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Vue de Pékin, la campagne électorale 
française semble passer 
à côtés des vrais enjeux
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Campagne ras les pâquerettes

Un séjour dans le gigantisme chinois peut changer la perspective sur les débats franco-français...

Philippe David

Philippe David

Philippe David est cadre dirigeant, travaillant à l'international.

Il a écrit trois livres politiques : "Il va falloir tout reconstruire", ouvrage qui expliquait le pourquoi du 21 avril,  "Journal intime d'une année de rupture", sorti en 2009 aux éditions de l'Ixcéa, qui retrace les deux premières années de présidence Sarkozy et  "De la rupture aux impostures", Editions du Banc d'Arguin (9 avril 2012). 

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«There are 9 million bicycles in Beijing ». Le titre de la chanson de Katia Melua est un peu dépassé aujourd’hui, les voitures ayant remplacé les vélos dans la capitale de l’Empire du Milieu.

Après une semaine de vacances passée à Pékin, on voit la campagne électorale française sous un autre angle, c'est-à-dire totalement en décalage par rapport aux enjeux du monde en train de se construire sous nos yeux.

La Chine est en effet en train d’exploser économiquement avec une population énorme, un niveau de vie qui a fortement augmenté depuis mon dernier voyage là-bas il y a à peine cinq ans et des perspectives exceptionnelles, l’Asie étant désormais LE pôle de croissance du monde. Ce grand bond en avant économique est en train de changer totalement la face de la planète sans qu’il en soit fait une quelconque allusion dans la campagne électorale actuelle alors que ce sujet est essentiel en termes géopolitique, géoéconomique et géostratégique.

Devenue le banquier du monde avec les plus grosses réserves de devises de la planète (la Banque Centrale Chinoise détenant plus de 3200 milliards de dollars de réserves de devises), la Chine retrouve des ambitions planétaires qu’elle avait abandonnées depuis des lustres. Tout le monde sait que parmi les éléments de mesure des ambitions d’un pays se trouve en position essentielle son budget de la défense. Les chinois l’ont compris puisque ils ont décidé de doubler leurs dépenses militaires d’ici 2015, passant celles-ci de 119 milliards dollars en 2011 à 238 milliards de dollars d’ici trois ans. Inutile de dire que ceci est censé redistribuer les cartes du monde, du moins sur les contours du Pacifique et en Asie.

Pour rentrer de Pékin, on survole l’immensité Russe. La Sibérie en hiver a quelque chose d’irréel, immensité immaculée qui parait sans fin, la distance entre villes russes se comptant en heures de vol. On comprend mieux pourquoi tous ceux qui ont tenté d’envahir ce pays gigantesque se sont, de Napoléon à Hitler, cassé les dents.

La Russie n’est pas non plus en reste pour retrouver son lustre passé. Ruinée dans les années 90 elle a depuis, grâce entre autre à l’explosion du prix des matières premières abondantes chez elle, retrouvé une aisance financière qu’elle avait perdue depuis longtemps.

En pleine campagne présidentielle elle aussi, le « candidat-Président » Vladimir Poutine a promis de passer 772 milliards de dollars de commandes à ses industries de défense dans les 10 années à venir avec, entre autre, la création d’un bouclier anti-missiles comparable au bouclier anti-missiles américain. Là non plus aucune réaction d’aucun candidat en France alors que c’est un sujet essentiel pour l’avenir du pays. Qui a entendu parler de défense, d’enjeux géostratégiques et géopolitiques dans la campagne en cours ? Personne, ce qui veut  dire que soit nos candidats n’ont aucune notion des enjeux, ce qui serait catastrophique, soit qu’ils n’ont rien à dire dans ce domaine, ce qui serait également catastrophique, à moins que ce ne soient les deux…

En effet, si la Russie met au point son bouclier anti-missiles, et demain la Chine, notre dissuasion nucléaire ne sera plus qu’un fusil sans cartouches. Qu’ adviendra t-il alors ? Les plus atlantistes diront que nous sommes sous le parapluie américain et qu’il n’y a donc rien à craindre. On pourra leur rappeler cette phrase d’un Sénateur américain qui avait dit, à l’époque de la guerre froide : « je ne risquerai pas New York ou Los Angeles pour Paris ou Londres ». D’autres diront qu’il faut prendre la mesure des enjeux et mettre au point des armes capables d’assurer une dissuasion crédible et indépendante et, surtout, de revoir de fond en combles les relations internationales de la France, notamment avec la Russie qui doit être un interlocuteur privilégié de la France en Europe.

Avec un « pays en faillite », pour citer François Fillon, disposant d’un budget de la défense d’à peine plus de 30 milliards d’euros et une absence totale de ce sujet dans la campagne en cours on peut affirmer, comme Philippe Tesson dans Le Point, que « la France n’a pas la campagne qu’elle mérite ». Peut-être est-ce simplement le signe que nos politiques ont abandonné toute ambition pour la France au profit de leurs propres ambitions...

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