Pierre Gattaz : "Il est impératif pour l'investissement que le gouvernement tienne ses engagements sur le CICE"<!-- --> | Atlantico.fr
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Le président du Medef inaugurera jeudi 27 août les universités d'été du Medef.
Le président du Medef inaugurera jeudi 27 août les universités d'été du Medef.
©Reuters

Roulez jeunesse

Le président du Medef donne ce jeudi le coup d'envoi des universités d'été du mouvement patronal, deux jours placés sous le signe de la jeunesse. Pierre Gattaz exhorte également le gouvernement à aller plus loin dans les réformes et milite pour une évolution du CICE en baisse générale des charges sur les salaires.

Pierre Gattaz

Pierre Gattaz

Pierre Gattaz est président du Medef et PDG du groupe Radiall, entreprise industrielle de 279 millions d'euros de chiffre d’affaires.

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Atlantico : Les Universités d'été du Medef sont placées, cette année, sous le signe de la jeunesse. Pourquoi ce choix ?

Pierre Gattaz : C’est en effet la première fois que le Medef consacre la totalité de son université d’été aux jeunes à qui nous donnerons la parole tout au long de ces deux jours. La jeunesse française est un atout déterminant et ce qui renforce cet atout, c’est sa diversité. Car la diversité est source de créativité, d’innovation. Les jeunes ont les clés pour imaginer le futur et préparer notre pays aux grandes mutations du monde. Or nous serons d’autant plus forts dans la mondialisation que nous aurons les moyens de la décrypter, de l’appréhender, d’en anticiper les évolutions.

En outre, les jeunes Français sont très entreprenants, ils sont de plus en plus nombreux à créer leur entreprise, à monter leur business. 50% d’entre eux veulent créer leur entreprise. Tant mieux ! Ce sont là de véritables éléments qui nous distinguent de nos concurrents européens et mondiaux. Sachons capitaliser sur cette force, n’enrayons pas ce dynamisme, donnons aux jeunes les moyens de leur audace et les conditions de réaliser leurs projets, encourageons les avec un environnement favorable et incitatif. Le meilleur moyen de les accompagner dans l’aventure entrepreneuriale c’est d’engager les réformes nécessaires. Sur trois fronts : il faut agir sur l’environnement social, l’environnement fiscal et la complexité réglementaire et administrative. La législation du travail doit être beaucoup moins rigide, beaucoup plus simple et sécurisée juridiquement. La fiscalité doit être compétitive et maitrisée et la réglementation simplifiée.

La croissance au troisième trimestre n'ira pas au-delà de 0,3%, la faute selon la Banque de France, à l'investissement des entreprises. Partagez-vous ce diagnostic ?

L’investissement global reste en berne, la faible croissance des investissements des entreprises n’a pas compensé la contraction des investissements des administrations et des ménages. Et les conditions ne semblent pas réunies dans un contexte international incertain pour inverser significativement la tendance au cours du troisième trimestre. Même s’il s’est amélioré, grâce aux effets du CICE, du Pacte de responsabilité et des éléments extérieurs - la baisse des prix du pétrole, de l’euro et des taux d’intérêt - le taux de marge des sociétés, passé de 29,4 % en 2014 à 31,1 % au premier trimestre 2015, reste très éloigné de son niveau de 2007 (33,5 %) et surtout très en deçà de celui de ses homologues allemands qui est de 41 % !

Difficile d’investir dans ces conditions. Par ailleurs, les perspectives d’activité sont encore trop fragiles, comme le montre le niveau des carnets de commandes qui a du mal à décoller. Enfin, l’investissement, qui s’inscrit dans le long terme, suppose un environnement stable, lisible, visible. C’est pourquoi il est impératif que le gouvernement tienne ses engagements. C’est la condition sine qua non pour restaurer la confiance, préalable à toute décision d’investir.

L'investissement dans les entreprises est notamment lié au CICE. Quel bilan faites-vous de ce mécanisme ?

Si les entreprises commencent à enregistrer dans leurs comptes les apports positifs du CICE, il  est trop tôt pour en mesurer les effets. Le temps de l’économie n’est pas celui de la politique. Une chose est sûre toutefois, le CICE ne s’appliquant pas aux salaires au-delà de 2,5 fois le smic, nous sommes encore loin d’une restauration générale des comptes des entreprises. Le CICE est une mesure salutaire, il ralentit mais ne compense pas la hausse des prélèvements obligatoires qui ont augmenté de 36 milliards entre 2011 et 2013. D’autant que dans le même temps diverses taxes et charges continuent d’augmenter pour les entreprises. A terme, il faut transformer le CICE en baisse générale de charges sur tous les salaires. Dans une économie mondiale, fondée sur l’innovation et la valeur ajoutée. Ce sont nos atouts pour demain. Il faut donc que tous les salaires, quel que soit leur niveau, bénéficient d’un allègement du coût du travail.

A ce sujet, qu'attendez-vous précisément de la loi Macron ? Regrettez-vous, comme bon nombres de chefs d'entreprise, son allègement par rapport au texte originel ?

La loi Macron va dans le bon sens et je salue la philosophie qui sous-tend la démarche mais ses passages au Parlement l’ont en grande partie édulcorée, dénaturée, vidée de son efficacité et de sa cohérence. Je regrette notamment que les dispositions sur le travail du dimanche et en soirée aient ajouté de la complexité et des contraintes au lieu de simplifier. Quant à l’encadrement des indemnités prud’homales, nous espérons que le gouvernement trouvera une solution pour rendre effectif rapidement ce dispositif très important pour lever la peur de l’embauche dans les TPE-PME. Alors que 70 % des entrepreneurs ont peur d’embaucher (sondage OpinionWay avril 2015), il est urgent que le gouvernement propose une solution à cette situation qui bride le développement des PME et des TPE. La création d’emplois, qui accompagne le développement, ne doit pas constituer un risque supplémentaire, on ne peut pas cumuler insécurité prud’homale, insécurité juridique, insécurité fiscale et politique.

Plus globalement, quelle est votre lecture de la conjoncture française ?

Avec un rythme voisin de 1% en 2015, selon le gouvernement, la croissance est poussive et de toute façon insuffisante pour faire reculer le chômage et réduire le déficit public. Ce rythme, inférieur pour la deuxième année consécutive à celui de la zone euro, n’est pas celui d’une reprise. Surtout, plus de la moitié de cette croissance est due à des éléments extérieurs – pétrole, euro, taux d’intérêt – dont les effets ne seront pas éternels. Compte tenu du contexte international incertain, notamment le ralentissement de la Chine, deuxième économie mondiale, si nous n’entreprenons pas rapidement des réformes d’ampleur, si nous n’accélérons pas leur rythme, nous risquons de nous retrouver sans croissance et donc sans redémarrage de l’emploi. Il faut s’atteler à une vraie réforme du marché du travail en le rendant plus fluide et plus simple afin qu’il permette à chacun de trouver un emploi et baisser les prélèvements obligatoires sur le capital, le travail, l’épargne. La mère de toutes ces réformes, c’est bien sûr la baisse des dépenses publiques.

Le Parti Socialiste a les yeux braqués sur le budget. Sa volonté, redistribuer davantage aux ménages en réduisant les allocations aux entreprises. Quelle est votre position ?

Arrêtons d’opposer les entreprises aux ménages. Les ménages ont besoin des entreprises et les entreprises ont besoin des ménages. Prendre à l’un pour donner à l’autre n’a pas de sens, surtout dans une conjoncture de faible croissance. Revenir sur la trajectoire du Pacte de responsabilité serait destructeur, le reniement par l’Etat de sa parole ruinerait la confiance des chefs d’entreprise. La seule solution, l’unique débat, c’est celui de l’optimisation et de la baisse des dépenses publiques. Notre classe politique devrait en permanence être challengée pour donner des pistes d’une meilleure utilisation des fonds publiques et des sources d’économies à réaliser. Passons en revue les fonctions de l’Etat, sous-traitons ou privatisons celles qui ne relèvent pas du champ régalien, et attachons-nous à optimiser les missions régaliennes de l’Etat: éducation, justice, défense, etc. Tout ceci sans remettre en cause la qualité des services publics évidemment. Cette tâche est herculéenne, je le sais, mais c’est ce que fait chaque jour un chef d’entreprise. Pourquoi l’Etat ne le ferait pas ?

Il faut aussi s’attaquer au mille-feuille territorial et revoir la durée du travail dans la fonction publique. Donnons-nous un objectif simple : passons de 57 % du PIB en dépenses publiques – un record - à 50 % en 2020. C’est ambitieux mais accessible. Certes, les récents propos de Manuel Valls sont rassurants dans l’intention mais nous resterons vigilants sur la mise en œuvre des annonces du gouvernement. Il faut mener le Pacte de responsabilité à son terme, intensifier et accélérer le chantier de la simplification avec l’objectif adopté par les Britanniques, le "one in two out". C’est un chantier sans enjeu politique, profitons-en !

Pourtant, on ne peut pas reprocher à un homme politique de répondre à sa majorité, le Président essaie de faire plaisir à ses électeurs comme un chef d'entreprise travaille bien pour ses clients, non ?

Je ne pense la démocratie compatible avec le "clientélisme" et dans notre Constitution, le président de la République se situe au-dessus des partis, sa mission est d’œuvrer au bien commun au nom de tous les Français… Cela dit, le meilleur moyen de "faire plaisir à ses électeurs", comme vous dites, et surtout à tous les Français, c’est de travailler à la prospérité du pays, de lui donner les conditions de s’imposer dans la compétition mondiale avec des entreprises performantes, de mettre tout en œuvre pour assurer un avenir solide à ses habitants, leur redonner confiance et encourager les générations futures à entreprendre. Quant au chef d’entreprise, il travaille certes pour ses clients mais ces derniers ne sont qu’une des trois composantes, avec les salariés et les actionnaires, indispensables au développement des entreprises.

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