Politique étrangère : Emmanuel Macron au piège de son En Même Temps<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron.
Emmanuel Macron.
©Ludovic MARIN / AFP

Quelle voix sur la scène internationale ?

Désormais, la France ne fait pas seulement soutenir la légitime défense de l’Ukraine, elle entend lui donner les moyens d’un rapport de force prolongé avec la Russie.

Cyrille Bret

Cyrille Bret

Cyrille Bret enseigne à Sciences Po Paris.

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Atlantico : A trois jours des élections européennes, Emmanuel Macron a accordé ce jeudi un entretien aux JT de 20H à l’occasion du 80e anniversaire du Débarquement. Quels sont les principaux enseignements des prises de position d’Emmanuel Macron sur le conflit en Ukraine, sur le rôle éventuel de la France dans le conflit, les livraisons d’armes et sur la relation avec la Russie ? Le chef de l’Etat a-t-il prôné l’apaisement et cherché la voie d’une désescalade ?

Cyrille Bret : Le tournant stratégique de février dernier est définitivement confirmé. En effet, le chef de l’Etat a rompu avec sa ligne précédente de soutien à l’Ukraine tout en préparant un retour au dialogue avec la Russie. Désormais, et ce depuis février 2024, le président français assume une ligne de fermeté active envers la Russie. Hier, il a précisé les contours des initiatives françaises en la matière avec une mesure symbolique, le transfert à l’armée de l’air ukrainienne de Mirage 2000-5 et la formation des équipages par la France. Il s’est rallié aux demandes constantes de l’Ukraine qui considérait l’échec de sa contre-offensive de l’été 2023 comme la conséquence de l’absence de moyens aériens. Ces avions ne sont pas de toute dernière génération mais portent des missiles MICA destinées au combat aérien et donc à l’interception de drones et d’avions russes. Plus largement, en se portant à l’avant-garde de La Défense de l’Ukraine, le président Macron entend briser quelques tabous : il souligne la possibilité d’envoyer officiellement du personnel militaire français sur le sol ukrainien et il fait évoluer les positions en Europe vers des frappes ukrainiennes sur le sol russe. Alors qu’il voulait aider l’Ukraine à se défendre, désormais, il souhaite clairement l’aider à attaquer. On voit par là que le tabou d’un rapport de force militaire avec la Russie via l’Ukraine est prêt d’être mis en cause. Il s’agit d’une inflexion réelle de la position française dans la région.

Quel bilan tirer des déclarations du président de la République sur la question du conflit à Gaza, sur la libération des otages et sur la reconnaissance de l’Etat palestinien ?

Là encore, le chef de l’Etat a placé son intervention sous le signe du refus des tabous en considérant que la reconnaissance d’un Etat palestinien ne relevait pas des interdits.Toutefois, il a en réalité préservé plusieurs totems du camp occidental sur le sujet : malgré les procédures de la CPI contre les responsables politiques israéliens, il a réitéré sa position de dialogue  avec le Premier ministre israélien; et malgré les atouts de la diplomaties françaises dans le monde arabe, il a réaffirmé le rôle moteur des Etats-Unis et de leur plan de paix afin de faire pression sur les Etats-Unis. Une certaine prudence se constate dans ces prises de positions alors même que la situation des populations civiles dans la bande de Gaza aurait permis et sans doute réclamé de faire une voix plus exigeante à l’égard des autorités israéliennes.

Emmanuel Macron lors de cette interview a-t-il essayé de briser quelques tabous sur les dossiers internationaux ? S’est-il montré très concerné par les sujets de politique intérieure comme la lutte contre le RN et l’échéance des élections européennes ?

Au milieu des trois jours de commémoration internationale du Débarquement de Normandie, le chef de l’Etat a très nettement placé sa conviction européenne et son statut de leader continental sur la table. On peut, comme M. Bellamy, dénoncer l’utilisation de ce moment à des fins politiciennes. Mais on doit rappeler que tous les chefs d’Etat et de gouvernement mettent en évidence leur stature internationale à l’occasion de ces événements non seulement pour servir leur parti et leurs convictions mais aussi pour réaffirmer le statut géopolitique de leurs pays. C’est ce qu’a fait Emmanuel Macron, notamment en soulignant que la ligne du Rassemblement national pourrait bloquer les évolutions en cours de l’Union européenne vers un rôle international plus affirmé. Le président est en campagne nationale et les questions internationales font partie intégrante de sa stratégie. Ce n’est pas un tabou qui est brisé sur la tête de l’opposition. C’est un totem français qui est mis à l’honneur.

Quel bilan tirer sur le plan géopolitique de l’intervention du chef de l’Etat ?

Le bilan est fait de nombreuses continuités et de quelques ruptures. Le chef de l’Etat a sacrifié hier à la doctrine française de la « vision mondiale » : en intervenant sur toutes les questions géopolitiques en leader de grande puissance, il a réaffirmé la vocation mondiale de la France, écornée par la limitation de ses moyens d’actions, qu’ils soient militaire ou autre. Il a également prolongé son combat politique avec les souverainistes, les nationalistes et les eurosceptiques en réaffirmant la vocation européenne du pays. Concernant Israël, il a repris la ligne de Nicolas Sarkozy de soutien - théorique - à une solution à deux Etats. Mais il a également marqué de véritables inflexions, notamment dans son investissement redoublé en faveur de La Défense de l’Ukraine. Désormais, la France ne fait pas seulement soutenir la légitime défense de l’Ukraine, elle entend lui donner les moyens d’un rapport de force prolongé avec la Russie. Il y a bien une « doctrine Macron » en matière de politique étrangère.

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