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Plan d’urgence pour l’emploi : mêmes causes, mêmes effets ? François Hollande enterre son quinquennat en confirmant son erreur fondamentale de diagnostic sur l’économie française
©Flickr/Mayanais

Point de basculement

Formation de 500 000 chômeurs, aides à l'embauche octroyées aux PME, assouplissement du licenciement… Le 18 janvier dernier, François Hollande dévoilait les mesures phares relevant de l'état d'urgence économique. Ou comment le chef de l'Etat accentue une politique qui a déjà prouvé son absence d'efficacité.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

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Atlantico : Ce lundi 18 janvier, François Hollande présentait les différents points relatifs à son état d'urgence économique, baisse des charges pour les entreprises, avec une priorité pour les PME, plan de formation pour 500 000 chômeurs, flexibilisation du licenciement. Quelles sont les chances de succès d'un tel programme sur ce que François Hollande considère être sa priorité, à savoir la baisse du chômage et la création d'emplois en France ?

Nicolas Goetzmann :La définition d'un état d'urgence économique en cette année 2016 est pour le moins curieuse pour le Président. Parce que cette formule ne tend qu'à la reconnaissance de l'aggravation du contexte depuis la prise de fonction de François Hollande. Si tel n'était pas été le cas, alors pourquoi cet état d'urgence économique intervient aujourd'hui, et non pas 3 ans plus tôt ? La réponse à cette question relève du cynisme du chef de l'Etat. François Hollande doit savoir, il faut l'espérer, que selon les chiffres d'Eurostat, la dynamique de l'emploi est favorable depuis plusieurs mois en France. Ceci sous l'effet du plan de relance monétaire qui fut mis en place lors de l'année 2015 par Mario Draghi. Ainsi, Il ne s'agit que de présenter des réformes "apparemment" efficaces et d'occuper le terrain en ce sens, pour permettre à François Hollande de revendiquer la paternité d'une inversion de la courbe du chômage qui pourtant ne lui doit rien. Ce n'est finalement qu'une aubaine politique. Parce qu'en termes économiques, les annonces faites par le chef de l'Etat n'auront aucun effet sur la croissance et l'emploi.

Par exemple. La formation de 500 000 chômeurs est la mesure "phare" de ce plan, mais elle présuppose un contexte qui n'a aucune prise avec le réel. Le gouvernement agit "comme si" les entreprises françaises étaient prêtes à embaucher des centaines de milliers de personnes si ces dernières avaient été formées correctement. Ce qui n'est évidemment pas le cas. Former un chômeur ne permet pas de créer l'emploi pour lequel il est formé. Le seul effet bénéfique d'une telle mesure est de permettre à une personne formée d'avoir une meilleure probabilité d'être embauchée lorsque cet emploi existera. Mais pour que cet emploi existe, il est nécessaire que la croissance se renforce, que l’économie française soit confrontée à une amélioration puis à une stabilisation de ses perspectives. Que les entreprises profitent enfin d’une hausse de leurs chiffres d’affaires, ce qui se définit en termes macroéconomiques par une progression de la demande, ce qui relève de l'action de la Banque centrale européenne.

Si l’on souhaite faire une analogie, il est possible de se référer à la voilure d’un navire et au vent qui les porte. La politique monétaire est le vent, les réformes structurelles sont la voile. Lorsque François Hollande étend la voilure sans qu’il n’y ait le moindre souffle de vent, alors les mesures sont inutiles. Le bateau n’avance pas. Pour que les réformes soient pleinement efficaces, le vent doit souffler fort. Il est sans doute normal que dans une telle conjoncture, les entreprises, donc le MEDEF, se focalisent sur leurs contraintes, que celles-ci soient fiscales ou réglementaires, mais cette défiance est largement accentuée par la faiblesse des ventes. Lorsque celles-ci seront soutenues à la hausse par l’action de la BCE, l’aspect « contraintes » apparaîtra moins déterminant. Non pas pour dire qu’il s’agit de questions dépourvues de sens, mais qu’elles sont annexes en comparaison à la problématique posée par le carnet de commandes.  

Ainsi, en insistant avec des mesures de flexibilisation du licenciement, ou en mettant la durée d'indemnisation des chômeurs sur la table, François Hollande donne plutôt l’impression de vouloir adapter le pays à la stagnation économique. Au lieu de donner au pays la croissance dont il a besoin, sa structure est transformée pour qu’il puisse s’acclimater à un contexte de faible croissance sur le long terme. C'est une sorte de grand renoncement. Du point de vue des entreprises, la question à se poser est de savoir si l'on veut continuer de survivre grâce à ces réformes, ou si l'on veut renaître une fois pour toute. François Hollande prévoit la survie. Ce qui explique pourquoi les marchés financiers ont salué les annonces du chef de l'Etat par une copieuse indifférence.

Lors de son discours, François Hollande a pu mettre en cause directement les entreprises qui n'auraient pas joué le jeu de la baisse de charges, celle-ci ayant été conditionnée à la baisse d'emploi. En quoi les entreprises françaises sont-elles responsables ?

Encore une fois, en accusant les entreprises, François Hollande met surtout en évidence son propre échec. Si les entreprises n'ont pas créé un million d'emplois suite au pacte de responsabilité, ce n'est pas parce qu'elles sont "méchantes", mais parce que le type de réformes mis en œuvre est inefficace sur le front de l'emploi. Mais pour le chef de l'Etat, il est plus facile de faire porter le chapeau aux entreprises que de reconnaître son erreur d'analyse. Pour que les entreprises embauchent, il faut que les ventes progressent, que les carnets de commande soient remplis. Est-ce qu'une baisse de charge permet de remplir le carnet de commandes ? Bien sûr que non. Une baisse des charges peut éventuellement permettre d'employer plus de monde avec un chiffre d'affaires qui stagne, mais cet effet est tout à fait résiduel car la priorité des dirigeants d'entreprises est plutôt de permettre un rétablissement des taux de marge. Les entreprises ne sont en rien responsables de cette situation, elles sont totalement dépendantes de l'action monétaire de la BCE, qui, seule, peut agir sur le niveau de demande intérieure de la zone euro. François Hollande enfonce le clou de son erreur originelle ; parce que cette crise économique n'est pas la conséquence d'un problème de l'offre, comme il semble le croire, mais d'un effondrement de la demande. Et le caractère évident de cette erreur, révélé par l'absence totale de résultats, et ce, malgré 4 années passées au pouvoir, ne suffit toujours pas à interpeller le chef de l'Etat sur les causes de son échec.

Et la dynamique actuelle de l’emploi est une preuve supplémentaire de l’erreur de jugement du chef de l’Etat. Parce que les emplois créés au courant de l’année 2015 sont des emplois de services, qui dépendent de la demande intérieure, donc de la BCE. Or, si la politique de compétitivité du gouvernement avait porté ses fruits, ce seraient les emplois manufacturiers qui auraient enregistré une progression. A l’inverse, ceux-ci ont subi une baisse. 

Comment traduire la logique économique de François Hollande. Ce plan d'urgence pour l'emploi est-il dans la lignée de l'action présidentielle ou s'agit-il d'une rupture ?

C'est une logique politique, et non économique. En allant "plus loin plus fort" dans sa politique de l'offre, le Président tente d'installer son volontarisme dans l'opinion. L'idée qu'il ne veut rien lâcher de sa logique et de son approche. François Hollande va au bout de ce qu'il peut faire dans cette optique. Mais puisque les effets de la politique de la BCE commencent à être ressentis pas les entreprises, ce qui se traduit notamment par une légère accélération des créations d'emplois, le Président va pouvoir surfer sur la vague. Son approche a plutôt été contreproductive jusqu'à présent, mais les bienfaits de la politique de la BCE, même si celle-ci reste encore très largement insuffisante, vont lui permettre de prétendre que sa politique fonctionne. Encore faudrait-il que la BCE poursuive correctement son action, et qu'elle l'accentue, car les risques pesants sur le contexte international sont aujourd'hui sérieux.

La difficulté ici, notamment pour les entreprises, est de bien appréhender ce qui est en train de se passer. LA BCE injecte des centaines de milliards dans l’économie, et cet argent semble disparaître dans les méandres de la finance. Ce n’est pas le cas, et il faut l'expliquer. Les montants paraissent gigantesques mais ils correspondent au montant de la défiance vis-à-vis de l’économie européenne. L’objectif, pour la BCE, est de permettre une modification des perspectives des entreprises qui se traduira par des révisions à la hausse des anticipations de croissance et d’inflation. Le problème posé par la défiance est que ses montants doivent être suffisants pour lutter contre la frilosité ambiante. Aux Etats unis, ce sont plus de 3000 milliards qui ont été nécessaires au changement de climat. En Europe, il est probable que des montants de la même importance soient nécessaires. Il s’agit principalement de psychologie et de bonne communication, mais les entrepreneurs ne doivent pas douter de la capacité de la BCE à changer les choses. Elle en a les moyens. Ce n’est qu’une question d’aptitude de ses dirigeants.

Il n'y a donc aucune rupture idéologique de la part de François Hollande. Et la seule interrogation pertinente qui reste à trancher est de savoir s'il s'agit réellement de cynisme, ou, plus gravement encore, de totale incompréhension de la nature de la crise. Car un élément vient soutenir cette dernière thèse. En nommant un nouveau gouverneur de la Banque de France de tendance plutôt très conservatrice, le chef de l'Etat s'est à nouveau tiré une balle dans le pied. Mario Draghi, qui est une sorte de sauveur pour le désastre économique hollandais, a besoin de soutiens au sein du conseil des gouverneurs, et la nomination d’une personnalité en phase avec son approche n’aurait pas été un luxe. Mais cela n'a pas été le cas. Enième erreur de François Hollande.

En dehors des points annoncés, et dans une logique d'efficacité pour faire baisser le chômage, quels sont ceux des domaines qui ont été omis par le chef de l'Etat ?

Ce qui rend l'état d'urgence économique grotesque, c'est son absence de perspective européenne. Or, l'ensemble de la politique macroéconomique française dépend de ce qui peut être fait dans le cadre européen. La politique monétaire dépend de la BCE, et la politique budgétaire dépend du cadre européen. Et de toute façon, les annonces faites par le chef de l'Etat sont neutres sur le Budget, puisqu'il s'agit de dépenser 2 milliards d'un côté et de réduire les dépenses dans les ministères pour un montant équivalent. A titre de comparaison, la BCE injecte plus de 10 milliards d'euros par mois dans l'économie française, soit plus de 200 milliards au total, alors que le plan Hollande "vaut" 2 milliards dans sa globalité. Quand Mario Draghi donne 100, François Hollande donne 1.  

A la fin du mois de décembre, et au début de ce mois de janvier, les rumeurs relatives aux annonces présidentielles faisaient également état de la mise en place d'un plan de relance via les dépenses d'infrastructure. Mais ces mesures ont été "oubliées" en chemin. Pourtant, il s'agissait de la seule proposition qui aurait pu aider un peu au niveau de l'emploi. Aussi bien en termes conjoncturels, construire maintenant, qu'en termes structurels, en rehaussant le potentiel de croissance du pays via la construction d'infrastructures.

L'ambition réelle du plan présenté ce 18 janvier est politique. Parce que du côté économique, cela frôle l'indigence.

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