Pfizergate : que risque vraiment Ursula von der Leyen avec l’enquête du Parquet européen ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne.
©FREDERICK FLORIN / AFP

Enquête

Les enquêteurs du Parquet européen (EPPO) enquêtent sur des allégations d'actes criminels liés aux négociations sur les vaccins entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le PDG de Pfizer, selon un porte-parole du parquet de Liège.

Michel Guénaire

Michel Guénaire est avocat et écrivain. Il est l’auteur du Génie français (Grasset, 2006) et Après la mondialisation. Le retour à la nation (Les Presses de la Cité, 2022). Vous pouvez retrouver Michel Guénaire sur Twitter : @michelguenaire

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Atlantico : Les enquêteurs du Parquet européen (EPPO) enquêtent sur des allégations d'actes criminels liés aux négociations sur les vaccins entre la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le PDG de Pfizer, selon un porte-parole du parquet de Liège. Quelles sont les spécificités et les missions du Parquet européen ? Pourquoi cette instance a été créée en 2021 ?

Michel Guénaire : Le Parquet européen était une création institutionnelle voulue par la Commission européenne en 2013. Elle avait relevé des détournements massifs de fonds européens ainsi que des fraudes à la TVA, et voulu ainsi protéger les intérêts financiers de l’Union. Mais son initiative avait échoué, les VingtSept ne se retrouvant pas sur sa proposition de règlement instaurant un Parquet européen. En 2016, la France et l’Allemagne avaient pris le relais en décidant de le créer par le mécanisme la coopération renforcée qui permet à neuf Etats membres de lancer une initiative que pourront rejoindre d’autres Etats. Le Parquet européen a vu ainsi le jour le 1er juin 2021. Tous les Etats membres y sont peu ou prou associés à présent. Au départ, la Hongrie et la Pologne avaient décidé de ne pas y participer, mais la Hongrie a signé un accord de coopération avec le Parquet européen et le nouveau Premier ministre polonais a annoncé que son pays le rejoindrait. L’instance fonctionne aujourd’hui. Elle est installée à Luxembourg aux côtés de la Cour de Justice de l’Union européenne et de la Cour des comptes européenne. Son rôle est de lancer des enquêtes, aux termes desquelles elle peut être amenée à lancer des poursuites pénales au sein de chaque Etat membre. Il n’y a pas en effet de juridiction européenne susceptible d’accueillir ses poursuites. Le Parquet européen est subordonné à la sanction juridictionnelle finale des Etats.

Qu’est-ce qui est reproché à Ursula von der Leyen dans le cadre du PfizerGate ? Quels sont les éléments qui ont été dévoilés notamment par Politico sur le PfizerGate, sur le contenu et le déroulé factuel de l’affaire ?

L’achat des vaccins était centralisé par la Commission européenne. Des membres du Parlement européen lui ont ainsi demandé de communiquer les contrats qui ont été signés à l’époque de la pandémie avec Pfizer. Ils ne les ont obtenus que dans des versions caviardées. Puis, des journalistes ont voulu avoir accès aux SMS échangés entre la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, et le président de l’entreprise pharmaceutique, Albert Bourla, au moment de l’achat des doses de vaccins. Au cœur des interrogations ou des suspicions, la négociation entre les deux personnes échangeant donc par SMS sur le prix unitaire des vaccins. Le contenu de ces SMS n’a pas été communiqué, ou aurait été perdu. Le New York Times a ainsi déposé une plainte auprès de la Cour de justice de l’Union européenne contre la Commission européenne qui refuse de communiquer le texte de ces SMS. Si l’achat était centralisé par la Commission européenne, il faut aussi relever que chaque Etat payait sa commande. Des Etats ont refusé de payer certaines livraisons, et sont aussi aujourd’hui poursuivis devant la justice belge par Pfizer. Il s’agit de la Hongrie et de la Pologne.

Quels sont les risques d’un point de vue juridique pour Ursula von der Leyen au regard de la manière dont sont menées les enquêtes par le Parquet européen ? Les sommes au cœur des contrats et le fait qu’au moins 4 milliards d’euros de doses aient été gaspillés risquent-elles d’aboutir à l’inculpation et à des poursuites envers Ursula von der Leyen ?

Les enquêtes du Parquet européen n’aboutiront pas à une sanction au niveau européen, comme je l’ai dit, mais à un niveau national. Un juge belge est saisi. On verra jusqu’où il ira. Il me semble que les risques qui pèsent sur Ursula von der Leyen appartiennent au droit commun des délits. Au niveau européen, la Commission, qui a beaucoup de pouvoir au sein du magma des institutions européennes, n’a jamais vu sa responsabilité engagée. Le Parlement peut certes voter une motion de censure la visant, mais dans des conditions qui sont strictement encadrées par le traité de l’Union : la motion doit être motivée et adressée à la Commission elle-même, le vote sur la motion de censure a lieu par appel nominal, la motion de censure est adoptée à la majorité des deux tiers des suffrages exprimés. La Cour de Justice de l’Union européenne peut connaître d’une action contre un membre de la Commission, partant son président, mais il lui faut pour cela être saisie par le Conseil européen. Mécanismes au total complexes et dissuasifs.

Quelles pourraient être les conséquences politiques du PfizerGate, de cette enquête et de cette potentielle procédure judiciaire pour Ursula von der Leyen ?

Les vraies conséquences sont à ce stade politiques. Comment la Commission, qui s’est voulue le chantre de la transparence, peut-elle accepter de ne pas tout montrer, tout dire, tout révéler ? L’objection qui est soulevée par l’entreprise Pfizer est le secret des affaires. Cette objection est sérieuse et doit être respectée. Mais l’état d’un engagement financier considérable peut et doit être aussi analysé. La révélation du prix unitaire des vaccins achetés en 2020 et 2021 s’impose. L’Europe a besoin de confiance. Les citoyens européens ont besoin d’avoir confiance dans les institutions qui les gouvernent ou les dirigent. Celle-ci passe par la transparence.

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