PFAS : Les polluants éternels sont-ils aussi dangereux que le redoutent les écologistes ? <!-- --> | Atlantico.fr
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Des salariés du groupe SEB manifestent devant l'Assemblée nationale pour dénoncer une proposition de loi visant à interdire les PFAS.
Des salariés du groupe SEB manifestent devant l'Assemblée nationale pour dénoncer une proposition de loi visant à interdire les PFAS.
©ALAIN JOCARD / AFP

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Une proposition de loi EELV vise à interdire certaines catégories de produits contenant des « polluants éternels ». La filière industrielle qui en dépend est vent debout car cela la menace grandement alors même que le risque sanitaire n’est pas à la hauteur de ce que les écologistes y voient.

Kako Naït Ali

Le Dr Kako Naït Ali est ingénieur et docteur en chimie des matériaux.

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Atlantico : Des salariés du groupe d’électroménager SEB, propriétaire de Tefal, ont manifesté à Paris devant l’Assemblée nationale afin de dénoncer une proposition de loi portée par les écologistes qui vise à interdire les PFAS, les « polluants éternels ». Quelle est la réalité des PTFE et des PFAS ? Sont-ils nocifs ? Sous quelle forme sont-ils présents ? Y-a-t-il un véritable enjeu de santé publique ?

Kako Naït Ali : Les PFAS représentent une très grande famille. Cela englobe énormément de composants chimiques, de substances chimiques et il est possible d’y ajouter certains plastiques comme les PTFE et les PVDF qui ne sont pas des substances mais des matières solides. Cette famille est très large. Certains d'entre eux sont nocifs pour l'environnement, pour la santé et sont déjà interdits via la Convention de Stockholm. Dans le cadre des restrictions au niveau européen, des discussions sont toujours en cours concernant le sort qui sera réservé aux PFAS.

Les salariés de SEB ont donc mené une action ce mercredi contre la proposition de loi défendue par EELV qui intervient en parallèle de discussions au niveau européen sur une proposition de l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA) qui vise à interdire ou restreindre l'utilisation de ces PFAS sur plusieurs usages dont le contact alimentaire. Il y a un risque de non-dégradation de ces substances dans l’environnement. Elles peuvent rester dans le corps et sont bioaccumulables pour certaines d'entre elles. Pour d’autres, les suspicions de dangerosité sont très fortes. L’ECHA mène des classifications et des contrôles vis-à-vis des différents matériaux, accumule des preuves scientifiques et effectue des études industrielles et économiques.

Or, il n’est pas possible d’interdire une substance ou un produit du jour au lendemain. Tel est pourtant le plan de la proposition de loi française puisque l’interdiction est proposée en 2025. De telles décisions, si la proposition de loi était adoptée, auront un impact considérable sur l'industrie et l’économie à l’échelle européenne. Un délai doit être accordé aux filières pour qu’elles puissent se réorienter et s’adapter.

Sur cette question de l’avenir des PFAS, une consultation publique a été menée sur une période de six mois sur la proposition de l’ECHA. Des industriels comme Seb y ont participé et en parallèle Nicolas Thierry de Europe Ecologie les Verts propose une loi qui va plus loin que la proposition de restriction européenne sans prendre en compte le contexte industriel.

La proposition de loi d'EELV souhaite interdire tous les PFAS, toute fabrication et importation dès 2025. Cela ne laisse absolument pas le temps aux industriels de se réorienter. Les salariés et les grands groupes du secteur savent qu’avec ce type de texte ils vont être contraints de changer d’activité ou de trouver de nouveaux matériaux. Il y a des pistes actuellement pour mener à bien cette étape. Le problème est que ce texte ne va pas laisser le temps aux industriels de s’adapter. Cela est vraiment problématique sur le plan industriel. Il n’est pas possible de travailler ainsi.

La problématique des PFAS concerne les substances. Pour les petites molécules, les plastiques, les PTFE, le téflon ou le PVDF, la situation est différente. Le matériau en lui-même a des traces de PFAS. Il est produit à partir de substances mais, lui-même, lorsqu’il est utilisé en contient sous forme de traces.

La problématique se situe plutôt au moment de la production. Tous les effluents pollués qui vont être rejetés, s’ils ne sont pas bien traités, se retrouveront dans la nature. Le problème se situe donc du côté de la production industrielle plutôt que dans l'usage.

Tout et absolument n'importe quoi est dit sur le sujet. 60 millions de consommateurs avait réalisé une étude sur le sujet qui démontre qu'il y avait des traces de substances mais en deçà des limites qui sont autorisées.

Il y a beaucoup moins de ces substances dans les produits solides que sur les vêtements imperméables par exemple. Des substances sont présentes sur le tissu et peuvent migrer plus facilement dans l’eau qui perle sur le vêtement.

Il n’y a pas de débat sur le fait qu’il soit nécessaire de lutter contre les PFAS pour la protection de l’environnement et de la santé humaine. Le débat autour de ces enjeux est crucial mais il y a la manière de le faire et des priorités. Les substances doivent être priorisées et c’est ce qui est fait au niveau européen.

Que faut-il penser de cette proposition de loi dont l’alinéa 5 de l’article premier propose d’interdire à partir de janvier 2026 la fabrication, l’importation et l’exportation de “tout ustensile de cuisine” contenant des PFAS ? Est-ce que la manière de procéder n’est pas trop radicale de la part des écologistes en ne prévenant pas les industriels suffisamment en amont ?

L’application dans l’urgence de la proposition de loi serait assez radicale. Il y a très peu de matériaux actuellement qui résistent à la température. Il ne faut pas se leurrer. Lorsque des poêles en métal sont utilisées, elles ont un revêtement pour améliorer les accroches au moment de la cuisson. La substitution des PFAS ne se fait pas du jour au lendemain. Pour être en mesure de réaliser une réelle substitution qui soit plus vertueuse, il faut laisser du temps à la reconversion industrielle. Des solutions existent mais il faut transformer les outils industriels existants. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Il y a un risque réel si cette proposition de loi passe. Les achats se feront dorénavant à l’étranger, dans d’autres industries. Car l’industrie locale va en pâtir. 

Il s’agit du principal problème des projets de lois de ce type qui sont purement politiques.

Il faut laisser le temps à l'Europe de faire ses propositions. L’ECHA a vraiment mené cette étude d'impact et le processus doit être mené jusqu’au bout. En cas d’échec, une proposition de loi nationale sur la même base serait pour le coup pertinente..

Quelles sont les alternatives à l’interdiction pure et simple ? Les industriels pourraient-ils faire des efforts dans la conception des ustensiles ?

Pour les ustensiles, il y a déjà d'autres matériaux qui existent mais ils se dégradent plus vite. Le problème du métal par exemple est qu'il conduit la chaleur. Il est difficile d’utiliser un ustensile de cuisine en métal sans avoir un manche en plastique afin de pouvoir le tenir.

Il y a aussi des ustensiles qui sont en bois. Mais il ne faut pas se leurrer, le bois est verni ou modifié. Il y aura quand même une question de substances.

D'autres solutions existent via d'autres plastiques, des métaux avec un revêtement au niveau du manche ou du bois. Mais cela nécessitera un traitement ou bien un questionnement d'un point de vue de sa dégradation ou de sa durée de vie qui sera plus faible.

Cette mesure pour l’environnement et pour lutter contre la pollution pourrait-elle avoir de lourdes conséquences pour la compétitivité industrielle, pour les entreprises et pour les consommateurs ?

Les conséquences les plus importantes concerneront l'industrie, bien plus que le consommateur. Si l’industrie n’a pas le temps de s’adapter, d’évoluer ou de changer de modèles, cela aboutira à des importations. Nous allons importer ce que nous ne produisons pas.

Seb n'est pas une petite entreprise. Cette proposition de loi aura des conséquences directes sur ce type d'entreprise-là. Lorsqu’une loi est proposée, il est important d’étudier quelles seront ses conséquences et son impact.

La protection de l’environnement est primordiale, tout comme la santé humaine mais il faut laisser un temps d'adaptation à l’industrie si l’on souhaite une évolution pérenne, durable.

Les salariés de SEB se sont mobilisés et ont manifesté car ils sentent que leurs emplois sont menacés.

La proposition de loi pourrait ne pas passer car il y a déjà une réglementation européenne qui est en cours de discussion. La proposition de loi EELV va bien plus loin que les projets de l’ECHA. Le travail de l’ECHA, basé sur des éléments techniques et scientifiques, industriels, économiques, permettra de prendre de meilleures décisions sur le plan européen en appliquant des délais compatibles avec la réalité industrielle.

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