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Pervers narcissiques : l'importance de la petite enfance
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Complexe d'Œdipe

Retraçant le cheminement psychique des pervers narcissiques, Jean-Charles Bouchoux relève la place essentielle de la petite enfance dans la construction personnelle. Selon lui, si les parents ne tiennent pas leur rôle respectif, l'enfant aura du mal à se tourner vers l'altérité. Extraits de "Les pervers narcissiques" (1/2).

Jean-Charles Bouchoux

Jean-Charles Bouchoux

Jean-Charles Bouchoux est psychanalyste et formateur en institut dans la région d'Arles et Montpellier

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Durant la vie intra-utérine, l’enfant n’aurait pas conscience de ses contours, il se vivrait un avec le reste du monde. Il serait contenant et contenu. À la naissance, ce sentiment perdure, il est le monde et le monde est lui. Dès les premières frustrations, il y aura ébauche d’un moi. L’enfant appelle le sein et le sein ne vient pas. « Pour lui, le sein de la mère n’est qu’une partie de lui. […] Il désire le sein pour l’amour du sein […] qu’arrive-t-il si ses attentes ne sont pas satisfaites ? […] Le bébé découvre sa dépendance envers sa mère [1]. »

En grandissant, en même temps qu’il élabore son moi, il progresse vers l’altérité. Sa mère et lui ne seront plus un mais deux. Fantasmatiquement, il recherchera de nouveau la fusion, par identification à sa mère : « Si je suis comme elle, nous sommes pareils ». Vers dix-huit mois, apparaît ce que Jacques Lacan nommera « le stade du miroir ». Auparavant, l’enfant ne se reconnaît pas dans la glace. Cette période lui permet l’acquisition narcissique de son image en même temps qu’il apprend son nom et aussi à s’affirmer et à dire non.

De la même manière, s’il vit sa mère comme suffisamment bonne, l’enfant se valorise dans le regard de sa mère qui satisfait à tous ses besoins. Mais la mère dépose l’enfant dans sa chambre et s’en va rejoindre un tiers. L’enfant comprend qu’il n’est pas capable de la retenir. Un « autre » possède quelque chose que l’enfant ne possède pas ou qui n’est pas suffisamment développé pour retenir l’attention de sa mère. Cette chose, cet objet qui a le pouvoir d’attirer la mère est nommé phallus en psychanalyse. Le phallus est un objet fantasmatique qui a le pouvoir de retenir l’attention de l’autre. Il peut s’agir de tout objet de pouvoir : belle voiture, situation professionnelle gratifiante, beau conjoint, beaux enfants… Cet autre que la mère va rejoindre sera alors admiré et haï à la fois.

De cette envie, de cette haine et de l’idée des représailles que pourraient susciter les désirs de l’enfant s’ils étaient découverts, naîtra une angoisse très forte que les psychanalystes nomment angoisse de castration. Si le père est suffisamment bon et bienveillant, si la loi est posée, si la mère permet à l’enfant de se détacher, l’enfant se dirigera vers la résolution de ses conflits internes, renoncera à ses désirs et à sa haine et pourra ainsi dénouer ses conflits œdipiens et se structurer. L’œdipe sera structurant. Mais si le père est écrasant, inaccessible ou falot, ou si la mère ne lui permet pas de s’émanciper, l’enfant risque de régresser à un état antérieur, s’en retourner vers sa mère et ne pas dépasser l’œdipe.

Salir l’image du père

Gabriel : « Quand Vanessa était en colère, elle pouvait dire : “vous les hommes, vous êtes des sans-couilles”… ou de son chef de service “c’est une petite bite” ». Par ses injonctions, le pervers narcissique prend le pouvoir en castrant l’image du père ou de ses équivalents sociaux. «… le porteur de l’idéal œdipien est le père. Le pervers narcissique tente de rendre nul et non avenu l’idéal du moi œdipien au profit d’un idéal du moi prégénital, gouverné par la toute puissance narcissique [2]. » Paradoxalement, Vanessa semble attacher une valeur importante aux parties génitales des hommes qu’elle méprise. Cela renvoie aux relations au père, à la fois aimé, admiré et haï.

[1] Klein M., Riviere J., L’amour et la haine : le besoin de réparation, Payot, 2001.

[2] Ksensé A., « Hystérie et perversion » in « La perversion narcissique », Revue française de psychanalyse, PUF, 2003.

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Extrait de "Les pervers narcissiques", 2e édition, Eyrolles (30 juin 2011)

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