouvelles mines urbaines<!-- --> | Atlantico.fr
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Une décharge près du fleuve Maroni, en Guyane, en 2019.
Une décharge près du fleuve Maroni, en Guyane, en 2019.
©Jody Amiet / AFP

Bonnes feuilles

Yvan Stefanovtich publie « La mafia du recyclage Entre monopoles, gaspillages et conflits d'intérêts » aux Editions du Rocher. Depuis trente ans, les Français trient et paient pour que leurs déchets ménagers soient recyclés pour lutter contre les dangers du plastique qui pollue nos rues et routes avant de tapisser le fond des océans. Pourtant, le recyclage n'est pas vraiment efficace dans notre pays, lanterne rouge en Europe. Extrait 2/2.

Yvan Stefanovitch

Yvan Stefanovitch

Yvan Stefanovitch, journaliste, s’est spécialisé dans les enquêtes sur les gaspillages français. i l est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages, dont Aux frais de la princesse (2007), Le Sénat : Enquête sur les super-privilégiés de la République (2008), La Caste des 500 (2010), Enquête sur les faiblesses de l’armée et les milliards gaspillés par l’État (éditions du Moment, 2013) et Histoire secrète de la corruption sous la Ve (Nouveau Monde, 2014).

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Ce manque d’investissements des industriels dans les filières de recyclage des DEEE s’explique aussi par la tradition historique des activités illégales des casseurs et ferrailleurs. Ce monde vit aujourd’hui en parasite de la filière des DEEE, dont il cannibalise environ 50 % de la récupération des déchets métalliques. Des microcanaux de collecte et de tri permettent d’en détourner une bonne partie, en canalisant les ferrailles à trier, vers les broyeurs qui concassent aussi les véhicules épaves bourrés de DEEE à récupérer. La destination illégale la plus prisée: l’export pour soi-disant réemploi de flux de DEEE.

Également destinée à l’exportation, une partie du trafic illégal s’alimente en dehors de cette filière économique officielle de collecte et de traitement des DEEE. Ce sont les vols nocturnes de câbles (pour leur cuivre) en aérien ou en sous-sol, appartenant à la SNCF, à l’EDF, au Réseau de transport électrique (filiale d’EDF acheminant l’électricité avec des lignes à haute tension), aux sociétés de téléphone, d’autoroutes et aux municipalités. Ce qui, faute de signalisation, enfin de courant, provoque la fermeture d’autoroutes, des interruptions du trafic SNCF, des arrêts locaux de la téléphonie mobile et fixe, ainsi que la plongée dans le noir, en pleine nuit, de villages. Bien sûr, seule la presse locale retrace ces désagréments…

La filière légale de collecte et de traitement des DEEE ménagers se fait, elle, surtout piller régulièrement dans les 4 600 et quelques déchetteries françaises. Elles sont cambriolées ou incendiées la nuit et leurs gardiens doivent souvent fermer les yeux en pleine journée face à des gros bras à la recherche de métaux, notamment du cuivre. Les « déchettes » (les déchetteries dans l’argot des ferrailleurs) ont connu une expansion extraordinaire dans l’Hexagone, depuis les années 1990. De 600 il y a environ une trentaine d’années, elles ont explosé, atteignant le chiffre de près de 4 700 aujourd’hui !

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Il y a une déchetterie en France pour 15 000 habitants contre une pour 500 000 habitants en Allemagne. Comment s’explique un tel décalage qui fait des déchetteries allemandes des entreprises économiquement rentables? Parce que l’extraordinaire réseau français de déchetteries répond aussi à une préoccupation essentielle de clientélisme politique, teintée de social. Au fin fond de l’Hexagone, il permet aux maires, conseillers généraux, sénateurs et députés, de dénicher pour leurs ouailles des emplois sans grande qualification, tout particulièrement pour les handicapés.

Fustigées par les éco-organismes pour leur manque de rentabilité, ces déchetteries ne peuvent pas l’être. Mais, en matière de collecte des ordures ménagères, elles figurent tout de même à la deuxième place, juste derrière le ramassage des poubelles en porte à porte. Et ce réseau devient de plus en plus efficace économiquement parlant, collectant aujourd’hui 37 % des DMA (Déchets de ménages et assimilés) des Français! Les tonnages ainsi collectés continuent de progresser d’une année sur l’autre8 alors que le ramassage en porte à porte (encore numéro 1) baisse inexorablement. En milieu rural, la performance des déchetteries peut ainsi dépasser 50 % des flux des DMA collectés par le service public de gestion des déchets ménagers.

Le crime organisé se nourrit bien sûr de ce réseau fantastique des « déchettes », qui se transforment peu à peu en de coûteux bunkers fortifiés. Les petites mains de cette mafia réussissent toujours à s’y servir. Il y a une quinzaine d’années, l’adhésion de la Roumanie à l’Europe a donné la possibilité aux réseaux criminels de ce pays de se fournir en direct dans ces cavernes d’Ali Baba de l’Hexagone. Certes, depuis les années 2012-2013, l’augmentation incessante des cambriolages de déchetteries a été stoppée. Le vote en juillet 2011 d’une loi interdisant le règlement en espèces pour toute transaction portant sur des métaux dans l’Hexagone n’est sans doute pas étranger à cette baisse des faits constatés. En effet, les ventes et achats en liquide restent autorisés dans les pays limitrophes. La France et la Bulgarie sont, pour le moment, les seuls États européens à avoir interdit le paiement en espèces des achats au détail de métaux ferreux et non ferreux.

Extrait du livre d’Yvan Stefanovtich, « La mafia du recyclage Entre monopoles, gaspillages et conflits d'intérêts », publié aux Editions du Rocher

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