Plus de 70 000 euros de bonus de retraite pour Villepin pour un seul jour travaillé : le vrai problème, c'est surtout que le système des pensions de la fonction publique le permette<!-- --> | Atlantico.fr
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Dominique de Villepin, ici aux côtés de Nicolas Sarkozy, a encaissé un bonus de retraite de plus de 70 000 euros pour une journée travaillée.
Dominique de Villepin, ici aux côtés de Nicolas Sarkozy, a encaissé un bonus de retraite de plus de 70 000 euros pour une journée travaillée.
©Reuters

Rien que ça

20 ans après avoir mis un terme à sa carrière de diplomate, l'ancien Premier ministre de Jacques Chirac est retourné au ministère des Affaires étrangères pour une journée afin de totaliser son quota d'heures travaillées et ainsi empocher... plus de 70 000 euros.

Pierre-Edouard du Cray

Pierre-Edouard du Cray

Pierre-Edouard du Cray est directeur des études chez Sauvegarde Retraites.

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Atlantico : Selon The Telegraph, l'ancien Premier ministre Dominique de Villepin aurait touché plus de 70 000 euros grâce à un jour de travail, bénéficiant ainsi d'un mécanisme de retraite propre au Ministère des Affaires étrangères. Quel est concrètement ce mécanisme ?

Pierre-Edouard du CrayIl existe effectivement un dispositif très avantageux qui a été mis en place en faveur d’une poignée de hauts fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères. Un décret du 8 juin 2011 permet à trente d’entre eux de quitter leur fonction dès 58 ans, tout en étant payés jusqu’à l’âge de la retraite.Le texte prévoit qu’ils touchent, au maximum, leur traitement de fin d’activité auquel s’ajoute l’indemnité de résidence et, au minimum, un tiers de cette somme. Tout dépend s’ils exercent une nouvelle activité rémunérée ou pas. Au surplus, ils bénéficient également d’une prime "d’adieu" – sorte de "golden parachute" – égale à la moitié de la plupart des primes qu’ils auraient touchées s’ils étaient restés en poste jusqu’au bout. À ma connaissance, à l’heure où les réformes des retraites s’accumulent pour le commun des mortels, il y a peu d’équivalents…

Est-il compatible avec le cas anecdotique de l'ancien premier ministre de Jacques Chirac qui est venu travailler durant 8h en septembre dernier pour compléter son quota d'heures effectuées en tant que diplomate jusqu'en 1993 ?

Probablement, puisque cette aubaine est réservée aux fonctionnaires en poste. Le décret de 2011 exclut en effet explicitement de son bénéfice ceux qui sont en position de disponibilité ou de détachement, ce qui était le cas de notre ancien Premier ministre.Or pour contourner cet obstacle, il suffit tout simplement de réintégrer son administration quelques heures et de postuler dans le club des trente. Et comme Dominique de Villepin avait plus de 58 ans, il pouvait le faire.

Si c’est le cas, l’avantage tiré n’est d’autant pas mérité que les primes versées qui constituent le "golden parachute" sont "la prime de rendement", "l’indemnité pour travaux supplémentaires" et "l’indemnité de résultat". Difficile d’y prétendre lorsque l’on n'était pas en poste…

Le système des retraites de la fonction publique en général autorise-t-il ce genre d'ajustement permettant alors de faire valoir un droit à la retraite, ou la manœuvre administrative est-elle illégale ?

La manœuvre ne semble pas illégale. Mais, le moins que l’on puisse dire, c’est que, même si le décret a été adopté en bonne et due forme, il s’agit d’un sacré passe-droit. En outre, réintégrer quelques heures sa fonction après une très longue absence pour contourner la lettre du décret, c’est faire preuve d’un bel opportunisme. Le tout aux frais du contribuable. Sur le principe, ce n’est évidemment pas ce que nous attendons d’un homme d’État, surtout en période de crise.

Dominique de Villepin a-t-il bénéficié d'un traitement de faveur ? Cette journée de travail dans le corps diplomatique après presque 20 ans d'absence dans le but de percevoir un bonus a-t-il été rendu possible du fait que Dominique de Villepin a quitté ses fonctions de diplomate, embrassant ensuite une carrière de conseiller politique puis de ministre ?

Oui, c’est même un euphémisme de considérer que c’est un traitement de faveur. Un traitement qui, du reste, est en décalage complet avec la politique prônée depuis plusieurs années en matière de retraite : fin des retraites anticipées, recul de l’âge de liquidation des droits, tentative de réduction des avantages exorbitants des régimes spéciaux, etc.

En revanche, il est important de rappeler que la situation dont profiterait M. de Villepin compte beaucoup de précédents qui, sans être totalement semblables, y ressemblent beaucoup et, parfois, en mieux ! Par exemple, deux autres anciens Premiers ministres, Alain Juppé et Laurent Fabius, ont réintégré leur administration d’origine (Inspection des finances et Conseil d’État) au début des années 2000, pour profiter, avant qu’elle ne soit supprimée, d’une disposition qui permettait à tout fonctionnaire élu au Parlement de liquider sa retraite de la fonction publique dès 50 ans, alors même que cette fonction n’était pas exercée… Michel Vauzelle, ancien conseiller à l’Elysée sous François Mitterrand et président du Conseil régional de la région PACA, perçoit, depuis 2010, une retraite de préfet "fantôme". Enfin, bien d’autres cas pourraient être cités comme celui d’Anne Hidalgo, candidate à la mairie de Paris, qui a réintégré précipitamment son administration d’origine – l’inspection du travail – pour liquider sa retraite dès 52 ans ! Les Parisiens auront-ils bientôt un maire à la retraite ?

Propos recueillis par Marianne Murat

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