Politique de la ville : la course à la dépense publique est-elle vraiment la seule solution pour résoudre le problème des banlieues ? <!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
L'effort de démolition-reconstruction-réhabilitation a été chiffré à plus de 42 milliards d'euros
L'effort de démolition-reconstruction-réhabilitation a été chiffré à plus de 42 milliards d'euros
©Reuters

Allongez la monnaie

Jean-Marc Ayrault présidera ce mardi un Comité interministériel de la Ville. La politique de la Ville reste une priorité du gouvernement malgré les contraintes budgétaires, a déclaré lundi le Premier ministre lors d'un déplacement à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, d'où étaient parties les émeutes urbaines de 2005.

Naïma  Charaï

Naïma Charaï

Naïma Charaï est conseillère régionale socialiste d'Aquitaine et suppléante du député Noël Mamère. Elle est également président de l'ACSÉ, l'Agence pour la Cohésion Sociale et l'Égalité. 

Voir la bio »

Atlantico : Dans les quartiers sensibles, où François Hollande a obtenu ses meilleurs scores lors de l’élection présidentielle, le chômage atteint des scores records. Existe-t-il une réelle volonté politique pour remédier à cette situation ?

Naïma Charaï : Effectivement, tout le monde s’accorde aujourd’hui à dire que la crise économique touche plus durement les habitants des banlieues que le reste de la population. C’est dans ces quartiers que le taux de pauvreté est trois fois plus élevé que sur le reste du territoire, que le chômage atteint 20% de la population globale et jusqu'à 40% chez les jeunes, que l’état sanitaire se dégrade, que les discriminations gangrènent le pacte républicain.

Les pouvoirs publics, les acteurs associatifs, les médias, toutes les parties prenantes tirent la sonnette d’alarme mais personne ne semble prêt à véritablement faire bouger les lignes de manière forte et à placer les quartiers au cœur des priorités de nos politiques publiques. Il manque aujourd’hui, pour remédier à cette situation, une véritable volonté politique.

Le ministre de la Ville, François Lamy, veut réformer la "politique de la ville" en impliquant davantage les citoyens. En période de crise et alors que la croissance stagne, les pouvoirs publics peuvent-ils réellement trouver des solutions pour les banlieues ?

Les projets engagés par les pouvoirs publics pour réformer la politique de la ville ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Ce n’est pas d’un grand plan Marshall dont les habitants des banlieues ont besoin aujourd’hui. Oui, il faut imaginer des réformes, revoir la géographie prioritaire, concentrer les crédits, mais ces dernières ne doivent pas se faire dans un esprit de "tabula rasa" en balayant d’un revers de main ce qui a été mis sur pied depuis plusieurs années.

De plus, les effets d’annonce ont vécu. Toute réforme sérieuse devrait concentrer les crédits, revoir la géographie prioritaire, car oui, il faut conserver les moyens tout en s’inscrivant dans l’objectif gouvernemental de réduction des déficits. Mais il faut également renforcer le rôle des acteurs de la politique de la ville, qui disposent déjà d’outils de compétence et d’expérience, l’ACSÉ notamment avec ses 12 000 opérateurs locaux et ses liens avec 7 000 associations, et l’ANRU en matière de rénovation urbaine.

Les moyens accordés à la politique de la ville vont-ils être pérennisés ?  

Nous l’espérons. Cette année par exemple, le budget de l’ACSÉ, de 350 millions d’euros a été conservé à hauteur des années précédentes. Par ailleurs, la politique de la ville d’avenir n’a pas besoin d’être dispendieuse pour évoluer vers le meilleur. Elle doit être garante de l’égale qualité des services publics sur tout le territoire, moderniser ses réseaux administratifs et revaloriser le statut des agents territoriaux, chevilles ouvrières de programmes locaux de l’ACSÉ.

Le droit commun doit aussi jouer son rôle. Les citoyens des banlieues doivent avoir les mêmes droits que l’ensemble de la population : bénéficier d’une scolarité et d’une éducation pour accéder, dans les meilleures conditions à l’emploi, des services publics de proximité opérationnels et performants, des transports accessibles qui leur permettent de s’affranchir de leur périphérie. Et cela ne passe pas forcement par de l’argent supplémentaire mis sur la table mais par une meilleure coordination des politiques publiques, une attention plus grande portée aux initiatives et projets des associations, le courage politique pour conserver les choses qui marchent et supprimer celles qui ne fonctionnent pas.

La Cour des comptes dresse, dans un rapport rendu public mardi 17 juillet, un bilan sévère d'une "décennie de réformes" dans les quartiers. L'effort de démolition-reconstruction-réhabilitation, chiffré à plus de 42 milliards d'euros, a amélioré le cadre de vie. Mais "la situation économique des habitants des quartiers rénovés n'a pas vraiment progressé et la pauvreté y demeure à des niveaux "élevés", précise le rapport. Comment expliquez-vous cet échec en dépit des milliards investis?

Comment savons-nous si, sans l’intervention des acteurs associatifs et de l’ACSZÉ et ANRU  qui travaillent au cœur des quartiers, la situation ne serait pas pire ?

Par ailleurs, comme je viens de le dire, la course à la dépense publique n’est pas forcement la solution pour résoudre les problèmes des banlieues.

L’ACSÉ est la seule agence publique qui est partenaire des associations et des acteurs de terrain, qui développent les approches associatives et les espaces d’interpellation, qui libèrent l’initiative locale. Elle garantit leur financement, et va au-delà de la relation comptable en co-construisant les programmes avec eux. On peut critiquer les milliards investis, mais sans eux, le tissu associatif français serait mort.

Par ailleurs, l’argent qui a été dépensé l’a été de manière rigoureuse et efficace, même si la crise a aggravé la situation de beaucoup de familles et d’habitants en banlieue. L’ACSÉ est capable d’assurer la traçabilité de ses dépenses à l’euro près, elle est contrôlée tous les ans par la Cour des comptes et le Parlement et son budget est sanctuarisé pour bénéficier uniquement aux habitants des quartiers.

Dans son livre "Fractures françaises", le géographe Christophe Guilluy met l’accent sur  la France périurbaine tout aussi délaissée que celle des banlieues mais dont les difficultés sont moins médiatisées.  N’a-t-on pas mis un peu trop l’accent sur la question des banlieues au détriment de la France périphérique ?

Je suis tout à fait d’accord avec le constat de Christophe Guilluy. Je viens par ailleurs d’un territoire rural et je connais les difficultés du quotidien des habitants en zone périurbaine et nous assistons effectivement à la naissance d’une nouvelle fracture, non plus seulement sociale mais également géographique. Nous allons proposer des pistes de travail au gouvernement, notamment sur la question des transports, pour désenclaver les zones rurales isolées et permettre à leurs habitants de pouvoir être mobiles, aller travailler, avoir accès à la culture et à des loisirs de manière normale.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !