Plus de jeunes que jamais seront atteints d'un cancer du côlon cette année<!-- --> | Atlantico.fr
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Un colon géant, lors d'une campagne de sensibilisation au cancer colorectal, à Perpignan
Un colon géant, lors d'une campagne de sensibilisation au cancer colorectal, à Perpignan
©JEAN-PHILIPPE KSIAZEK / AFP

Explications

Les cancers du côlon et du rectum sont en augmentation chez les personnes de moins de 50 ans. Les experts commencent à comprendre pourquoi

Alain Toledano

Alain Toledano

Le Dr Alain Toledano est cancérologue radiothérapeute au centre de radiothérapie Hartmann, Spécialiste du cancer et des modalités thérapeutiques modernes et Directeur chaire Santé Intégrative, Conservatoire National Arts & Métiers

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Atlantico : Selon un rapport publié par l'American Cancer Society en janvier, les taux de cancer colorectal augmentent rapidement chez les personnes âgées d’une vingtaine, d'une trentaine et d'une quarantaine d’années. Comment expliquer cette recrudescence soudaine de cancers colorectaux ?

Alain Toledano : Il est intéressant de constater que dans tous les types de cancers aujourd'hui, des modifications épidémiologiques et une augmentation de l'incidence sont constatées. Cela a été récemment constaté pour les cancers de la prostate chez les hommes plus jeunes et pour les cancers du sein. Ce constat est le même pour les cancers colorectaux. La proportion qui est due aux maladies transmises par la famille est assez stable. Les principales causes sont à chercher ailleurs et notamment dans le mode de vie, les comportements. La sédentarité et le surpoids font partie des explications. Pour les cancers digestifs et colorectaux, les modes d'alimentation sont concernés. Des études montrent que les régimes alimentaires ont un impact sur le risque de conséquences d’une perturbation de la neurogenèse au niveau colorectal. Cela conduit à s’interroger sur les aliments ultra transformés et sur les régimes pauvres en fruits et en fibres. L'alimentation, le sport et la gestion de l'obésité vont être des atouts. Il y a encore beaucoup de gens qui fument également. Pour le cancer colorectal, ce n'est pas tant l'alcool mais tous les comportements et les équilibres de vie sont le sujet de la prévention du cancer. Aujourd'hui, 40 % des cancers sont évitables en règle générale. Il est donc important d’avoir des stratégies de prévention.

La prévention est-elle efficace et permet-elle de repérer plus de cancers chez les jeunes ?

La prévention permet de diminuer le risque que le cancer survienne. Mais il y a aussi des stratégies de dépistage pour essayer de diagnostiquer précocement. Le dépistage s'organise avec des tests qui sont effectués en général à des stades et à des âges un peu plus avancés. Cela concerne des tests comme le test Hemoccult qui consiste à essayer de chercher du sang dans les selles pour aller faire une coloscopie. Il est important d’essayer d’identifier les profils à risque pour essayer d'avoir un dépistage individuel adapté, en plus du dépistage de masse.

Y a-t-il vraiment plus de jeunes touchés par le cancer colorectal ou la grande majorité de patients touchés sont-ils les personnes plus âgées ?  

Quand l'incidence des cancers, quel que soit l'organe, augmente, la proportion de personnes plus âgées touchées est toujours plus importante car le vieillissement cellulaire a un rôle très important dans le phénomène de cancérisation. Mais, de façon significative, le nombre de personnes jeunes qui sont touchées par le cancer est aussi en augmentation. Pour ces cas, il n’est pas possible d’incriminer uniquement le vieillissement des cellules. Il est important d'aller chercher d'autres facteurs pour essayer d'intervenir sur ces causes précises. La question de l'obésité, une meilleure alimentation, la gestion de l'activité physique permettent de diminuer le risque de cancers. Il est important de réfléchir à ces facteurs afin de pouvoir contrôler idéalement l'incidence des cancers et le handicap que les traitements peuvent parfois laisser.

Est-ce qu’il peut y avoir, comme le montrent certaines études notamment aux Etats-Unis, aussi des risques liés à des produits chimiques toxiques présents dans l'environnement et des disparités concernant les jeunes touchés entre les grandes villes et la province ? Est-ce que cela se confirme aussi en France ?

En plus des aspects comportementaux, il y a aussi des facteurs environnementaux. Ce que les patients ingèrent peut avoir des conséquences à cause des perturbateurs endocriniens. Mais il n'y a pas que ce qu'on mange sciemment, il y a aussi des substances chimiques. Les études progressent sur ce sujet. Nous sommes au début de l'histoire de l'incrimination de ces substances, des perturbateurs endocriniens. Il y a des disparités régionales qui peuvent être liées aux modes de vie, aux cultures. Mais même au sein du même pays, sur des zones différentes, les impacts peuvent ne pas être les mêmes. Il faut donc incriminer la qualité des milieux et donc la pollution.

Pour le cancer du sein, il a été démontré que 10 % des cancers du sein étaient dus à la pollution. Il faut arriver à le démontrer sur les autres types de cancer mais il n'y a pas de raison de penser que l'environnement n'altère pas le fonctionnement d'un organisme.

Est-il possible d’avoir une prévention encore plus efficace chez les jeunes face au cancer colorectal ?

La prévention doit permettre de travailler sur les modes de vie et l'alimentation. La meilleure méthode est d’inciter les gens à faire du sport. Cela fonctionne comme un médicament. Le sport, l’activité physique permettent de diminuer le risque de cancer, de l'obésité et les risques cardio-vasculaires. Faire des efforts sur l'alimentation peut concerner le Nutri-Score qui peut aider à faire ses courses pour limiter les aliments ultra transformés, pour instaurer un régime riche en fibres, pour être en mesure de quantifier son ingestion de viande rouge en sachant qu'il y a des viandes meilleures que d'autres et qu'il faut manger équilibré et consommer cinq fruits et légumes par jour. Ce ne sont pas que des slogans. Cela correspond à un mode de vie plus protecteur.

Concernant le dépistage et les traitements, n'y a-t-il pas de l’espoir pour les malades face au cancer colorectal ? Avec un bon dépistage, le traitement est-il moins lourd ?

Les cancers diagnostiqués à un stade précoce se traitent mieux. Des progrès ont été réalisés sur tous les segments thérapeutiques et notamment la chirurgie qui est beaucoup plus préservatrice grâce à la cœlioscopie, à la robotique. Les praticiens ont aussi acquis de nouvelles connaissances et dominent mieux la chirurgie du cancer. Des progrès ont aussi été réalisés pour la chimiothérapie avec de nouveaux traitements, des associations de médicaments et des thérapies ciblées. L'approche thérapeutique est personnalisée. Il y a plus de connaissances sur la biologie des tumeurs. La radiothérapie, qui est un traitement ultra ciblé avec des hautes technicités, permet de délivrer une dose sur une tumeur en épargnant mieux les organes autour. Il y a moins de toxicité et plus d'efficacité. Tous ces traitements progressent.

De plus en plus d’efforts sont menés dans le cadre de la prévention du cancer. Quand il survient, les équipes médicales ont de meilleures ressources pour le traiter. Aujourd'hui, il est aussi possible de mieux accompagner et de prendre en charge plus efficacement des patients avec des métastases. Des protocoles de traitement sont mis en place.

Dans les approches de traitement, il est important d’intégrer les dimensions de la santé émotionnelle, psychologique et sexuelle. Il est primordial de s'occuper des patients dans leur globalité. Il ne faut pas uniquement se focaliser sur la maladie. L’approche de cancérologie doit se concentrer sur l'individu dans sa globalité, sur son projet de vie, sur l'estime de soi, sur le retour à l'emploi. Avoir un cancer ne doit pas être une fatalité. La manière dont les patients reprennent possession de leur vie dans de bonnes conditions, est fondamentale. 

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